Ma contribution à l’ouvrage de l’Agronome Raphaël EDOU :  »Cotonou, ville émergente »

La solution au problème de développement de la ville phare de Cotonou est un véritable  casse – tête. Elle ressemble même à la quadrature du cercle. C’est pourquoi de l’appellation  de la Circonscription Urbaine à son érection à une Mairie à  statut particulier, aucun dirigeant n’est encore parvenu à trouver  des stratégies  idoines pour son développement durable. Ceci est dû  à mon avis à son urbanisation vertigineuse et surtout sa rapide poussée démographique.

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La concentration à outrance des activités professionnelles est aussi un mal. C’est pourquoi, j’avais préconisé au Président SOGLO en 1991 une politique de décongestion   en vue de la création d’autres pôles de développement.

Beaucoup d’idées ont été émises par des spécialistes. Mais sauf erreur de ma part, aucun livre n’a été publié sur le casse-tête Cotonois. C’est pourquoi, j’ai lu avec plaisir  et beaucoup d’intérêt l’ouvrage de Raphaël EDOU pou une « approche quartiers pour son développement durable ».

 Je tiens à apporter ici ma modeste contribution sur le travail minutieux abattu par son auteur. Si tout part et revient à la politique, ce livre revêt d’abord un caractère hautement technique.

La quartiérisation du développement local

Au lendemain de la Révolution du 26 Octobre 1972, il y a eu la proclamation de l’historique  Discours-programme du 30 Novembre 1972 qui avait reçu l’adhésion total des masses populaires. Les deux principaux mouvements de jeunes à l’époque ont voulu chacun à sa manière l’application de ce programme.

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La Ligue Nationale de la Jeunesse Patriotique voulait son application immédiate à partir du sommet sans sa popularisation minimum au niveau des masses populaires. L’Union Générale des Elèves et Etudiants du Dahomey (UGEED) dont j’étais membre voulait quant à elle, une sorte de trilogie pour l’application de ce sacré Discours. Il faudrait d’abord  sa vulgarisation au niveau des populations de chaque région de notre pays. Ensuite, chaque région enverrait au gouvernement le programme amendé en tenant compte de ses réalités. Le gouvernement qui ne serait qu’un guide des actions apprécierait les données possibles par les cadres compétents et vraiment patriotes. C‘est après qu’interviendrait son application en étroite collaboration avec les bases. C’est ce qui a été connu sous l’application de la régionalisation de la lutte anti-impérialiste.

Après donc l’idée de régionalisation du développement des années 1972 à 1974, L’Agronome Raphaël EDOU vient de lancer l’idée de « quartiérisation » du développement qui peut être considérée comme le soubassement de la régionalisation du développement préconisée par  l’UGEED. Cette recette nouvelle ne doit pas être seulement appliquée  à la ville de Cotonou, mais aux autres villes et villages de notre pays. A la quête de l’efficience et de l’efficacité, c’est une idée originale et pragmatiste.

La quartiérisation et Gouvernance Concertée

La régionalisation aussi bien que la quartiérisation ressemble au concept de la Gouvernance Concertée du Docteur KWAME N’krumah, concept qui a été l’idée centrale d’un livre que j’avais publié en 2010 sur le Président Thomas Boni YAYI. En effet, voici ce que  N’KRUMAH avait dit :  «Va au peuple. Vis dans son sein. Apprends de lui. Aime le. Sers-le. Prépare avec lui. Commence avec ce qu’il sait. Construis sur ce qu’il a ».

Les politiciens ne peuvent pas concevoir seuls tous les plans de développement. Car ils ne peuvent pas connaître tous les besoins des masses. C’est pourquoi, ces masses doivent être associées en amont. Qui a dit que les analphabètes des campagnes sont bêtes ? Ceux-ci sont très intelligents et peuvent résoudre les problèmes les plus compliqués .Car ils réfléchissent et pensent dans leur langue maternelle .Aussi, Albert Einstein, l’un des grands penseurs contemporains avait révélé que « l’imagination est au-dessus de la science » comme l’intelligence est au-dessus des connaissances livresques.

La problématique du transfert des compétences

Cette question a été largement abordée dans un article que j’ai publié dans le Journal « Les Echos du Jour » du Mardi 10 Février 2004  et intitulé : « La décentralisation et le vertige actuel du transfert des compétences : ce qu’il faut d’abord savoir ». Les points qui y sont développés étaient parfaitement en harmonie avec la vision des Puissances Occidentales qui avaient commencé cette expérience avant nous.                                                                                                                                                        

En effet, l’ancien Premier Ministre Français, Monsieur Jean-Pierre Raffarin disait en 2003, citations : « La décentralisation, c’est le transfert aux collectivités locales de certaines tâches que l’Etat n’arrivait plus à bien faire. Mais ce transfert est accompagné de moyens .Nous n’allons pas tolérer la dérive tarifaire » Fin de citations.

La Commune ne peut donc pas se substituer à l’Etat. Elle ne représente pas l’Etat  dans l’Etat. La loi 99-029 du 15 Janvier 1999 sur la décentralisation au Bénin, en son article 108 stipule, citations : « La Commune exerce ses compétences en conformité avec les stratégies sectorielles, les réglementations et normes nationales en vigueur »Fin de citations. Plus loin l’article 110 de la même loi précise, citations : « Au moment de sa création, si une Commune ne possède pas de biens propres, l’Etat met à sa disposition les moyens nécessaires au fonctionnement des services communaux et peut lui céder tout ou partie des biens lui appartenant et situés sur la commune » Fin de citations. Ce qui veut dire que l’Etat peut transférer tout de suite, transférer plus tard ou décider ne plus transférer du tout. Pour ce qui concerne les marchés, 33 (Trente trois) auraient été déjà cédés de droit à la Mairie de Cotonou. Mais l’Etat central n’a pas tors de retarder la cession du marché international de Dantokpa dans lequel il investit selon des sources plus de 6 milliards de francs CFA par an. S’il décide de le céder, il doit d’abord analyser toutes incidences financières liées à son désengagement définitif, c’est-à-dire la capacité de la Mairie à gérer seule ce grand joyau et les retombées économiques pour le budget de l’Etat.

L’installation d’un Comité de gestion préconisé par le gouvernement KEREKOU devra donc encore être envisagée. C’est ce que semble refléter l’approche de solution de Raphaël EDOU à la page 66 de son livre.

Conclusion

L’importance du livre du Ministre Raphaël EDOU est qu’il est arrivé à la conclusion que la politisation à outrance a été un frein à la première expérience

de la décentralisation. Cette idée est au diapason de mon article publié dans le Journal. « Le Point au Quotidien » du 13 Septembre 2002, citations : «  La mission première des partis politiques est l’animation de la vie politique nationale. Ils doivent normalement tous aspirer à la conquête  du  pouvoir d’Etat. Par leur rôle d’animation, les partis politiques peuvent éduquer et éveiller les masses. Ils peuvent donner des conseils judicieux aux collectivités locales. Mais à mon humble avis, les partis politiques ne peuvent pas être les leviers du développement local. C’est un leurre. Ce serait un véritable contraste.

Les partis politiques étant ce qu’ils sont, leurs pratiques risquent  de conduire, non pas à la régionalisation du développement, mais au régionalisme du développement, mot dangereux contraire à la Charte qui les régit.

La régionalisation du développement incombe tout d’abord aux Associations de Développement, aux Organisations  Non gouvernementales et aux structures décentralisées dont je souhaite qu’une loi confère aux responsables après leur élection, un apolitisme total.

Il est impossible de faire un développement équitable à la base avec comme centre de gravité les partis politiques. A la veille de la mise sur les rails du processus de décentralisation, il faut éviter une trop grande interférence dans les rôles des partis politiques et les acteurs réels du développement à la base >> fin de citations.

Je conseille donc la lecture du livre à tous les élus locaux et son exploitation judicieuse. Son auteur, Raphaël EDOU, bien qu’étant un acteur politique, semble être un grand volontaire de développement.

Cyprien Gbémasse
Ecrivain chercheur Président de l’Observatoire d’Analyses de l’Histoire et de la politique Internationale (OAHPI)

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