Le Jour le plus long, la Nuit la plus longue

Nous avons vaincu la fatalité ! Ainsi pourrait-on affirmer après  cette journée du mardi 19 mai 2015. Une journée doublée d’une longue nuit que vécurent deux groupes d’hommes et de femmes, enfermés dans une citadelle imprenable, le Parlement,  véritable forteresse gardée par les forces de l’ordre qui veillaient à ce qu’aucun intrus ne vienne perturber le cours des événements qui s’y déroulaient.

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Toutes les rues alentours étaient barricadées. Le peuple s’interrogeait, car du vivant de mon père qui a assisté à tous les combats politiques dans notre pays, depuis la colonisation jusqu’à la période révolutionnaire, aux côtés de Ahomadégbé, étant UDD chaud comme on dit sous nos tropiques, jamais on n’avait vu une élection de bureau de l’Assemblée se dérouler dans un climat aussi guerrier. N’étant plus de ce monde, je me permets de parler en son nom, de penser à sa place. Et je le revois remuer la tête, en nous disant, lors de la période révolutionnaire, alors qu’on s’amusait à l’appeler « Camarade Papa », « Vous êtes devenus fous ! Les Dahoméens sont devenus fous » ! Que dirait-il alors s’il était encore parmi nous aujourd’hui et assistait à tout ce charivari ?

Combat de gladiateurs

C’était la guerre ; appelons les choses par leur nom. Une guerre pour le perchoir. Une guerre d’intérêts. Personnels ou pour le bonheur de tous ? Guerre partisane ou pour la bonne cause ? Ainsi se questionnait le peuple qui les a envoyés dans  ce haut lieu de décisions,  en écoutant les débats qui s’allongeaient, les heures qui s’égrenaient sur les pendules dans les maisons, retenant les plus courageux accrochés à leur poste radio, pendant que les autres membres de la famille dormaient à poings fermés, remettant comme moi le sort du peuple au Dieu de la justice. L’agréable surprise nous était venue de la radio nationale, fille de l’ORTB, qui avait pris la lourde décision de retransmettre en direct les débats qui se déroulaient sous la houlette de maman Rosine Soglo, la doyenne d’âge. Afin que, une fois encore, le peuple soit témoin de ce nouvel épisode de son histoire, le tournant décisif qu’empruntera désormais notre démocratie. Ca passe ou ça casse ! Un véritable combat de gladiateurs ! Ceci m’avait fait penser à une Conférence nationale bis. Pourvu que cette fois encore, nous arrivions à vaincre la fatalité, ai-je murmuré avant de m’envoler vers Morphée.

Et le peuple gagna par 42 voix

Béni soit le 42ème disciple, qui par sa voix sauva le peuple. Il s’appelle Sauveur, c’est son nom. Peu importe ceux-là qui le nomment  désormais Judas. Pour nous le peuple d’en bas, c’est le Sauveur de notre nation, c’est celui par qui Dieu a exaucé nos prières.  Inutile de savoir par qui le mauvais sort a été conjuré. Qu’on l’appelle Codjo Boni ou même Judas, peu m’en chaut. Grâce à cette voix magique, nous avons vaincu la fatalité. Notre démocratie s’est réveillée de son long sommeil et s’élèvera à nouveau vers les cimes. Le Bénin étonne et étonnera toujours. Nous cesserons de raser les murs pour marcher fièrement aux côtés des autres peuples du monde. C’est un digne fils de ce pays qui, voyant l’enjeu important que représentait sa voix, n’écoutant que son cœur battant pavillon pour la paix, l’amour et la concorde entre tous les fils du Bénin,  a, par ce geste, offert le salut à tout un peuple. L’argent, le pouvoir, tout passe. Mais le peuple ne passera jamais. Et nous, parents, décideurs de ce pays, nous avons le devoir de léguer à nos enfants un pays en paix et bien gouverné. Un pays où seul l’amour pour la patrie guide nos actions. Un pays où les institutions de contre pouvoir jouent effectivement leur rôle, pour une démocratie véritable et apaisée, afin d’insuffler le réel développement qui fera sortir notre pays de la misère. La misère, nos élus l’ont côtoyée dans nos villes et villages, durant la campagne. Comment rester insensible à tout cela, et continuer de jouer des jeux de rôle dans ce haut lieu de décisions, où par notre vote, ils ont eu la chance de siéger ?

Nous ne voulons plus d’un pays où certains bombent le torse, parce qu’ils sont mouvanciers, pillent nos maigres ressources parce que l’impunité leur est assurée. Ceux-là qui égrènent à longueur de journée des laudes en l’honneur du Chef. Ceux-là peuvent se permettre le luxe d’assoiffer et d’affamer le peuple, sans craindre que le couperet de la justice ne leur tombe dessus. Justice à deux vitesses ! On n’en veut plus ! Nous voulons vivre dans un pays dont tous les fils se sentent heureux, parce que appartenant à une même Nation, où le père à le souci du bien-être de tous ses enfants et non d’un petit nombre qui sont « les siens ». Un père ne fait pas ça ! Il ne choisit pas de gaver une partie de sa progéniture, pendant que les autres – les plus nombreux hélas- vivent dans l’indigence. De frustration en frustration, la coupe a été pleine et nous avons assisté à la folie des marchés, il y a quelques semaines dans Cotonou.

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 La folie pour l’argent a envahi tout le pays !

 « Les  hommes politiques sont devenus fous », m’a dit une amie, elle-même femme politique. Ne comprenant pas son long silence sur l’actualité politique, je me suis tournée vers elle pour comprendre les raisons qui motivaient son comportement. « J’ai tellement parlé, tellement expliqué les voies et moyens par lesquels notre pays pourrait se développer. J’y ai usé ma santé, et fatiguée, je préfère regarder ce qui se passe de loin, et prier pour le pays » ! Et moi donc, combien de fois j’ai baissé les bras, ne plus écrire ces articles d’opinion, car je ne sais ce qui se complote contre moi dans les cercles fermés du pays ! J’y tiens à ma misérable vie, ne serait-ce que pour continuer de parler au nom des miens, quand ça ne va pas. C’est ainsi qu’une Nation se construit. A vouloir l’unanimisme autour de soi, on ne peut qu’assister à ce que nous avons vécu ces dernières années, ces derniers mois, ces dernières semaines. Comme le dit Maman Rosine Soglo «  Akouè ! Akouè ! Etchi ! Etchi ! » L’argent, rien que l’argent ! Tout pour l’argent ! Et puis quoi encore ! Vendre son âme pour de l’argent. On vend tout. On  achète tout. La folie pour l’argent a envahi tout le pays. Cette boulimie du matériel sape les fondements même de notre république –  Fraternité, Justice, Travail – et crée un fossé béant entre les différentes couches de notre société. Ces gens que nous avons élus, ces « zonorables »  sont allés jusqu’à  vendre nos voix aux enchères, chères populations.

  Nous nous sommes laissé griller au soleil pour que des aigrefins, véritables fossoyeurs de notre économie,  vendent nos voix au plus offrant et aillent se cacher sous leur immunité parlementaire. Où est donc votre dignité, chers zonorables ! Où l’avez-vous déposée en commettant un acte aussi abject ? L’argent ! L’argent a-t-il ôté en vous toute dignité, zonorables ? Cet acte que vous avez posé vous poursuivra toute votre vie. « Gbè non sanou ton dé ahoa » ! La vie ne vend rien à crédit. Et comme on le dit chez nous : «midahi homin », mettez votre esprit dans votre ventre ! Un ventre qui n’est pas guidé par l’esprit vous guide dans l’indignité, des actes immoraux.  Malgré nos voix vendues aux enchères, malgré les millions empochés, Dieu vous a sanctionnés. Pour vous dire : « Va et ne pêche plus » !   Ma très chère amie, tes prières ont porté ! Mes chers compatriotes, nos prières ont porté ! Notre démocratie a gagné ! Le peuple a vaincu la fatalité. Et, désormais, plus rien ne sera comme avant. Du moins, nous l’espérons, nous le peuple d’en bas.

Tous les mêmes ! Tous pourris !

Face à mon enthousiasme, certains compatriotes désabusés me répondent : «  Ils sont tous les mêmes, ces hommes politiques ! D’ici à ce qu’ils s’entendent encore sur notre dos pour renier toutes ces valeurs qui les ont déposés au Parlement, toutes ces promesses qu’ils nous ont faites, il n’y a qu’un pas à franchir par l’opposition.  Le peuple est totalement désabusé ; il ne croit plus en vous, hommes politiques ! Combien de jeunes m’ont dit : « Moi je n’irai pas perdre mon temps au soleil, pour les envoyer au frais, pendant que la galère demeure mon quotidien, et pendant longtemps encore ! ».  Cependant, je fais confiance à Maître Djogbénou, à Candide Azanaï, à Claudine Prudencio au Professeur Nago  à Aditi  Houdé, Walis Zoumarou, au président Houngbédji  lui-même et à tous les autres, quelque soit leur bord. Ayez un sursaut patriotique pour jouer le bon rôle ! Pensez à tous ceux qui, sans revendiquer un sou, se sont battus, afin que le changement véritable arrive au Parlement, pour sortir peuple de la misère. Nous voulons un parlement de développement ! Alors, que cesse l’impunité et que tous  ceux qui ont volé, pillé, dilapidé les deniers publics puissent rendre des comptes à toute la nation.

Des institutions de contre pouvoir bien enracinées dans leur rôle !

Des lois, beaucoup de lois pour régler les problèmes existant dans notre nation. Alors,  au travail ! Au travail, comme l’a recommandé Maman Rosine Soglo à la fin de son dernier combat mené pour le bonheur de ses petits enfants. Des lois pour remettre la Nation en ordre. Nous voulons des lois coercitives, partout où le désordre s’est installé, parce que le législateur n’a pas bien fait les choses. Nous ne voulons plus de députés transhumants qui vendent nos voix aux plus fortunés, pour se faire une place au soleil. Des lois sur le foncier, pour nous délivrer de la mafia foncière… etc. Nous voulons, le peuple béninois veut désormais des institutions de contre pouvoir réellement indépendantes et non complices. Complices dans la mal gouvernance, non ! Complices dans l’impunité et la justice à deux vitesses, non ! Que chacun assume son rôle dans le respect de la Constitution qui est notre boussole, et tout ira bien. Le peuple sera content. On n’assistera plus jamais à ces poussées délirantes qui s’emparent soudain de toute une nation et l’entraîne dans nos rues à tout casser, tout détruire ; même le respect des personnes âgées est battu en brèche par votre faute, vous les hommes politiques. Des enfants ont demandé à leur pères et mères de se déchausser, d’enlever les casques, d’éteindre les phares, de courir devant eux… Des responsables de sociétés, des responsables administratifs, même mes propres enfants ont dû dormir qui au bureau, qui chez des parents et amis de l’autre côté du pont, car la rue était apaisée là-bas. Mais c’est quoi ça ? On est dans quelle république ! Tout ça parce que le peuple vous a confié sa destinée en vous remettant le pouvoir ! On est fatigués ! Nous voulons la paix et du gari dans nos gamelles ! Pas de guerre chez nous ! Si Dieu était une femme, le monde aurait un autre visage. Nous, les femmes qui souffrons chaque fois que ça va mal, exigeons des lois pour nous permettre de mieux gérer la cité à vos côtés.

Discrimination positive en faveur des femmes

  Eric Houndété n’a qu’à introduire des lois sur la discrimination positive, afin que sa maman soit encore plus fière de lui. Puisqu’il nous a dit que c’est dans la circonscription de sa mère qu’il se fait élire, à chaque mandature. Tous ceux  qui nous ont fait des promesses durant la campagne, nous vous avons à l’œil. Maman Rosine Soglo, Claudine Prudencio, Sofiath Chanou  et toutes les autres femmes pour qui j’ai demandé de voter massivement, nous attendons de vous une bonne entente, pour nous sortir de l’anonymat. Vous avez vu ce que le pays que nous avons  confié aux hommes est devenu. Alors, battez-vous comme les Sénégalaises, afin de nous offrir la parité très vite, durant cette mandature. Sinon, nous allons désespérer de ce pays, de sa classe politique surtout. On sait que la femme est une bonne gestionnaire, partout où on lui confie une tâche, elle l’accomplit avec conscience. Chers hommes, si vous nous abandonnez la gestion de vos progénitures, alors pourquoi refusez-vous de nous octroyer la part du pouvoir politique qui nous revient à vos côtés ? Pour sortir notre pays du sous-développement ? De la mauvaise gestion dont vous êtes si friands?

Et pour finir, tout notre satisfecit à maman Rosine Soglo pour la maestria avec laquelle elle a conduit les débats, du haut de ses 81 ans et malgré sa cécité. Le Bénin étonnera toujours. Maman  reste pour nous, femmes béninoises un modèle. Elle  mène  le bon combat, afin de laisser un bon héritage à ses petits-enfants. Un parlement d’hommes libres, qui ne doivent leur ascension qu’au peuple, rien qu’au peuple. Un parlement uni derrière un président élu, ayant à cœur le bien-être de tous, de vaillants députés qui diront haut et fort ce qui ne va pas. Qui voteront des lois uniquement en faveur du peuple. Plus de parlement caisse de résonnance, parlement « le chef a dit », parlement d’hommes muselés, que seuls les intérêts du chef guident dans leurs votes. On est fatigués ! On en a marre de cette image négative de nos représentants à l’Assemblée.

Stephan HESSEL l’a dit : S’il y a quelque chose qui caractérise l’humain, c’est sa faculté à s’indigner. » Marcel de Souza, député fraichement élu, vient de le prouver. Quand on est un homme, il y a des choses qu’on ne peut accepter. Au risque de voir ses parents se retourner dans leur tombe. « Midahi homê ». L’argent ne peut tout acheter ici-bas

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