Assises spéciales à Cotonou : Djogbénou prêt à tout pour Dangnivo

Il n’y a pas d’instruction à la barre ce vendredi dans l’affaire Dangnivo dont les assises étaient à leur cinquième jour. La Cour dirigée par le premier président de la Cour d’appel de Cotonou, Félix Dossa lui-même en personne malgré son apparent mauvais état de santé, a été contrainte de sursoir la suite du passage des témoins à la barre.

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Pourtant cela n’était pas gagné d’avance. Jeudi, la partie civile requérait un renvoi à une session ultérieure étant donné qu’il n’est pas formellement établis que la présumée victime d’assassinat, Pierre Urbain Dangnivo est mort. Et depuis le premier jour de ces assises, Me Djogbénou, l’avocat de la partie civile n’a eu de cesse que de réclamer l’acte de décès concluant que Dangnivo est déjà passé de vie à trépas. C’est ce basant sur ça, entre autres, que la partie civile soutenue par la défense, suggère à la Cour le renvoi des assises à une session ultérieure, le temps de résoudre cette question jugée préjudicielle par Me Joseph Djogbénou. La Cour clôturant le jour3 des assises jeudi, à cet effet, faisait comprendre qu’il rendra sa position le lendemain à la reprise. Seulement, à l’ouverture à 9h57min ce vendredi, le président Félix Dossa, contre toute attente, informe qu’il ne donnera l’avis tant attendu qu’à la fin de l’audition des témoins dont il ordonne sur le champ, la poursuite. « J’ordonne à présent la poursuite de l’audition des témoins » a déclaré à l’entame, le juge Dossa après avoir indiqué que la cour a pris acte des demandes de la partie civile et de la défense, à savoir « l’acte de décès de la victime, l’agrément de mise en liberté provisoire des accusés, la date de renvoi » et qu’« elle fera connaître sa position à la fin de l’audition des témoins ». Le syndicaliste Laurent Mètognon est le premier témoin du jour. Il s’avance devant le prétoire. Mais, ne dira mot.

Exception d’inconstitutionnalité

Me Djobénou contexte promptement l’option du président Félix Dossa : « Monsieur le président, en l’état actuel où la décision attendue sur une question préjudicielle est renvoyée à la fin de l’audition des témoins, la partie civile considère qu’elle ne peut s’associer à cette décision-là ».Des murmures suivent dans le prétoire. La Cour, peut-on conclure, est mal partie. L’avocat poursuit et fait observer « qu’il est légiféré que la question préjudicielle appelle une réponse immédiate ». Constatant de ce fait que la Cour veut contourner sa demande de renvoi, la partie civile décide alors de prendre le taureau par les cornes. « Puisque nous considérons que nous ne seront pas écoutés, mesdames et messieurs, la Cour, nous soulevons une exception d’inconstitutionnalité » assène l’avocat de la partie civile. Me Djogbénou explique que cette exception d’inconstitutionnalité soulevée se justifie en tenant compte des dispositions du Code de procédure pénale qui font obligation à la cour de répondre lorsque des demandes en droits de compléments, de suppléments d’information sont exposées, exprimées. Il y a, souligne l’avocat, « violation de la loi, notamment du principe de procès équitable ». Me Djogbénou cite également la Charte africaine des droits de l’homme en son article 07 et indique qu’ils optent pour ce « bouclier » que leur offre la loi.

Litanie de Djogbénou, permis de tuer

Il n’en démord pas. Le ton grave, Me Djogbénou dans une litanie, rappelle au président Dossa l’espérance de la partie civile en sa capacité à garantir un procès équitable : « Monsieur le président nous voudrions vous dire que nous autres, nous n’avons pas de colonel, nous n’avons pas de généraux, nous n’avons pas d’inspecteurs. Que nous autres, nous n’avons pas de juge de décision. Nous enfants, nous femmes, nous sœurs, nous frères,…nous n’avons pas eu de commission, nous n’avons pas eu de préoccupation sur notre état de santé, sur notre morale. Nous autres, nous n’avons pas de forces publiques, nous n’avons pas de procureur nous autres…. Nous n’avons pas d’agents de renseignement nous autres, monsieur le président. Nous autres, nous n’avons que la force du droit et nous allons user de toutes les ressources dans la force du droit » pour un procès équitable.

Cadavre de Dangnivo à la Présidence de la République

Cette litanie terminée, l’avocat hausse le ton et dénonce une tentative de délivrance de « permis de tuer » à travers les présentes assises.  Ce procès attaque-t-il, « dès le départ est organisé pour octroyer un permis, sinon d’inhumer, du moins de tuer ». Il poursuit, tonnant vigoureusement : « ce procès est organisé dans un sens ». Avec amertume, Me Djogbénou constate à l’aune des dépositions successives jusqu’à ce jour d’accusés, de ministres, d’agents de renseignement, de responsable de cabinet de la présidence, que « dans ce procès, tout part de la présidence et tout vient, arrive à la présidence ». Il en déduit que « Si Dangnivo est vraiment mort, son cadavre est à la présidence de la république ». A contrario, requiert l’avocat, « s’il est en vie, c’est notre famille, il faut qu’on nous le dise».

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Des pressions et réunions secrètes

Il y aurait-il, une main à la manœuvre de ce procès ? Question qu’on se pose légitimement quand on entend Me Djogbénou. L’avocat apprend que bien qu’étant d’une profession libérale, il subit des pressions. Il dit être au courant de réunions secrètes et nocturnes à son endroit. Me Djogbénou se propose alors d’en partager une part avec le public. « Moi je suis ici, je suis avocat, profession libérale, je sais les pressions qui s’exercent sur moi » commence-t-il. Et il poursuit, « Avocat de la partie civile, je sais les réunions qui se tiennent. Avocat de la partie civile, ce jour du 12 octobre 2010 avec d’autres, 04 heures à nous demander, à nous supplier… Alors que je suis descendu de l’ascenseur on m’appelle de venir seul. Quand je suis revenu, on me dit Me Djogbénou tu es notre frère. Et j’ai refusé… Dans ce contexte, ce procès ne peut pas se tenir monsieur le président ». Bien que courroucé, l’avocat fait savoir qu’il n’est pas à faire un combat de personne dans ce prétoire mais persiste et signe « ce procès ne peut pas se tenir ». Visiblement très au parfum, Me Djogbénou affirme qu’il sait, qu’il mesure la gravité de la situation, « que la Cour constitutionnelle est mobilisée » pour rendre des décisions en « moins de deux heures » si elle est saisie dans le cadre de la présente affaire. Ce qui ne l’émousse pourtant pas dans son ardeur à brandir sa fameuse « question préjudicielle » de renvoi et à soulever l’exception d’inconstitutionnalité. En connaissance de cause, il rappelle à la Cour que lorsque l’exception d’inconstitutionnalité est soulevée, les assises sont suspendues jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle ne tranche. «L’audience est suspendue et la décision n’est pas une décision de report parce que vous ne pouvez pas savoir quand est-ce que la Cour Constitutionnelle va donner sa décision. C’est  un renvoi ! La conséquence c’est un renvoi ! C’est une question de renvoi à une session ultérieure » a-t-il tempêté.

Djogbénou prêt à tout pour Dangnivo

Déjà près d’une dizaine de minutes que l’avocat tient le prétoire en haleine. Il n’en finit pas. « Pour Dangnivo, je suis prêt à tout » assure -Me Djogbénou qui prévient que « rien n’empêchera la manifestation de la vérité ». Député, président de la commission des lois au parlement béninois, l’avocat-honorable et professeur agrégé de droit enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi ajoute qu’il rendra sa démission à l’Assemblée nationale au besoin pour ne s’occuper que du dossier Dangnivo.

Front d’avocats contre une parodie de justice

Sur ce procès, il est perceptible que les avocats de la partie civile comme ceux de la défense flairent une pression qui ne dit pas son nom et contre laquelle ils font bloc commun. Sur la position de Me Djogbénou, ils se sont alignés. « Je m’associe à tout ce qui est dit et je suis prêt à supporter toutes les conséquences » lance Me Nicolin Assogba, avocat conseil de la partie civile.  « Monsieur le président, le social statué est obligatoire, le social statué est immédiat. Le social statué appelle à un renvoi à une session ultérieure » enchaîne  l’avocat qui note également en l’état des choses où les droits de la partie civiles sont violés de même que ceux de la défense, les conditions ne sont pas réunies pour garantir un procès équitable. Dès lors, explique –t-il, « Un procès équitable aurait voulu que nous qui sommes parties au procès, ministère public, partie civile, accusées, soyons traités équitablement ». Il y a, à l’en croire, du deux poids, deux mesures, à dessein. « Il y a une grave injustice » s’écrit Me Assogba. Il fait savoir que le ministère public a aux frais de l’Etat tous les actes de la procédure, tout le dossier alors même que la partie civile doit l’acheter. Me Assogba demande sur ce, au président de la Cour et à toute l’assistance « où est l’équité quand le ministère public assis confortablement là-bas a son dossier au complet alors même que nous devons le payer 60.000 F au moins, alors que nous devons le payer et ne pas être assurés d’avoir toutes les pièces, a lors que nous devons le payer et recevoir un dossier saucissonné, de nouvelles pièces que possède le ministère public dès le départ ? ». Dans la même veine, Me Ba Parapé dénonce une instrumentalisation de la justice et parle d’un théâtre. «Puisqu’on a voulu un procès, on y a mis les moyens et les acteurs pour jouer ce théâtre » a décoché Me Ba Parapé qui s’oppose à la tenue en ce moment du procès. « Ce procès ne peut pas se tenir, en tout cas pas en ce moment ». Il ajoute que c’est « forcés et contraints » qu’eux, « les avocats de la partie civile sont arrivés à ce procès pour porter haut et fort devant l’opinion publique nationale et internationale, la voix et la douleur de la famille Dangnivo ». Selon lui, « nous assistons à une parodie de justice ».

«Dangnivo n’est pas mort »

Résurrection ou quoi ? On ne saurait apprécier. Dangnivo, puisque c’est de son supposé assassinat qu’on traite dans ce procès, serait encore vivant selon les recoupements de Me Ba Parapé qui rappelle au président de la Cour : «au-delà des textes, la loi vous autorise à faire appel à votre intime conviction » quand il a des difficultés devant un dossier. « Dangnivo n’est pas mort… Chacun dans son intime conviction sait que Dangnivo n’est pas mort » a clamé l’avocat. Stupéfaction sur les visages. Un tour dans le passé, Me Ba Parapé, très sérieux dans son speech, dit au président de la Cour qu’il n’est pas sans savoir que dans « l’histoire des disparitions, quelqu’un a disparu et est revenu 20 ans plus tard ». L’avocat souligne que ce miraculé dont il parle est « revenu plus puissant que jamais ». Il interroge alors le président Félix Dossa. « Qu’est-ce qui prouve » la mort de Dangnivo  « si vous accédez aux désidératas du pouvoir qui veut que le procès ait lieu parce qu’on veut partir » ? Revenant sur l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Me Djogbénou, il la trouve justifiée et la soutient. Me Yansunnu et Me Zinflu, à sa suite rejoignent aussi la partie civile en faisant savoir que « la défense attend la décision de la Cour constitutionnelle ». Le ministère public, pour sa part di,t n’avoir pas le choix que de s’en tenir à la loi. Sur ce, le président de la Cour et ses accesseurs ramassent clics et clacs puis se retirent. séance suspendue.

Assises renvoyées

Plus de deux heures d’attente avant que le président Dossa et ses accesseurs ne reviennent. La nouvelle, c’est la suspension des assises. La voix tremblotante, il donne alors lecture de l’arrêt de sursis à statuer et indique que la présente décision sera transmise à la Cour dans les délais requis. A présent, plus d’instruction, plus de témoin à écouter. On attend la décision de la Cour constitutionnelle. Selon un homme de droit, cette décision peut être rendue dans l’immédiat ou plus tard dans un délai maximal d’un mois. Ce ne sera qu’après cette décision que la Cour peut convoquer à nouveaux les avocats des parties au procès. En attendant, une pose s’est imposée à la Cour d’appel de Cotonou après quatre intenses journées d’un procès qui s’annonce épique et comme un feuilleton à rebondissement, est plein de surprises.

Plainte contre Priso

Fait tout aussi important de la journée à noter, Priso, le Camerounais dit témoin clé qui a déposé et se trouve être celui qui a détenu de compromettants effets personnels est désormais inculpé. Me Djogbénou a annoncé que la partie civile porte plainte contre      Priso qui « va quitter son statut d’agent de renseignement à celui d’inculper ». Dans la salle, ça bruisse d’acquiescement.  Pour certains assis dans le public, ce qu’annonce l’avocat de la partie civile se justifie vue le rôle clé d’informateur qu’ a joué Priso dans cette affaire en étant aussi en contact avec un mystérieux Nigérian du nom de Polo qui lui aurait confié le sac contenant téléphone et livré de bord.

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