Projet de loi sur le RAMU : Les députés ont-ils raison de bloquer le vote

Les discussions préalables devant conduire à l’adoption du projet de loi instituant le RAMU (Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU) piétinent  et l’examen du projet de loi est finalement suspendu à l’issue de la plénière de ce lundi 21 décembre 2015.

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Plusieurs insuffisances jalonnent le contenu du projet dela loi tant dans sa conception que dans la phase opérationnelle telle qu’elle est envisagée. Depuis le 21 juin 2013, le gouvernement s’est hâté de poser des actes (remise de cartes de membres aux premiers affiliés) qui relèvent en fait de la mise en œuvre de la loi en cours d’examen et non encore adopté par l’Assemblée Nationale.

Or, le RAMU  est du domaine exclusif de la sécurité sociale qui désigne un ensemble de dispositifs et d’institutions ayant pour fonction de protéger les individus des conséquences d’événements ou de situations divers généralement qualifiés de risques sociaux. Quatre branches sont en général couvertes par la sécurité sociale : La branche maladie (maladie, maternité, invalidité, décès),  la branche accident de travail et maladie professionnelle, la branche vieillesse et veuvage (retraite), la branche famille. Rappelons que l’idée de la sécurité sociale est fondée sur les idées de solidarité et d’universalité. Cette dernière notion est notamment prescrite par l’article 22 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui prévoit que toute personne a droit à la sécurité sociale. Cette notion d’universalité se retrouve également à l’article 8 de notre Constitution : « La personne humaine est « sacrée et inviolable.L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger. Il lui garantit un plein épanouissement. A cet effet, il assure à ses  citoyens l’égal accès à la santé, à l’éducation, à la culture, à l’information, à la  formation professionnelle et à l’emploi ».

La sécurité sociale moderne est organisée et fonctionne au Bénin selon le modèle bismarckien et paritaire ; c’est-à-dire qu’elle est financée par les cotisations des employeurs et des salariés.

Comme tel, le financement de l’assurance maladie par des cotisations assises sur les salaires pose un problème fondamental : la masse des salaires progressant beaucoup moins rapidement que les dépenses médicales des salariés et de leurs familles, il en résulte une discordance, un déficit inévitable. De plus, la grande population de travailleurs qui sont dans le secteur informel ajouté à la non intégration de ceux qui exercent des professions libérales à la masse des cotisants sont des facteurs de nature à rétrécir l’assiette des cotisations devant assurer le fonctionnement régulier de cette branche.

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Le gouvernement a proposé une solution d’expédient consistant en une cotisation de 1000 FCFA par bénéficiaire. Mais que constituerait l’assiette formée par ces modiques cotisations en face des dépenses colossales qu’induiront le traitement des maladies des affiliés ? En tant qu’assurance maladie universelle, ce sont toutes les maladies, des plus bénignes (maux de tête, colique, paludisme), aux plus graves ( cancer, insuffisance rénale, maladies cardio-vasculaires) qui devront être couvertes.

Face à toutes ces interrogations qui sont vraisemblablement sans réponses plausibles, on peut se poser légitimement la question de savoir si l’insistance ou la précipitation du gouvernement à mettre en œuvre cet instrument en fin de mandat est opportune. En d’autres termes, le RAMU aujourd’hui est-il réalisable ou réaliste ?

Question de réalisme

Avant de répondre à une telle question, il importe de faire un audit de la prise en charge des Agents permanents de l’Etat relativement à la maladie, la maternité, l’invalidité, le décès, la maladie professionnelle, l’accident de travail ; puis la prise en charge des travailleurs du secteur structuré soumis aux dispositions du Code du travail. Ensuite, tirer toutes les conséquences dudit audit avant la mise en œuvre du RAMU. Sénèque disait :  « qu’il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ». Pour preuve, – la loi N° 98-019 du 21 mars 2003 portant Code de sécurité sociale en République du Bénin en son article 20 point 2 a prévu qu’  « aucune prestation ne peut être instituée si son financement n’est pas garanti … » ; ce qui fait qu’à ce jour la Caisse Nationale de Sécurité Sociale n’a pas institué une branche maladie proprement dite. En lieu et place, il a été prévu à l’article 51 de la loi N° 98-019 du 21 mars 2003 une action sanitaire dont les bénéficiaires sont « les femmes des travailleurs et les femmes salariées en état de grossesse ou ayant donné naissance, sous contrôle médical à un enfant – les enfants de ces femmes régulièrement inscrits au livret familial d’allocataire » . On peut déduire de ce qui précède que c’est  la CNSS qui gère un régime de sécurité sociale en faveur des travailleurs du secteur structuré et dont les cotisations (employeurs et salariés) constituent l’essentiel des ressources de la caisse (Cfarticle 20 de la loi précité).

Je rappelle que la cotisation versée par l’employeur pour le compte du salarié à la CNSS varie entre 16 et 20% du salaire mensuel. A supposer que le salarié gagne 40 000 F, soit le SMIG, il est reversé au titre de sa cotisation mensuelle à la Caisse de Sécurité Sociale 40 000X 16% = 6. 400. En conclusion, celui qui cotise 6. 400 F ne bénéficie pas de la couverture maladie ; comment celui qui cotise 1 000 f pourrait-il en bénéficier. Si le RAMU est réalisable, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale l’aurait réalisé.  Je ne dirai pas que le RAMU est irréaliste  étant entendu qu’il est une prestation. Mais il faut préalablement définir les conditions de son financement et de son opérationnalisation. En l’état, les financements pour sa réalisation ne paraissent pas suffisants pour que le RAMU soit une institution pérenne.

Je crois fortement qu’il serait sage de réaliser le RAMU à travers la Caisse Nationale de Sécurité Sociale d’une part parce qu’elle a déjà prévu sa réalisation en vertu de l’article 7 de la loi N° 098-019 du 21 mars 2003 et aussi pour son expérience acquise dans le domaine de la couverture sociale. Autrement le RAMU serait une démagogie et créerait plus de problèmes qu’il n’en résoudrait

Jacques Migan
Ancien Bâtonnier

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