Ecrivaine prolifique avec une dizaine d’œuvres parues en une décennie au Bénin et en France, Adélaïde Fassinou a dans un style accessible et presque sans tabou, accouché d’un nouveau livre intitulé «Le journal d’Esclamonde » et publié aux Editions Plurielles. Il s’agit d’un roman croustillant de 205 petites pages, qui plonge dans les tourments passionnels d’une femme hyper-amoureuse mais mal aimée qui se confie à son journal qu’elle personnifie et qui se révèle être un bien précieux, l’être particulier, l’ami fidèle sur qui chacun peut compter, surtout dans les moments les plus difficiles de l’existence.
« Après les larmes de cette nuit, j’ai pleuré encore ce matin », « Un an que nos corps ne sont plus allés à la rencontre l’un de l’autre ». Sans doute, cela saute à l’esprit qu’il s’agit là d’une plainte d’une personne amoureuse dépitée, souffrant d’un manque cruel de rencontre charnelle, libidinale. Réalité d’actualité. Nous sommes en plein aux pages 43 et 69 d’un livre contenant des confidences d’une femme mal aimée à son journal et ami intime. «Le journal d’Esclamonde », nouvellement sorti des entrailles créatrices de l’écrivaine béninoise et professeur de Lettres Adélaïde Fassinou, c’est un roman de 205 pages publié aux Editions Plurielles, qui livre les déboires d’une femme, victime de la maladie d’amour et de l’indifférence de l’homme objet de cet amour prêt à tout sacrifier.
De l’amour à la souffrance
Il n’est jamais assez de chercher à comprendre, ce qu’est l’amour entre un homme et une femme. Quand on ouvre «Le journal d’Esclamonde » que Adélaïde Fassinou propose, on lira entre autres : « l’amour est le plus beau des sentiments que la nature nous permet d’avoir à l’endroit d’une personne autre que soit » (P.36), « un frémissement qui fait battre deux cœurs à l’unisson » P153. Ce battement que Esclamonde, le principal personnage de cet ouvrage présente comme beau ne lui aura pas fait du bien. Témoignage vivant d’Esclamonde qui paradoxalement est aussi béninoise, enseignante et écrivaine comme Adélaïde Fassinou, l’auteure par qui elle existe, l’amour à sens unique, apparaît comme source de tourments causés par l’indifférence de l’homme, Ibrahim, un fonctionnaire international d’origine malienne et déjà marié. « Aimer sans écouter le rire cristallin de la femme de ses rêve, chaque semaine !…Aimer sans savoir ce qui se passe dans sa vie durant des jours, des semaines et des mois durant…Dis-moi, est-ce là ton sens de l’amour ? » Demande désespérément, dans un soliloque Escla, prise dans les chaines de la passion. Ouvrant ce livre qui se laisse pénétré, tout homme qui d’une façon ou d’une façon ou d’une autre fait souffrir une femme amante va se retrouver nez à nez avec des interrogations choques à l’instar de « Comment comprendre que j’ai pu être malade pendant plus d’un mois et que, pas une fois, tu n’aies pris ton téléphone pour avoir de mes nouvelles.»… « Comment peut-on être aussi avare d’affection envers quelqu’un qu’on aime ? Que coûte un ou deux courriels hebdomadaires ? », qu’aligne page après page, Esclamonde.
Le calvaire des « bureaux »
Au Bénin et dans la plupart des sociétés africaines, les hommes ont le loisir d’avoir ce qui dans leur jargon s’appelle des « bureaux ». C’est-à-dire des maîtresses, des relations extra conjugales. Esclamonde est délibérément le « bureau » de Ibrahim, le malien, de qui dit elle « Ibrahim, mon amour, mon idéal, l’homme de ma vie, l’homme que j’aime de toute ma soif et que je n’arrive pas à voir». Comme la plupart des hommes, cet homme a trouvé la mielleuse formule des promesses qui tue une maîtresse «Et pourtant tu m’avais promis un amour éternel. Tu m’avais promis que tu m’aimerais toujours, que tu ne me ferais jamais souffrir, que tu seras toujours là, quand j’aurais besoin de toi. Un sauveur… Un envoyé de Dieu ». Escla n’aura que ses yeux pour pleurer « Après les larmes de cette nuit, j’ai pleuré encore ce matin. Je pleurerai Ibra. Je pleurerai tant que je ressentirai de la douleur dans mon cœur » P69. Plus tragique, elle se retrouve seule quand la maladie la surprend dans ses tourments.
Qui cherche trouve !
La vie d’Esclamonde a quelque chose de particulière qui peut amener le lecteur de son journal à ne pas avoir pitié d’elle, bien qu’elle en inspire. Esclamonde, est une femme au foyer, une mère de famille qui cherche vainement loin l’amour à des milliers de kilomètres de son foyer, de son pays. «me voilà, dit-elle à la page 52, débarquée avec la fougue que tu connais, t’entrainant dans les fanges de l’adultère, moi l’Eve de service, la mendiante de l’Amour ». Elle n’a pas de complexe avec les relations extraconjugales : « Quand on n’a pas les couilles solidement accrochés, on ne se permet pas d’engager des relations extra conjugales ». Encore moins avec la polygamie : « nos pères, le sien comme le mien, pouvaient tenir la natte à une favorite au milieu d’autres épouses, sans qu’il y ait le moindre froncement de soucils. C’étaient des hommes, ceux-là ! ». Mais attention à ne pas lui jeter la pierre. Esclamonde se désole de la désillusion du mariage : « de plus en plus de couple ont perdu leurs illusion sur la vie conjugale. Il s’agit à la limite d’une obligation du code social, qui vous envoie dans le décor lorsque vous en suivez, ligne par lignes les directives… il y a beaucoup où l’union des corps n’existent plus.» P 146. Et elle comme plusieurs autres femmes dans la société, recherche de soutien avec un autre homme : « m’aideras-tu à vivre avec mon époux, Coco ? » demande Escla à un autre homme qui est apparu dans sa vie.
Leçon d’Amour
Dans ce journal dont Adélaïde Fassinou viole le secret, le lecteur, jeune adolescent agité par la passion des cœurs, et même l’adulte trouvera des leçons d’Amour. Quand on a passé trois années de mésaventures amoureuses comme Escla ce n’est pas ce qui manque. On y trouve un réalisme amoureux : « Quand on aime, il faut faire des concessions. Mais il y a un seuil. Lorsqu’on atteint le seuil du supportable, le bouchon saute et on revient à la case-départ. Aimer suppose un contrat tacite établi entre deux êtres qui décident de réaliser un projet commun, soit pour un court moment, soit pour la vie». Ou une peur de l’Amour : « l’Amour, il faut vraiment le fuir, ne pas y succomber, ne pas en être victime, pour ne pas faire les frais ». 144. Ce qui pourtant n’empêche pas la femme mal aimée qui a perdu son Ibra tué dans un accident, de faire savoir que les femmes n’attendent que d’être aimée : « De l’amour à profusion, c’est tout ce qu’on demande aux hommes ».
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