Hélicoptère présidentiel : un nouveau scandale dans la république

Depuis l’année 2014, un hélicoptère blanc immatriculé Ty-Abc domine les airs béninois. Il y vole presque tous les jours. Acquis normalement pour les opérations pétrolières, il ne servira jamais à cette fin. Chaque mois, la Société béninoise des hydrocarbures(Sobeh) engloutit des dizaines de millions pour son entretien et son fonctionnement.

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Elle n’a d’ailleurs pas le choix. Le principal passager à bord reste le président Boni Yayi. «  Le Conseil des Ministres a par ailleurs autorisé : la négociation de contrat avec la compagnie pétrolière Oilserv Limited, l’acquisition d’un second hélicoptère aux fins des opérations pétrolières et minières au Bénin, la création au sein de la Société Béninoise des Hydrocarbures (Sobeh) d’un département logistique et transport aérien dans le cadre des opérations pétrolières, les diligences en vue de la mise en exploitation de l’hélicoptère acquis dans le cadre des opérations pétrolières, le recrutement d’un pilote et d’un mécanicien pour opérer l’hélicoptère acquis dans le cadre des opérations pétrolières… ». Bon nombre de béninois ne se souviennent plus de cet extrait du conseil des ministres des 15 et 17 juillet 2014. On y annonçait l’acquisition d’un hélicoptère pour les opérations pétrolières. C’était le temps où la recherche du pétrole était une priorité pour le gouvernement. A plusieurs reprises, on a péroré sur cela dans les cercles du pouvoir et dans les meetings de propagande. Le Chef de l’Etat a été, maintes fois, remercié pour avoir permis au Bénin d’entrer dans le cercle très fermé des pays africains producteurs du pétrole. Pour emberlificoter le peuple, Barthelemy Kassa avait, quelques années auparavant, sous le premier quinquennat, montré en pleine audience au Chef de l’Etat un bocal contenant un produit noir qu’il présentait comme du pétrole béninois. L’intérêt pour l’or noir était vraiment affiché. Et donc, quand on annonça l’achat d’un hélicoptère pour les opérations pétrolières, très peu pouvait en douter. Mais curieusement, l’hélicoptère une fois acquise ira rarement en haute mer sinon presque jamais. On le verra quelques jours voler dans les airs. Pas à la recherche du pétrole mais pour transporter le Chef de l’Etat dans ses nombreux pérégrinations à l’intérieur du pays. Pour le pétrole, ça peut attendre.

Pétrole béninois contre hélicoptère

Voici un exemple parfait de détournement. Ce thème très répandu dans le vocabulaire béninois désigne les cas de prévarication, de malversations financières très fréquentes par ici. Son besoin  est né du fait que les transports des agents des compagnies pétrolières engagées sur nos côtes pour la recherche revenaient trop chers. En effet, toutes les deux semaines, ces compagnies doivent procéder au renouvellement du groupe des agents qui interviennent sur la plate forme pétrolière pour la recherche du pétrole. Il faut rappeler que plusieurs firmes pétrolières interviennent sur nos côtes à la recherche du pétrole. Il y a donc Sapetro pour le bloc1, Hunt Oil pour le bloc 2, Frasoil pour le bloc 3, le consortium Sbh- Petrobras-Shell pour le bloc 4 et Oranto pour les blocs 5 et 6. Pour leur va-et-vient en mer, ces sociétés sont obligées de louer dans certains pays limitrophes des hélicoptères pour le départ et le retour en mer des agents. Plusieurs sources affirment que ces navettes en mer avoisinent les milliards en un mois. C’est alors que le gouvernement, par le truchement de la Sobeh a décidé d’acheter un hélicoptère  pour faciliter le déplacement de ces agents. Le second avantage de cet achat est financier. L’hélicoptère sera loué aux firmes et ceci permettra à la Sobeh de capter cette manne financière qui s’évapore dans les locations. La Sobeh a acquis cet engin grâce au « bonus sur signature » avec Hunt Oil, cette firme américaine qui est en charge du bloc 2. Le bonus sur signature est une somme qu’une firme pétrolière verse à un pays avec lequel il a signé un contrat de recherche pétrolière. Il fait partie des quatre fonds que la Sobeh perçoit auprès de ces firmes qui explorent nos côtes à la recherche du pétrole. On peut citer les fonds de formation, le fonds de développement communautaire et le fonds de soutien. Le montant de ce bonus est de 18 millions de dollars (environ 9 milliards de fcfa). C’est cet argent que le gouvernement a converti en l’achat de cet appareil. Mais une fois acheté, l’hélicoptère ne servira jamais à ce à quoi il est destiné.

Un véritable cauchemar

 L’achat de cet hélicoptère annoncé comme une opportunité majeure pour la Sobeh s’est mué en un véritable cauchemar. En plus du fait qu’il n’a pu permettre à la Sobeh de gagner de l’argent parce que réservé uniquement pour les voyages du Chef de l’Etat, son fonctionnement absorbe presque toutes les recettes issues de ces opérations pétrolières sur nos côtes. Il faut en effet entretenir cet engin. Et c’est là que les fonds perçus auprès des firmes pétrolières sont engloutis. La preuve, le fonds de formation qui devrait servir aux différentes formations des cadres de la Sobeh n’a jamais été utilisé pour cela. Le Dg occupe le clair de son temps à s’occuper de cet hélicoptère. Il faut acheter du carburant, veiller à la réalisation des différents check up au Nigéria et payer les salaires du pilote et du mécanicien ; tous Français. Tout ceci absorbe assez de temps et de ressources financières. Par exemple, le pilote et le mécanicien sont payés respectivement à 15 et 13 millions Fcfa. En plus, ils ont des passeports diplomatiques béninois et sont logés dans de luxueuses villas Cen Sad construites aux encablures de l’ancienne primature. Pourtant, il existe à la base aérienne des jeunes pilotes et mécaniciens assez compétents. Courant Octobre 2014, nous avons pris contact avec le Dg de la Sobeh pour en savoir plus sur la gestion et l’entretien de cet appareil mais il s’est opposé à nous recevoir, prétextant d’une autorisation de son ministre de tutelle, lequel n’a daigné jamais répondre à nos multiples appels.  Quant au pilote français joint au téléphone pour la même cause, il s’est aussi refugié dans son mutisme, affirmant qu’il n’est pas autorisé à se prononcer sur la question. Il nous a d’ailleurs renvoyé vers le cabinet militaire du Chef de l’Etat dont un des responsables a affirmé n’être jamais intervenu sur «cette machine». Le ministère des Finances s’est habilement dérobé pour éviter que les fonds engloutis pour les nombreux voyages du Chef de l’Etat laissent des traces. Au total, précisent des sources proches du dossier, près de 100 millions Fcfa seraient investis chaque mois dans la gestion et l’entretien de cet avion. C’est ainsi que s’évapore le peu de revenus que procurent les recherches pétrolières à nos portes.

Petrobras dans l’œil de cyclone

En  dépit de ce gouffre financier en préparation, le ministre Kassa veut faire plaisir à son chef. Il se prépare actuellement pour l’achat d’un nouvel hélicoptère Vip. De quoi améliorer le confort du président Boni Yayi. Pour se faire, il mijote, avec le soutien de son conseiller juridique, d’annuler le contrat avec Petrobas et de faire payer à la firme des dommages et intérêts de plusieurs milliards. En effet, dans le contrat le liant à l’Etat, Petrobras devrait faire un forage mais pour des raisons techniques, elle n’a pu le faire. Cela a suffi pour enclencher le processus de résiliation de contrat et réclamer dommages et intérêts auprès de la société. Cet argent servira en partie à l’achat d’un nouvel hélicoptère Vip. La transaction a été entérinée par le Conseil des ministres.

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