Assemblée nationale : discours d’investiture d’Adrien Houngbédji

Pour la septième fois et selon le rythme constitutionnellement établi, le Bénin sacrifie à la tradition de l’investiture du Président de l’Assemblée Nationale. En cet instant précis, permettez-moi de vous dire merci à tous pour votre présence massive à cette cérémonie.

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J’y vois une volonté manifeste de soutien à la démocratie Béninoise.
Merci surtout à vous, chers collègues Présidents des Assemblées Nationales,chers collègues Présidents de délégations et Honorables Députés,venus de différents pays frères et amis, pour nous soutenir, Pour porter témoignage de votre sympathie au peuple Béninois. Votre présence parmi nous, croyez-moi, nous émeut particulièrement et donne un éclat particulier à cette cérémonie. Nous y voyons un signe de solidarité entre nos Parlements, et d’amitié entre nos peuples. Les gouvernements de nos pays respectifs ayant clairement exprimé leur volonté politique de réaliser l’intégration régionale et sous régionale, la diplomatie parlementaire et la coopération interparlementaire sont très naturellement appelées à être les instruments de cette politique. Nous vous remercions d’être venus partager notre foi.
Je voudrais remercier très particulièrement nos Rois, leurs Majestés, les têtes couronnées, les chefs de culte et autres dignitaires pour l’honneur qu’ils nous font de leur présence, ainsi que pour leurs prières quotidiennes, leurs actions de grâce et leurs bénédictions.
J’associe à mes remerciements les nombreuses personnalités, les invités de marque ici présents en leurs qualités respectives.
Merci également à vous tous, chers compatriotes et chers Invités qui avez accepté de prendre une partie de votre précieux temps pour apporter votre soutienà la démocratie en marche.

Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Notre Pays vient de confirmer, une fois encore, son attachement à l’alternance démocratique. Et il l’a fait de belle manière, en réalisant l’alternance des majorités dans son Parlement. Cet exploit mérite d’être salué.C’est en se déclarant souveraine, alors qu’elle n’avait été convoquée que pour trouver une solution à la crise économique et sociale qui secouait notre Pays, que les membres de la Conférence des Forces Vives de la Nation, avec une audace et une lucidité sans précédent, ont placé notre pays sur les rails de la Démocratie.
Très chers Collègues, vous êtes les héritiers de la Conférence Nationale. Vous êtes l’Assemblée Nationale, et c’est donc notre honneur d’être les représentants de cette souveraineté conquise au prix de durs sacrifices.C’est à vous qu’il revient d’exprimer la volonté de la Nation Béninoise.
Votre tout premier acte, après les séances remarquablement conduites par notre doyenne d’âge Madame Rosine VieyraSogloà qui je rends hommage pour son endurance et sa détermination, votre tout premier acte, disais-je, a été de me porter à la Présidence de notre institution, présidence où se sont illustrées des personnalités prestigieuses de très grande qualité, je veux nommer mon prédécesseur direct, le Président Mathurin Coffi NAGO, le Président Bruno Amoussou, le Président Antoine IDJI Kolawolé, sans oublier notre cher et regretté Monseigneur Isidore de SOUZA de très glorieuse mémoire.
Ce que j’ai ressenti au prime abord, aux termes de cette nuit du 19 au 20 mai, c’est un sentiment d’humilité, car en me choisissant pour des motifsque je sais essentiellement politiques, dans cette Assemblée qui compte tant de talents, anciens comme nouveaux, vous avez dû faire abstraction de mes défauts si évidents, étalés au grand jour pendant 25 années passées sur le devant de la scène, dont 8 du haut de ce perchoir ; défauts si connus de tous, et dont j’ai du mal à me défaire malgré mes efforts, comme vous le constatez déjà moins de 3 semaines après cette nuit mémorable.
Sentiment d’humilité donc et volonté de faire mieux ; c’est dire combien votre indulgence me sera précieuse.
Humilité ! Mais en même temps sentiment de fierté, car cette élection ne doit rien à quelque reniement ou compromis sur les valeurs et les principes auxquels vous me savez attachés de longue date, et auxquels vous savez tous, que je resterai fidèle. C’est fort de cela que j’adresse mes remerciements les plus sincères et les plus émus à ceux et celles d’entre vous qui m’ont accordé leurs suffrages. Cette nuit-là, au fil du dépouillement des bulletins, j’ai ressenti les battements de vos cœurs au plus intime de mon propre cœur.
Et pourtant, ce n’était jamais que la 3ème fois que je subissais pareille épreuve.
J’ai compris cette nuit-là, plus que les autres fois, que l’honneur que vous me faites, est moins une faveur qu’une charge ; et que la confiance qui m’est accordée est une invitation à la mériter sans cesse et sans faiblesse.
A tous mes Collègues, de quelque bord qu’ils soient, je veux donner l’assurance de mon impartialité et de ma détermination à œuvrer pour l’expression de toutes les opinions,convaincu que chacun usera de sa liberté dans le respect de celle des autres.
‘’Je serai le Président de tous’’: sur mes lèvres, il ne s’agira pas d’une simple formule.
Les circonstances ne me laissent pas d’autres choix que d’être effectivement le Président de tous : je l’ai déjà dit.
Comment pourrions-nous en effet oublier que deux semaines auparavant, le débat politique était dans la rue.Comment pourrions-nousoublier que l’insurrectioncouvaitjusqu’à nos portes,et que notre pays était à deux doigts de basculer dans la violence.
Comment pourrions-nousl’oublier ?
Jamais de mémoire d’homme au Bénin, l’élection du Bureau de l’Assemblée Nationale et de son Président, n’a suscité dans l’opinion pareille mobilisation, dans les vons, dans les maisons, dans les bureaux, sur les marchés, pareil déchainement de passion, jusque sur les réseaux sociaux, comme si de nos choix dépendait la destinée du pays, comme si de nos choix dépendaient la bonne gouvernance, l’eau, l’électricité, l’éducation, les soins de santé et j’en passe.
Nous avons fait, dans la plus stricte tradition démocratique, les choix que notre Pays attendait. Dieu soit loué !
Depuis lors, nos contradictions politiques qui n’auraient jamais dû gagner la rue, sont retournées dans le sanctuaire qui leur est réservé, je veux dire l’Assemblée Nationale.
Et le Bénin, en nous investissant d’une mission qui dépasse de loin le cadre de nos capacités et de nos attributions, a retrouvé le chemin de la paix. C’est désormais d’unBéninapaisé que nous héritons ; un Bénin confiant mais vigilant.
Et c’est notre honneur à nous tous, d’avoir capté le message émis par notre peuple : dialoguant entre nous et dans la paix, nous gagnerons la seule bataille qui vaille, la bataille de la Démocratie et du Développement, dans la libre expression de notre diversité.
Oui, à voir l’ambiance qui règne désormais dans l’hémicycle, la tolérance qui prévaut désormais, le souci partagé du respect de l’autre, le consensus qui a présidé à la composition de nos commissions permanentes, et la quasi-unanimité des suffrages recueillis par les candidats aux différentes postes au sein de ces commissions, à quelque bord qu’ils appartiennent; à voir un tel dénouement, qui eût cru que c’est cette même Assemblée, qui, trois semaines auparavant, dans un climat glacial et d’exclusion réciproque, ne s’est donné un Président, que par une voix d’écart, avec son rival d’un jour, l’honorable KOMI KOUTCHE dont je salue ici la performance.
C’est notre honneur. Ailleurs on se bat d’abord, on s’entretue d’abord et on discute ensuite. Ici, on s’assoit tout de suite, on discute et les solutions jaillissent du débat ; c’est ce que les observateurs appellent l’exception politique Béninoise.
J’en suis extrêmement reconnaissant à chacun et chacune d’entre vous. Je sais d’expérience que nous aurons encore des débats houleux, des séances chaudes ; ainsi le veut la démocratie parlementaire. Mais j’ai la ferme conviction que nous garderons le même cap jusqu’à la fin, car l’exception politique que nous constituons n’est pas une fin en soi. Elle n’a de sens que lorsqu’elle permet des avancées démocratiques.
Nous étions un modèle. A force de perdre du terrain, le label a disparu.
Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur les élections du 26 avril qui ont donné naissance à notre législature, et à son Bureau.L’allégorie des deux télécommandes a été fréquemment invoquée. Ni l’une ni l’autre ne sont vertueuses
Ce que je veux dire ici avec force, c’est qu’une élection n’est juste et équitable que si les moyens disponibles sont eux-mêmes justes et équitablement alloués.
Ce que je veux dire ici avec force, c’est qu’il faut condamner les méthodes qui dénaturent la démocratie. Je veux proclamer ici l’impérieuse nécessité d’une réforme approfondie de notre système partisan. Aboutir à un nombre très réduit de partis politiques au lieu des deux cents actuellement dénombrés. Les construire autour d’un projet de société. Instaurer en leur sein des règles efficaces d’alternance. Assurer un financement public conséquent de leurs activités assorti d’un contrôle non moins public. Interdire la transhumance.
Le tout pour permettre aux partis d’être de vrais soclesqui jouent efficacement leur rôle dans l’animation de la vie politique et dans la conquête du pouvoir d’Etat.
Sans une réforme d’envergure, le risque est grand de voir notre classe politique disparaitre progressivement et à jamais.
En attendant cette réforme, les règles du jeu étant ce qu’elles sont, cette Assemblée est bien telle que l’a voulue le peuple Béninois.
Dès lors que nous sommes légitimes à légiférer, à contrôler et à administrer, c’est d’abord en chacun de nous que se trouvent les réponses aux critiques formulées à l’encontre de notre fonctionnement.
Il sera certainement utile de procéder à une réécriture de notre règlement intérieur et de notre règlement financier. Et donc de procéder sans retard à l’étude du rapport du Comité de Réforme Juridique et Institutionnel Interne à l’Assemblée Nationale (COREJI).
Mais ma conviction est que la seule réforme des textes ne sera jamais suffisante si elle ne s’accompagnede quelques actions volontaristes.
Par exemple la volonté de maitriser le temps pour que disparaissent les retards inutiles, la dispersion, le sentiment d’inutilité qui gagne l’opinion et qui nous gagne nous-mêmes.
Par exemple encore, offrir aux Béninois une image de notre Parlement autre qu’une succession d’invectives parfois trop vives et des bancs souvent trop vides.
Par exemple encore, nous organiser pour légiférer, je ne dis pas plus vite, car l’inflation législative porte le germe de l’impuissance, mais légiférer mieux dans les meilleurs temps possibles.
Le travail parlementaire vaut par la qualité des lois que nous votons.
Comment permettre aux députés d’assurer vraiment leur fonction de législateur et de contrôleur, sur des sujets très complexes ?
Comment rendre plus fonctionnels les cabinets des députés ? Le recours à des expertises externes auprès de chaque commission, en fonction de la nature du dossier à l’étude, n’est-elle pas une approche de solution ?

Pourquoi ne pas exploiter aussi l’expérience, la compétence et la sagesse de nosAnciens Présidents de l’Assemblée Nationale,redevenus députés, en les intégrant par exemple à la Conférence des Présidents ?
Comment rendre plus efficace notre contrôle de l’action gouvernementale ?
Les commissions d’enquête parlementaire suscitent des interrogations, car les suites réservées à leurs conclusions ont été rarement à la hauteur de leurs travaux et rarement à la hauteur des attentes de l’opinion.
Faut-il y associer davantage la société civile ?Quelle couverture médiatique ?
Suggérer une meilleure médiatisation, c’est vouloir redéfinir les programmes et les émissions de radio hémicycle pour qu’elle soit l’instrument d’une meilleure connaissance de nos travaux par nos citoyens, et c’est ouvrir davantage l’Assemblée Nationale aux Béninois pour contribuer à l’instruction civique des populations.
Pour améliorer notre connaissance des mécanismes budgétaire et économiques, nous avons créé l’Unité d’Analyse et de Contrôle de l’Exécution du Budget (UNACEB) et la Cellule d’Analyse des Politiques de Développement de l’Assemblée Nationale (CAPAN). Elles sont devenues inopérantes malgré l’appui déterminant de nos partenaires au développement, notamment le PNUD et l’ACBF que je remercie très sincèrement pour leurs contributions. Quelle réforme engager pour que ces institutions reprennent vie ?
Enfin, l’Assemblée Nationale, c’est aussi des hommes et des femmes, permanents ou contractuels qui constituent son administration et qui consacrent leurs temps à rendre possible et efficace la mission que nous avons reçue du Peuple.
Je salue le personnel parlementaire toutes catégories confondues. Il constitue la première ressource d’appui, et mérite à notre avis une attention particulière. Il sait qu’il a ma confiance.
Nous devons sécuriser l’emploi des uns et des autres, adopter le plan de carrière en cours d’élaboration, promouvoir ceux qui par des efforts personnels ont atteint des niveaux de connaissance et de compétence plus élevées.

Honorables invités
Chers Collègues,
Notre législature débute dans un contexte où partout dans le monde, la paix et la sécurité sont menacées. Nous assistons impuissantsà la montée des fondamentalismes religieux. L’intégrisme gagne du terrain avec pour corollaires la violence, les attentats ciblés, les enlèvements et de lourdes pertes de vies humaines.
Cette situation nous interpelle. Il est de notre devoir de nous engager pour la paix.
Les activités de BOKO HARAM au Nigéria, au Niger, au Tchad et au Mali constituent de grands sujets de préoccupation. De concert avec la communauté internationale, le Bénin joue sa partition.
Nous devons montrer notre disponibilité à accompagner les initiatives du gouvernement, dans le cadre de la diplomatie interparlementaire.
J’en appelle en effet à une intense coopération interparlementaire.
Je salue une fois encore les éminents Présidents d’Assemblée Nationale, les chefs de délégation et nos collègues des parlements Africains venus nous honorer ; leur présence ici peut être le point de départ d’une dynamique nouvelle.

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Mers chers collègues
La législature achèvera sa course en mai 2019.
Les défis que notre Pays doit relever à terme sont connus : juguler la crise économique et sociale ; fournir davantage d’efforts dans les domaines de l’éducation, de la formation, de l’emploi des jeunes, de la promotion des femmes, de la santé et des infrastructures.
Mais dans le court terme, notre principal défi est politique : il s’agit pour nous de contribuer à l’instauration, d’une transition douce, qui permettra au Bénin de passer sans coup férir, mais sans heurts, d’un régime à un autre le 6 avril prochain dans la plus pure des traditions démocratiques.
Comme vous le voyez, les tâches qui nous attendent sont exaltantes.
J’ai l’intime conviction qu’elles ne sont pas au-dessus de notre capacité, de tolérance, de clairvoyance et de courage.
Vive la démocratie
Vive l’amitié entre les Parlements
Vive le Bénin

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