Les leçons d’une semaine folle au Burkina

Que retenir de cette semaine folle du  mercredi 16 au mercredi 23septembre 2015, où le Burkina a failli  basculer dans le chaos ? Deux images contrastées relayées par les télévisions du monde entier résument à merveille la nouvelle ère qui s’ouvre au Pays des Hommes Intègres et à l’Afrique toute entière : celle d’un président Kafando, d’ordinaire  pondéré et très mesuré dans ses propos, abandonnant la langue de bois diplomatique pour  prononcer ce qui apparaîtra demain comme le discours le plus important de sa vie.

Un discours d’hommage à la résistance du peuple  face  à  ce qu’il a  appelé ‘’l’imposture et  l’usurpation ‘’ du pouvoir. La deuxième image est celle du visage livide de Diendéré, général d’opérette, spécialiste de coups tordus qui  a  avoué, sans sourciller et, toute honte bue, que son coup de force insensé avait lamentablement échoué.

Lestermes utilisés par l’un  et l’autre témoignent d’une réelle prise de conscience des vraies aspirations du peuple burkinabé dans toutes ses  composantes. Le discours de Kafando  est truffé  de constantes références au combat du peuple burkinabé et à  l’énorme sacrifice consenti par sa jeunesse. Il n’a que du mépris pour les auteurs du coup d’Etat. Quant au projet d’accord soumis par la Cedeao, les propositions ne seront prises en compte, dira-t-il, que si elles répondent aux aspirations du peuple exprimées dans la charte de la transition”. Un camouflet à la Cedeao ! Diendéré qui n’a pas prononcé de discours, a choisi, quant à lui, de s’épancher au micro des journalistes sur ses regrets. « Le plus grand tort conclut-il, est d’avoir fait ce putsch. Aujourd’hui, poursuit-il, quand on parle de démocratie on ne peut plus se permettre de faire des actions de ce genre. Le coup d’Etat s’est fait compte tenu d’un certain nombre de  raisons que nous avons évoquées lors de la proclamation (du putsch). Nous avons vu ce  qui s’est passé. Nous avons vu que le peuple  n’était pas favorable. C’est pour ça que nous avons tout simplement abandonné. »

Etvoilà la grande leçon de cette semaine folle où tout a failli basculer. Les putschistes de la nuit du 16 au 17 septembre ont tout prévu sauf  la détermination de tout le peuple burkinabè à s’opposer à leur aventure insensée.En octobre dernier le peuple s’est soulevé contre la volonté d’un homme de s’éterniser au pouvoir. Blaise Compaoré en tiré toutes les conséquences et a préféré prendre la route de l’exil. En ce mois de septembre c’est l’ensemble du peuple qui a encore dit non cette fois-ci au coup d’Etat qui remettait en cause la transition. Contrairement à ce qui s’est passé au Burundi où la soldatesque en furie  amaté les résistants, la mobilisation populaire au Burkina-Faso n’a pas faibli. Les travailleurs  ont déclenché une grève illimitée, tandis que les manifestants occupaient les rues de toutes les provinces. Le président du Cnt Chérif SY qui a échappé à la séquestration par les soldats du Rsp s’est autoproclamé chef d’Etat en l’absence du président Kafando. Pendant que les responsables du mouvement dit du balai citoyen appelaient ouvertement le peuple à la résistance. C’est dans cette atmosphère surchauffée que le président Macky Sall  a rendu publiques les propositions  de projet d’accord de la Cedeao aussitôt rejetées  par toute l’opposition. En cause, l’amnistie aux auteurs du coup d’Etat et la non exclusion des anciens du Cdp. La tension est montée de plusieurs crans, lorsque tous les chefs de corps des unités de défense ont  décrété un ultimatum aux forces rebelles du Rsp leur enjoignant de déposer les armes. Les rapports de force se sont aussitôt inversés : 1300 putschistes contre les 10.000 à 13.000 soldats loyalistes. Tous les Bukinabè ont retenu leur souffle et,  avec eux, toute la sous-région ouest-africaine. Nous étions  à la veille du sommet de la Cedeao et tout le monde avait craint le pire. Fort heureusement, il n’est pas arrivé, du moins pour l’instant. Diendéré qui comptait sur ses soutiens occultes au sein du syndicat des chefs d’Etat de la Cedeao-suivez mon regard !-, pour résister à l’ultimatum des  autres corps de l’armée, a été contraint de jeter l’éponge. La Cedeao et son président en exercice qui n’a pas daigné faire le déplacement de Ouaga pour réinstaller Kafando de peur de subir l’ire des populations  ont pigé la leçon : on ne résiste  pas impunément à la volonté de tout un peuple. Une leçon à la Cedeao elle-même pour la résolution des conflits ultérieurs  mais aussi  à tous les Africains qui ploient sous le joug de dictateurs aux petits et grands pieds.  Une leçon surtout aux Burundais et autres Congolais de Brazza et de Kinshasha dont les présidentsne manifestent aucune volonté de quitter le pouvoir au terme de leur mandat.

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