La « Nouvelle Conscience » : une nouvelle imposture ?

Quand on est comptable aux quatre-cinquièmes, comme c’est le cas et à un niveau très élevé de l’aventure politique dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle a coûté cher aux Béninois, il faut avoir du cran et un certain don du reniement de soi pour se découvrir une«nouvelle conscience ».

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Aussi, ce qui peut paraîtreinquiétant dans cette initiative politique n’est pas tant le revirement soudain  qui l’a légitimée ou le temps mis avant ce revirement, c’est la quasi certitude qu’on est de nouveau en face d’une imposture politique, une tentative d’arnaque à laquelle on se prépare encore habilement à soumettre tout un peuple qui ne cherche qu’à se  sortir de l’impasse où on a contribué pour une bonne part à le mettre.

Quelle preuve aurait-on de le penser ou même de le supposer ? Parce que ce qui importequand on guérit d’un mal n’est pas de le clamer mais de présenter les signes cliniques de la guérison, il y a lieu d’alerter les consciences sur ce que doit être au Bénin une « nouvelle conscience » si nous voulons éviter à ce peuple déjà meurtri une autre aventure politique qui, cette fois-ci,engagerait la responsabilité de tous.

Que retenir de la conscience ?

La conscience est une faculté qui différencie les Hommes des animaux.  Elle favorise chez tout être humain, l’ouverture progressive de son entendement aux plus hautes valeurs du vrai, du juste et du bien. Conscience de soi, conscience du monde, prise de conscience, mauvaise ou bonne conscience, la conscience est un acte individuel et son évolution ou prise de conscience relève d’un processus qui a un point de départ et une perspective.

Pour moi et au regard du contexte actuel , Il s’agit d’ avoir le cœur net sur cette notion de « nouvelle conscience » depuis peu en vogue dans l’espace politique national en la soumettant,une fois pour de bon, au crible de l’analyse et voir si elle est susceptible d’un contenu efficient et si elle peut, dans le contexte béninois actuel, être porteuse d’un contrat populaire. En effet, si la conscience est ce que, étant en situation, l’on sait plus ou moins bien et ce qui fait qu’on le sait, toute conscience politique doit être validée par une aptitude citoyenne à s’accorder sur les choix politiques en vertu desquels on se détermine de manière à préserver la concorde sociale et l’intérêt général.  La conscience politique serait donc d’abord un pari sur la cohérence et sur l’équité, c’est-à-direla capacité de l’acteur politique à organiser judicieusement la mise en route du contrat populaire sans préjudice pour la nation ni pour l’une quelconque de ses composantes. En ce sens, l’expérience béninoise de ces dix dernières années est un cinglant revers et une faillite de la conscience.

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Conscience politique et « nouvelle conscience »

Toute conscience politique est conscience d’une réalité plausible qui a noms responsabilité, liberté et vérité dans l’engagement politique ou dans le soutien que l’on peut accorder à un acteur politique. En clair, lorsqu’on est politiquement conscient, cela suppose qu’on garde toute sa dignité et qu’on a à tout instant la latitude de partir quand on n’est pas d’accord plutôt que de se complaire dans le béni oui-oui. De ce point de vue, la conscience politique n’est pas un laisser-aller, un laisser-faire ou un laisser-oublier, bref un blanc-seing juste pour accaparer un pouvoir et continuer à son tour la trahison au sommet de l’Etat. Si donc ce minimum peut être acquis sur la conscience politique, c’est avec plus de facilité que nous pouvons examiner l’autre pan de la question : Quel crédit y a-t-il, dans une société comme la nôtre, à parler de « nouvelle conscience » ? De deux choses l’une : ou bien c’est une conscience individuelle qui vient s’agglutiner à une ou à des consciences déjà existantes, et dans ce cas elle sera, à l’instar des autres, primaire et essentiellement empirique, aussi positive ou négative, féconde ou stérile, bref une conscience parmi tant d’autres ; ou bien c’est une conscience évoluée qui procède non pas directement de l’objet politique lui-même en tant que réalité historique, mais du jaillissement conséquent et qualitatif de la conscience politique qui revient sur elle-même, ce qu’on nomme proprement une prise de conscience politique et qui marque une avancée voire une rupture par rapport à la conscience première. La question se pose donc : Dans quel cas de figure se trouvent les tenants de la « nouvelle conscience » ?

Une élite politique qui en vérité fait peu de cas des programmes politiques et ne fait pas ce qu’elle dit ne peut être appréciée que par défaut ou sur le principe de l’idéal républicain. On ne peut donc valablement juger de la « nouvelle conscience » qu’à la lumière de la genèse et de la structure classique d’une prise de conscience, étant entendu que ceux qui s’en prévalent ne mériteraient point d’être là où il sont s’il ne s’agissait que d’une conscience primaire, ce dont on peut créditer tout citoyen pouvant exercer son droit de participer aux prises de décision engageant la cité. Accordons-nous donc ici qu’il s’agit bel et bien ici d’une prise de conscience politique. Or, celle-ci, nous l’avons observé, est la conjugaison dans la même personne agissante de deux consciences différentes, la première portant directement sur l’objet politique, c’est-à-dire la gestion saine et équitable de la chose publique, la seconde surgissant à la suite de la première pour la hisser à un meilleur degré de plausibilité. Sur cette base, il est aisé de noter que la réalité politique immédiate d’un transfuge de la Refondation ne peut être d’abord que cette Refondation elle-même, dont il a jusque-là seule conscience et expérience, et qu’il s’appliquera pour tout ce qui le concerne à justifier et à défendre envers et contre tout. Par conséquent, le risque est grand que nous soyons en présence de simples défenseurs déguisés de la refondation, tout au moins dans la proportion qui les engage. Mais parce qu’il est question de conscience nouvelle ou prise de conscience vis-à-vis de cette expérience politique unique dans notre histoire politique, on peut et on doit s’attendre à un examen qui jette un regard critique sur cet héritage, à commencer par cette part dont  on est soi-même directement responsable. Or, le moins qu’on puisse dire est que les initiateurs de la « nouvelle conscience » ne se montrent nullement prompts à appliquer le principe de l’autocritique, mais se contentent, à défaut d’une fausse apologie,  de la simple critique ou critique des autres, de qui ils semblent exiger une « nouvelle conscience ».Comme s ilsavaient pu accéder à leur conscience ! Ce faisant, ils faussent sans le savoir la genèse de la conscience qui est un acte individuel par essence et, de là, celle de la prise de conscience qui est un processus hautement psychologique, une exigence et une disposition intérieures à remettre sans état d’âme en question ce qu’on croyait si bien savoir ou si bien faire.

Structure de la prise de conscience politique

Il n’y a pas de « nouvelle conscience » pour les autres ;il y a une conscience nouvelle, une évolution qualitative de la conscience qu’on peut vivre avec les autres à partir de son propre renouvellement politique et moral.  Mais encore cela n’est possible que par l’exemple, c’est-à-dire l’action.Ainsi, quand on est prêt à verser dans la routine politique et aux mêmes intrigues de la conquête et de l’exercice du pouvoir d’Etat, choses qui trahissent l’ancienne façon de faire la politique, qui est un déni de la conscience et de l’autorité politiques, on se situe certainement dans le cadre d’une « nouvelle conscience », mais pas dans celui d’une conscience nouvelle. Aussi, faut-il le répéter, la nouvelle conscience sera conscience nouvelle ou elle ne sera pas, car la prise de conscience politique doit être un processus éminemment  réflexif que seul le recul, l’âpre solitude de la pensée rétrospective et introspective, s’interrogeant lui-même et se critiquant, peut susciter, créer et expérimenter dans la durée. Il y a donc un temps pour penser et un temps pour agir, mais surtout un temps pour porter d’un même front ces deux moments lorsque l’action devient une façon de penser et la pensée une façon d’agir. En somme, trois phases qui structurent toute conscience politique nouvelle, qui n’est jamais simple profession de foi mais conscience d’entreprendre. Et ce n’est qu’à cette condition ultime de la rationalité politique –ce qui fait que l’éthique rencontre l’hygiène –que la notion de valeurs peut avoir un sens  en politique et un contenu efficace et opérationnel pour un  exercice satisfaisant du pouvoir d’Etat.

D’où le préalable à toute « nouvelle conscience » et la requête citoyenne à ceux qui la professent : Quel a été l’élément déclencheur de la « nouvelle conscience », son temps de maturation ? « Nouvelle conscience » par rapport à quelle conscience ? Laquelle conscience serait conscience de quel sujet politique et de quelle réalité politique ? Laquelle réalité politique serait le fait de quels acteurs politiques ?

Et pourquoi les Béninoises et les Béninois doivent chaque fois se résoudre à cela même qui est une fatalité : « On prend les mêmes et on recommence ! »Est-ce là la « nouvelle conscience » ?

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