Bénin : pour de nouvelles frontières

Qu’est-ce qu’une frontière ? Le géographe répond : « Limite d’un territoire qui en détermine l’étendue ou limite séparant deux Etats». (Fin de citation) Ce qui suppose, pour un pays comme le nôtre, que nous devons compter avec des frontières extérieures.

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En ce que nous les partageons avec nos voisins. Ce qui suppose également que nous devons compter avec des frontières intérieures. Il s’agit de celles qui relèvent de notre responsabilité, à charge pour nous de les gérer au mieux.

Nos frontières extérieures sont, pourrait-on dire, des «cicatrices de l’histoire». Elles nous ont été imposées par nos anciens colonisateurs. Ceux-ci procédèrent alors à un découpage de l’Afrique au gré de leurs intérêts bien compris. La dynamique d’unification du continent, sous la houlette de nombre de nos héros, entre autres El Hadj Omar, Samory Touré, Chaka… s’en était trouvée brisée. Des aires culturelles ont été saucissonnées. Des peuples entiers, tel un bétail aux abois, ont été dispersés sur différents territoires. La frilosité des uns, l’orgueil mal placé des autres ont parachevé la «balkanisation de l’Afrique». Etaient ainsi consacrées des entités territoriales, les unes aussi jalouses que les autres de leur autonomie. Des entités qui s’ordonnaient, désormais, comme autant d’obstacles sur le chemin de la renaissance africaine. C’est cet attelage mal assorti que l’Organisation de l’unité Africaine (OUA), faute d’une solution immédiate et pour éviter un embrasement général, a accroché au principe de «L’intangibilité des frontières héritées de la colonisation».

Nos frontières intérieures ont une autre histoire. Elles engagent notre responsabilité. Pour le bien qu’elles nous font, au regard des services qu’elles nous rendent. Pour la peine qu’elles nous infligent, au regard des désagréments qu’elles nous causent. Nous avons deux types de frontières intérieures : les conventionnelles et les symboliques.

Les premières résultent d’un contrat qui nous lie ou d’un arrangement qui nous engage. C’est le cas avec les limites servant de repères entre nos villages, nos quartiers de ville, nos arrondissements, nos communes, nos régions, nos circonscriptions électorales. Les secondes sont de l’ordre du symbole ou du symbolique. Ce sont des signes qui renvoient à des choses signifiées. C’est le cas avec les langues que nous parlons qui peuvent délimiter un groupe humain spécifique, différent de tous les autres. C’est encore le cas avec les religions que nous pratiquons qui peuvent développer un sentiment d’exclusion, dans l’esprit de «Hors de l’Eglise, point de salut». C’est le cas, enfin, avec les différences sociales qui peuvent élever des barrières, une véritable Muraille de Chine, entre les nantis et les déshérités.

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Ici, les frontières les plus dangereuses sont celles qui génèrent des maux aussi graves que l’ethnocentrisme, le régionalisme, le fanatisme, le communautarisme, le fondamentalisme, l’exclusion, la discrimination, le mépris de l’autre…De quels moyens disposons-nous pour faire échec à l’action pernicieuse du venin que secrètent ces frontières ? Nous disposons d’immenses moyens. Ils ne seront opérationnels qu’à une seule condition. Qu’ils soient soutenus et portés par une tout aussi immense détermination. La détermination à réécrire l’histoire des frontières de notre continent.

Il nous faudra désenclaver en multipliant des voies horizontales qui relieront des peuples, qui rapprocheront des hommes. Il faut rompre, en effet, avec la logique longitudinale des routes de pénétration et d’exploitation de l’époque coloniale. Il nous faudra ouvrir l’espace à la libre circulation des hommes, des idées et des biens.

Il nous faudra éliminer les barrières mentales et psychologiques qui rapetissent nos horizons et brouillent nos perspectives. S’ouvrir aux idées et aux valeurs des autres, dans une logique d’enrichissement réciproque. Voir grand, voir loin, peindre la vie aux couleurs de nos rêves.

Il nous faudra combattre les inégalités de toute nature qui tendent à consacrer une société à deux visages et à deux vitesses. D’un côté, des SDF désespérés ou des squatters déboussolés, de l’autre des nantis heureux, rotant d’aise et de félicité. D’un côté des morts vivants, de l’autre des vivants attendant sereinement leur mort.

Cessons d’attacher à toute frontière l’idée d’une barrière ou d’un obstacle. Mais plutôt celle d’un pont à construire ici, d’une voie à ouvrir là, d’une opportunité à saisir partout. Car il est dit que là où se met en place et en marche une idée de progrès, le succès couronne toujours l’audace d’entreprendre.

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