Affaire Dangnivo : La cour récusée, les avocats révoltés abandonnent le dossier

Deux fois déboutés  par la Cour ce lundi 23 novembre 2015, les avocats de la partie civile et ceux de la défense ont abandonné les assises spéciales de l’affaire Dangnivo qui devait reprendre après l’ordre de la Cour constitutionnelle enjoignant les juges de poursuivre le procès suite à l’exception d’inconstitutionnalité soulevée  le vendredi 13 novembre dernier.

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Ils exigent  la recomposition de la Cour et des jurés dont ils doutent de l’impartialité après des jours de repos dans un procès sensible sensé se tenir sans discontinuité.

De l’électricité dans le prétoire de la Cour d’Appel de Cotonou ce lundi 23 novembre 2015. En dépit de l’ordre donné  par la Cour constitutionnelle enjoignant la Cour d’assise de poursuivre le procès des présumés assassins de Dangnivo après l’exception d’inconstitutionnalité soulevée  par la partie civile le vendredi 13 novembre dernier, les auditions n’ont pu avoir lieu. Les assises demeurent jusqu’à nouvel ordre, suspendues. Avocats de la partie civile et avocats de la défense sont sortis du prétoire très révoltés contre la Cour qu’ils récusent. Revenu renforcé par la décision de la Cour constitutionnelle, le président Félix Dossa accompagné de ses accesseurs et des autres membres de la Cour d’assise, a ordonné la reprise de l’audition des témoins. La partie civile se présente avec un représentant d’huissier assermenté. Toute l’assistance s’attendait à écouter enfin la déposition du syndicaliste Laurent Mètognon. 9h05 minutes à l’horloge. C’est alors que réagit Me Joseph Djogbénou avocat de la partie civile qui proteste contre la reprise des assises comme si de rien n’a été après une semaine de repos à attendre la décision de la Cour constitutionnelle sur l’exception d’inconstitutionnalité. La partie civile demande la recomposition de la formation des jurés et de la Cour qui, selon les avocats, sont susceptibles d’avoir reçu diverses pressions et des instructions durant le temps de suspension du vendredi 13 novembre à dimanche 22 novembre où ils sont retournés dans leurs milieux sans protection judiciaire comme l’exige la loi dans des cas d’assises. Me Djogbénou parle de «discontinuité » et indique que la recomposition de la Cour et des jurés est impérative en raison de l’«impartialité » requise dans tout procès. « La poursuite des auditions ne peut être effectuée » en l’état des choses, a-t-il protesté soulignant que si la Cour forçait, elle serait un rare mauvais exemple.  Avis que ne partage pas le ministère public représenté par le Procureur général Gilles Sodonon. Pour lui, la partie civile est dans une logique d’empêcher le déroulement du procès. Se basant sur l’article 345 du Code de procédure pénale, le ministère public demande à son tour à la Cour de « joindre l’incident au fond du dossier ». Niet rétorque  Me Raoul Houngbédji appartenant au collège d’avocats de la partie civile. « L’invitation faite de joindre la demande de la partie civile au fond ne peut prospérer » a-t-il dit ajoutant « qu’il est de l’intérêt de la partie civile que cette procédure aboutisse ». Mais reprend l’avocat,  une chose est de vouloir d’un procès, autre chose est d’avoir un procès dans les règles de l’art.  A la Cour qu’il juge aux ordres de qui on ne sait, l’avocat de la partie civile lance, «  Nous ne voulons pas un procès à pas de charge ». La Cour alors suspend la séance et se retire.

Mission impossible

De retour après la suspension de quelques dizaines de minutes, la Cour tente à nouveau de faire fi de la requête de la partie civile. Le président Félix Dossa annonce à la partie civile qu’il rejette sa demande de recomposition pour « défaut de qualité ». Me Djogbénou n’en croit pas à ses oreilles. A l’attention de la Cour, il rappelle qu’elle vient de décider de rejeter sa demande « sans solliciter l’observation de la défense » qui venait à peine de prendre place, avec plus d’une heure de retard sur l’ouverture. Me Djogbénou estime être poussé à bout. « Je soulève la récusation de la Cour » assène-t-il, apprenant que la partie civile s’attendait à un passage en force de la Cour dans le but de tenir dans un calendrier à elle imposé par une toute-puissance. Sur le champ une copie notifiant la récusation est portée devant le président Félix Dossa qu’il informe de ce pas des démarches à l’endroit de la Cour Suprême pour connaître de cela. Pour la partie civile, cette Cour est investie d’une « mission impossible ».  Me Djogbénou est convaincu que la Cour fonctionne sous pression depuis le palais  et relève une crise de confiance. « En l’Etat où le Président de la République veut rentrer dans le procès, je récuse la Cour, je récuse le président, je récuse ses accesseurs, je récuse les jurés » a-t-il martelé après avoir rappelé que  « le contrat de procédure est un contrat de confiance ». Me Houngbédji renchérit, « La famille Dangnivo veut non pas un procès, mais le procès. La famille Dangnivo veut non pas une vérité, mais la vérité ». Cet avocat estime que Alofa Codjo Kossi et Donatien Amoussou les deux principaux accusés vedettes, ne sont que des « coupables fabriqués ». Il demande pourquoi veut-on se baser sur l’hypothèse de la mort alors que rien ne prouve officiellement le décès de Dangnivo. Dès lors, il fait savoir que la partie civile ne veut pas accompagner « une parodie de justice »  et va s’employer à « décharger la Cour d’une mission impossible ».  Djogbénou pour sa part, estime qu’en rejetant sa demande de recomposition de la formation, la Cour a manifesté un appel à « Cour en danger » et qu’il vient à son secours par la récusation. La  tension est palpable. La  défense jusqu’ici muette entre dans les débats juridico-juridiques. Me Zinflou, avocat commis d’office à la défense fait savoir qu’il s’associe à la  récusation de la partie civile et fait savoir que si Me Djogbénou ne l’avait pas soulevée, lui la soulèverait. Au président Dossa dit-il avec regret, « je n’ai plus confiance en vous ».  Son alter ego, Me Yansunnu, le rejoint.

Chien aboie la caravane passe !

On n’a tout fait on a crié ooo ! mais jamais rien n’a changé ooo yéé ! » chante un groupe ivoirien. Ce lundi, la Cour n’était prête à accéder aux demandes de la partie civile et la défense. Elle a sur ce le soutien du ministère public. Le ministère public réagissant à la récusation soulevée, refuse  et fait savoir qu’elle n’entre pas dans le cadre de l’article 624 du code de procédure pénale. Le procureur général demande au président de la Cour de se passer de tout ce qui a été développé par les parties adverses.   Me Nicolain Assogba de la partie civile ne l’entend pas de cette oreille. Il fustige l’attitude  du Procureur général et dénonce un ministère public qui « s’érige en juge de la récusation ». Il revient à la charge pour démontrer comment la cour n’est plus digne de confiance. Le jeune avocat, rappelle que le président Félix Dossa en violation de son impartialité avait posé des questions partiales à Alofa pendant sa déposition comme si sa culpabilité était établie. Il rappelle que les assesseurs du président, ont réagi, gesticulé par approbation ou désapprobation alors qu’ils sont astreints à l’inaction. « Monsieur le président la confiance n’existe pas » conclut-il notifiant que si la Cour fonce, c’est qu’elle a déjà une décision « toute faite » à savoir « condamner Donatien et Alofa ».  Assommé coup sur coup, le président Dossa décide de suspendre à nouveau la séance et se retire. Des dizaines de minutes passent encore. Malgré la chaleur avec les coupures intempestives du courant, les débats s’animent dans le public. A 12H08 à la montre, le président revient dans la salle. Il évoque l’article 626 du code de procédure pénale, rejette la récusation, et ordonne une fois encore la poursuite des auditions. Décision inacceptable pour la défense. Me Zinflou l’avocat commis d’office menace de déposer le tablier et « les  accusés n’auront plus d’avocat ». Il range ses affaires puis tourne dos à la Cour. Me Yansunnu le suit. Pour la partie civile c’est la totale. Me Djogbénou après avoir en vain adressé des supplications à la Cour qui selon lui met en péril la justice, il lance : « Je ne souhaite pas qu’à travers  la Cour, on voit le président de la République ».  L’avocat de la partie civile souligne que le dossier Dangnivo est une « affaire d’Etat » et qu’il est lié à celui de « dame Sohoundji » qui a été mitraillée sans que diligence ne soit faite pour rechercher ses assassins.  Il dit alors au président de la « Vous allez continuer mais ce ne sera pas justice. Je n’aurai pas à subir ce mépris pendant longtemps ». Il ramasse ses clics et clacs et vide les lieux. Tour à tour les autres avocats de la partie civile vident les bancs. Me Nicolain Assogba, dans des termes pas très courtois, dit au président de faire  son « théâtre » comme l’avait dit au départ Alofa l’accusé, mais  sans lui. Des avocats de la défense et de la partie civile, il n’en reste plus rien dans la salle. Cette réaction commente le ministère public, n’est pas surprenant. Comme s’il le consolait après un tel affront, le procureur général dit  au président Dossa qu’il fallait s’attendre à ce que la Défense et la partie civile après d’infructueux dilatoires se retirent.  Impuissante la Cour constate et se retire pour ne plus revenir. Plus de 30 minutes plus tard, c’est un envoyé du président Dossa qui vient annoncer que les assises sont suspendues jusqu’à nouvel ordre

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