Succession de concours contestés : le Bénin mérite mieux

En 2012, le Ministère de la Fonction Publique a organisé un concours de recrutement de 432 agents au profit du Ministère de l’Économie et des Finances. 67 000 chômeurs ont répondu à l’appel. La publication des résultats a suscité consternations, contestations et controverses.

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Le 27 décembre 2013, pour, entre autres, soutenir les chômeurs essorés de leurs maigres pitances et dénoncé des fraudes massives qui ont caractérisé l’organisation de ce concours, les syndicalistes ont organisé une marche pacifique. Au motif que cette protestation n’aurait pas reçu l’onction du Préfet, la police a réprimé les manifestants.

Une crise sociale est alors née et a paralysé tous les secteurs d’activité, notamment celui de l’éducation. Pour démobiliser les travailleurs en colère, le Gouvernement annonce et exécute des défalcations sur salaires. La situation va s’aggraver.

Le 28 février 2014, date d’anniversaire de la conférence des forces vives de la nation, le Chef de l’État a publiquement reconnu le droit constitutionnel à la marche comme un acquis de longue date.

Le 26 mars 2014, pour savourer la liberté ainsi reconnue et rétrocédée, les syndicalistes ont organisé une gigantesque marche de la bourse du travail à la préfecture de Cotonou pour exiger la démission du préfet de l’Atlantique.

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Le 27 mars 2014, le Gouvernement a annoncé la restitution des ponctions illégalement et arbitrairement opérées sur les salaires.

Le 28 avril 2014, le Conseil des Ministres a proclamé l’annulation de ce concours à polémique.

En 2015, le Gouvernement, pour recruter de nouveaux agents au profit du Ministère de l’Économie et des Finances, lance un autre concours de recrutement. Les chômeurs, au nombre de plus de 150 000, déposent leur dossier, après avoir expédié leurs maigres ressources dans la confection des pièces.

Pour afficher sa bonne foi, le Ministère de la Fonction Publique associe cette fois-ci les syndicalistes du Ministère de l’Économie et des Finances à l’organisation du concours.

Mais, curieusement à la phase cruciale du dés-anonymat et de la proclamation des résultats, au motif que celle-ci relève des pouvoirs discrétionnaires du Ministère de la Fonction Publique, les syndicalistes du Ministère de l’Économie et des Finances en seront purement et simplement exclus.

Le lundi 12 octobre 2015, le peuple découvre dans la presse les résultats de ce concours.

On y découvre à la page 3 (Arrêté de publication) que dans le corps des administrateurs (marché public), PADONOU Médéssè Michelle est à la fois 1ère et 6ème. A la page 7, dans le corps des analystes-programmeurs, KOUAGOU Y. Dieudonné et YEBENI KOUAGOU Dieudonné est respectivement 7ème et 14ème.

A la page 10, PADONOU Adjoavi Georgette est à la fois 8ème dans le corps des attachés administratifs des assurances et 10ème dans le corps des attachés des services administratifs alors que ces deux concours ont eu lieu le même jour et à la même heure.

Dans le corps des préposés des services administratifs(liaison) au 8ème rang GOUNFLE Wilfran de Pétronie Bidossessi est à la fois 8ème et 12ème.

Le 12 octobre 2015, le Secrétaire Général de la Fédération des Syndicats du Ministère de l’Économie et des Finances dénonce un concours entaché de fraude.

Ce nouveau concours contesté n’est que le prélude aux autres faux concours en gestation.

Une question, si le Ministère de la Fonction publique est vraiment préoccupé par la transparence de ce concours, pourquoi fait-il brutalement volte-face pour se débarrasser des syndicalistes du Ministère de l’Économie et des Finances et se réfugier derrière de prétendus pouvoirs discrétionnaire ? Y a-t-il de pouvoirs discrétionnaires au dessus de la constitution, dans la mesure où la transparence est érigée en principe à valeur constitutionnelle par le juge constitutionnel? Y a-t-il de pouvoirs discrétionnaires hostiles à l’égalité des citoyens devant la loi au mépris de l’article 26 de notre constitution?

Que dit la loi au sujet de la fraude dans les examens et concours ?

L’article 128 de la loi relative à la lutte contre la corruption dispose qu’ «Est puni d’un emprisonnement de un (01) an à cinq (05) ans et d’une amende de un million (1 000 000) de francs à cinq millions (5 000 000) de francs, quiconque, impliqué dans le processus de recrutement des agents de l’administration, aura divulgué ou vendu les épreuves des concours ou tests de recrutement.»

L’article 129 de cette loi prévoit qu’ «Est punie des mêmes peines, toute personne qui, impliquée à quelque niveau que ce soit dans l’organisation d’un examen ou concours public, se sera volontairement abstenue contre rémunération ou non d’accomplir un acte relevant de sa mission dans le but de favoriser toute forme de fraude ou de tricherie» et l’article 131 de renchérir qu’ «Est punie d’un emprisonnement de deux (02) ans à cinq (05) ans et d’une amende de un million (1 000 000) de francs à dix millions (10 000 000) de francs, toute personne qui aura :

– cédé à un tiers ou communiqué sciemment avant et pendant l’examen ou le concours à l’une quelconque des parties intéressées, le texte ou le sujet de l’épreuve ou son corrigé ;

– fait usage de pièces fausses telles que : diplômes, certificats, extraits de naissance, cartes d’identité ou autres ;

– substitué une tierce personne au véritable candidat ;

– substitué une copie à une autre ;

– falsifié la note obtenue par un candidat ;

– substitué des notes avant, pendant ou après la levée d’anonymat ;

– substitué ou ajouté des noms sur les listes de proclamation des résultats ou sur les listes de mise à disposition des candidats admis.»

Malgré cet arsenal juridique dissuasif, le culte de la médiocratie résiste et continue de faire des ravages au détriment de la promotion de l’excellence.

Face à ce nivellement du savoir par le pouvoir et l’avoir, aussi curieux et paradoxal que cela puisse paraître, des spectateurs joyeux, sous le fallacieux prétexte de louer les mérites de nos enfants, envahissent les lieux publics pour leur jeter des gadgets, alors qu’ils se refusent de se battre contre la fraude afin que ces victimes innocentes aient un jour la chance de faire valoir leur talent à la fonction publique.

Cette insulte à l’intelligence, qui explique la présence des sans-papiers et des faux diplômés dans l’administration publique, compromet le développement de la nation. Une nation ne peut se construire sur la base de contre-valeurs. A cette allure, mon pays sera souvent dernier dans le concert des nations. C’est désolant.

Michel Adjaka, président de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab)

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