Présidentielle : les cinq chaînons manquants

Les jours passent et semblent se ressembler tous. Sous le Renouveau démocratique, soit en vingt-cinq ans, le Bénin a su honorer tous ses rendez-vous électoraux. Mais le pays manque de capitaliser la somme de savoir et de savoir-faire liée à cette belle fréquence. Nous reproduisons les mêmes réflexes. Nous reconduisons les mêmes archaïsmes.

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On dirait que nous sommes réfractaires à tout progrès. Témoignent de ce surplace regrettable les cinq boulons qui font défaut à notre système électoral. Ce sont les cinq chaînons manquants à la chaîne de nos responsabilités politiques.

Premier chaînon manquant : les sondages d’opinion. Qu’on ne nous dise pas qu’ils sont chers. C’est le bel alibi pour les ranger dans l’arrière-cour de notre misérabilisme joyeux. Demandons-nous plutôt si les sondages d’opinion nous sont utiles. Quelle valeur ajoutée apportent-ils à l’organisation de nos divers scrutins ? Il est entendu que celui qui sait puiser dans les vastes ressources de la science pour avancer fait l’option d’aller vers la lumière. C’est une option de progrès contre les vaines spéculations des pêcheurs en eaux troubles. C’est le choix de la connaissance contre les bobards des devins, voyants et autres diseurs de bonne aventure. Il est impérieux que le Bénin se dote de structures éprouvées de mesure de l’opinion. A comprendre comme la sainte ambition de celui qui refuse résolument de continuer à boire dans son petit verre. Parce qu’il brûle d’envie de grandir.

Deuxième chaînon manquant : l’accès égal et universel aux médias du service public. C’est ahurissant que, dans un contexte qui se veut démocratique, le pouvoir veuille s’imposer comme « la voix de la vérité ». Au mépris de la diversité des opinions. En dépit d’un multipartisme constitutionnellement établi. Ce monopole du pouvoir, aux allures d’un hold-up, nous ramène à la triste période des partis uniques, à l’ère des médias d’Etat louangeurs. Ce que l’ensemble des forces vives d’un pays devraient avoir en partage est sous le contrôle d’un seul qui en use et en abuse. Et l’on sait que « Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son ». Où est-elle donc la HAAC, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication ?

Troisième chaînon manquant : le débat public contradictoire. Il faut hurler son ras-le-bol face au one-man-show des différents candidats. Nous en avons assez des discours parallèles, unilinéaires et parfaitement soporifiques, c’est-à-dire qui endorment. Chacun s’enferme dans son bunker d’idées, quand il y en a. Chacun tourne en roue libre sans se préoccuper de ce que l’autre dit, propose ou fait. Cela donne un orchestre-pagaille, chacun à sa partition, chacun s’abandonnant à son inspiration. Bonjour la cacophonie.

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Il nous faut entendre nos différents candidats non sur des idées générales et généreuses, mais sur des points de programme aussi clairs que précis. Par exemple, l’éducation, la santé, la culture, le sport, le chômage des jeunes, la sécurité, la gestion des espaces urbains ou l’aménagement des espaces ruraux, la situation des personnes du troisième âge etc…

Il faut également que nos différents candidats croisent le fer en des duels qui mettent en regard leurs idées, leurs programmes, leurs stratégies de mise en œuvre…Au total, il faut préférer l’échange entre des candidats qui s’engagent véritablement à convaincre au soliloque desséchant d’un perroquet récitant.

Quatrième chaînon manquant : un système électoral efficace. Il faut rêver du jour où, votant le matin, nous avons les résultats dans la soirée. Pour que, dès le lendemain, la page des élections soit tournée, pour qu’un jour nouveau se lève sur notre pays. Les opérations électorales qui traînent en longueur, qui tirent sur des jours, voire des semaines, c’est le Moyen Age en pleine révolution numérique. Ce déni de progrès, au cœur du XXI e siècle, a tout l’air d’un délestage mental.

Cinquième chaînon manquant : l’implication des intellectuels dans le débat public. Ceux qui sont formés pour faire savoir et pour faire comprendre se taisent pour la plupart. Une carrière est à poursuivre. Une rente de situation est à préserver. La paix du cœur et de l’esprit, dans le confort des avantages acquis, est à assurer. Nous l’avons déjà dit. Nos intellectuels brillent sur le terrain du parâtre. Ils sont absents des chantiers du développement. Ils sont aux abonnés absents sur la scène de l’histoire. Vivement que les chiens se remettent à aboyer. En tout cas, assez pour troubler la conscience endormie des caravaniers de la bêtise.

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