Bras de fer entre législateur et politicien

C’est faux : le législateur et le politicien ne sont pas des frères ennemis. L’un a pour mission de faire des lois. Il aide, en cela, ses semblables à nuire le moins possible à leur environnement humain.

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L’autre a besoin de l’autorité de la loi pour gouverner et gérer au mieux la cité. Nous sommes donc dans un partage de rôle. Il suffirait, de ce fait, d’un peu d’intelligence, de part et d’autre, pour que cette complémentarité se transforme en complicité. Mais gardons-nous de trop simplifier. Le jeu complexe des intérêts contraires nous l’enseigne. Le choc des contradictions de toute nature nous renseigne.

Le législateur a inscrit dans la Constitution de notre pays que nul ne peut prétendre à plus de deux mandats présidentiels. Ce qui veut dire que le Président élu ne peut garder son fauteuil plus de dix ans. Il doit partir. Il doit passer la main. Voilà une disposition largement partagée par la plupart des Constitutions des pays africains. Et pourtant. La loi est claire sur le sujet. Les manœuvres politiciennes le sont moins. Que n’avons nous pas compris, aux dires des Latins,  » Dura lex, sed lex » ? La loi est dure, mais c’est la loi.

A Bujumbura, le Président Pierre Nkurunziza, contre vents et marées, avance, entêté. Il veut briguer un troisième mandat. Contre la Constitution du pays. Contre la volonté de la rue. A Brazzaville, le Président Sassou Nguesso n’aborde pas le sujet de front. Il préfère, pour l’instant, botter en touche. Il consulte les forces vives du pays. A Kigali, le Président Kagame dit être trop occupé par les problèmes de développement de son pays. Un troisième mandat, dans ces conditions, n’est, pour lui, qu’un sujet de distraction. Mais, sait-on jamais. Et si le peuple en décidait autrement ? Avec des pétitions qui fleurissent ici et là, tout porte à croire que le dernier mot restera à « La voix du peuple » qu’on dit être  » La voix de Dieu ». A Cotonou, tout est clair. Le président Boni Yayi a tranché dans le vif. Il a donné raison aux Latins : « Dura lex, sed lex », la loi est dure, mais c’est la loi. Bravo !

Sur un autre sujet, le législateur a inscrit dans la Constitution que les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ce qui leur confère un rôle éminent dans l’expérience démocratique en cours dans notre pays. Mais quelle distance entre les mots de la Constitution et la chose sur le terrain ! Le piteux spectacle chaque jour offert par nos soi-disant formations politiques suffit à dire qu’au Bénin, la démocratie est encore largement un jeu de dupes. Au risque de donner raison à ce prophète de mauvais augure qui soutenait que « la démocratie est un luxe pour l’Afrique ». La multiplication des clubs électoraux n’est pas un signe de bonne santé démocratique. Le cancer ne l’est pas non plus pour l’homme. Il se définit, soit dit en passant, comme la prolifération anormale et anarchique des cellules. Le législateur veut guérir. Mais le politicien peut choisir de chérir sa maladie, peut choisir de vivre avec elle. Ses intérêts du moment colorent sa vision. C’est ce qui donne du sens et de la valeur à son business. Pour le reste, causez toujours…

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Un dernier cas pour illustrer ce bras de fer permanent entre le législateur et le politicien, c’est le poste de Premier ministre. Le législateur béninois l’a ignoré. Il n’est mentionné nulle part dans la Constitution. Le politicien sent, pourtant, la nécessité de l’inventer, de le créer, même s’il doit être et rester un « machin » qui résonne creux comme un contenant sans contenu. Le Président Nicéphore Dieudonné Soglo a su contourner la difficulté. Il a nommé, en son temps, un ministre d’Etat chargé de coordonner l’action gouvernementale. Le Président Mathieu Kérékou, de propos délibéré, a choisi le dérapage contrôlé. Il désigna alors, une première sous le Renouveau démocratique, un Premier ministre. Le Président Boni Yayi fait fort et plus fort que tous. Il nomme un Premier ministre flanqué d’un Vice Premier ministre.

Ainsi se poursuit sur la scène publique ce bras de fer permanent entre le législateur et le politicien. Le spectacle auquel est convié le bon peuple est gratuit. On ne lui demande qu’à compter les coups et à rire des farces et des grimaces des lutteurs. Mais, attention. Ne nous laissons pas distraire. « Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera »

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