S’indigner pour changer

Infernal week-end, tout au moins à Cotonou et à Porto-Novo. L’eau s’est faite rare. L’électricité s’est fait attendre. Le carburant s’est fait désirer. Quant aux connexions GSM et   internet, c’est encore et toujours la même histoire. Pour un pays qui n’est pas en guerre, c’est la totale. C’est le signe d’une   grave défaillance dans la gestion et dans la gouvernance.

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Quand des dysfonctionnements d’une telle ampleur surviennent, on se doit de diriger le regard vers trois directions. La direction des centres politiques qui décident. La direction des centres techniques qui exécutent. La direction des populations qui souffrent.

Les centres politiques doivent faire l’amer constat d’un échec.    Quelque chose n’a pas fonctionné, ne fonctionne pas ou ne fonctionne plus. Mais le constat ne doit pas laisser bras croisés face au malheur. Il faut commencer par situer les responsabilités. Il faut ensuite prendre, avec la diligence requise, les mesures correctives nécessaires. Sinon, il faut se déclarer incompétent et fermer boutique. Rien de plus. Rien de moins.

Mais il reste un espace que les centres politiques n’explorent pas à bon escient. C’est l’espace de la communication. Soit on en ignore les lois et il ne reste plus qu’à se laisser aller à improviser. Soit on prend le parti de la manipulation et on tente alors de dire tout et son contraire. Car l’essence qui manque dans les stations services, les connexions qui se font défaillantes, l’électricité et l’eau qui foutent le camp, tous ces déficits dans notre vie de tous les jours pourraient avoir une explication plausible. Il faut parer au défaut de ne pas communiquer, de communiquer mal ou de contre communiquer, pour nous autoriser un tel néologisme. L’éventail est large entre la parole qui explique et qui apaise, le silence qui devient assourdissant, l’incompétence qui se pare des haillons de l’ignorance ou du mensonge.

Les centres techniques doivent inventer une nouvelle manière de se signaler à l’opinion. Nous n’avons que trop vu des syndicats à leurs avantages accrochés. Au point d’oublier, dans certains secteurs sensibles, le service minimum qui sauve des vies. Ne devrait intéresser personne l’argent taché du sang de l’innocence ou l’argent exhalant l’odeur répugnante de la mort.

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Les centres techniques ont pris l’habitude de se contenter de fiches et de notes techniques adressées à l’autorité sous forme de rapports. On se dédouane ainsi à bon compte. On décline toutes responsabilités quant au reste. Pourvu que le salaire tombe. Si un tel comportement ne consiste pas à scier la branche sur laquelle on est assis, cela y ressemble. Qui scie la branche sur laquelle il est assis, scie celle qui porte le pays tout entier.

Les centres techniques doivent, de ce fait, se débarrasser d’une bureaucratie de la démission. Celle qui entretient la bonne conscience technocratique et qui ne s’arrête qu’aux rapports,  que l’autorité destinataire, bien souvent, ne lit pas, ignore ou classe sans suite. Il faut faire pousser dans les centres techniques l’arbre de la res publica, c’est-à-dire, l’arbre de la chose publique. C’est un bien patrimonial. Nous en détenons chacun une part de propriété. Pour dire que derrière les montagnes de rapports administratifs et techniques, doit naître un citoyen nouveau, doit poindre une nouvelle conscience citoyenne. De ce point de vue, nos cadres ne doivent pas se contenter d’être de simples agents d’entretien du temple, mais des gestionnaires de nos intérêts individuels et collectifs, à court et à long termes. L’échec des cadres techniques à servir leurs pays préfigure l’échec des communautés entières   survivre.

Les populations, enfin, ne peuvent plus continuer d’être un bétail manipulable à merci. Elles doivent refuser de subir les conséquences de l’incurie des autres, en commençant par identifier leurs intérêts bien compris, par apprendre à les défendre becs et ongles. Quand on reste des heures durant dans une longue queue d’engins divers avant de se procurer du carburant, quand on passe tout un week-end sans eau et sans électricité, le minimum, c’est de s’indigner face à la bêtise. Voici la définition que le dictionnaire donne de l’indignation :  » Sentiment de colère que soulève une action qui heurte la conscience morale, le sentiment de la justice » (Fin de citation) Leçon d’histoire : les peuples qui ont su changer leur vie ont été d’abord les peuples qui ont su s’indigner. Sans commentaire.

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