Affaire Dangnivo : Les auditions reprennent, les langues se délient

Suite à la décision Dcc-16-020 du 16 janvier 2016 de la cour constitutionnelle jugeant irrecevable l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par les conseils d’avocats de la défense et de la partie civile pour la sanction de la peine de mort en cas d’assassinat, les assisses spéciales dans l’affaire Pierre Urbain Dangnivo ont repris ce mardi 26 janvier à la Cour d’appel de Cotonou avec au menu,  la poursuite des auditions de témoins.

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Cour d’appel de Cotonou ce mardi 26 janvier. Reprise des assisses spéciales dans l’affaire de la disparition puis l’assassinat du cadre du ministère des finances, Pierre Urbain Dangnivo après le report sine die du procès le 13 janvier dernier pour exception d’inconstitutionnalité soulevée par les avocats de la défense et de la partie civile. L’impressionnant dispositif sécuritaire déployé depuis l’ouverture du procès a été remis en place. Mais le public des grands jours n’était pas au rendez-vous. La salle de l’audience est presque vide. Il sonne 10h 10 minutes à l’horloge. Le président de la Cour, Félix Dossa, les assesseurs et les jurés font leur entrée dans la salle. Le procès peut commencer. D’entrée, c’est Maitre Olga, avocate de partie civile qui attire l’attention des jurés sur la décision de la cour constitutionnelle. «  Je voudrais partager avec vous que le Bénin a aboli la peine de mort mais la Cour constitutionnelle pense que les présumés assassins de Dangnivo ne peuvent y échapper. C’est très important que vous compreniez ce qui se passe », a-t-elle déclaré.  A sa suite, c’est Me Theodore Zinflou, avocat commis d’office du principal présumé assassin Alofa Codjo et du présumé complice Amoussou Donatien qui prend la parole. « Je dénonce l’ostracisme dont je suis victime. La cour viole les droits de la défense, puisque je n’ai été mis au courant de  ces assises spéciales de ce jour que 72h après le ministère public.  J’exige le droit d’équité à l’information », assène-t-il. Sur ces propos, Gilles Sodonon, représentant du ministère public tente d’apporter des éléments contradictoires sur ce sujet, mais il sera rapidement confondu par une lettre que lui-même a adressé à l’avocat de la défense, Théodore Zinflou pour notification de la reprise des assisses. Le président de la cour, le magistrat Félix Dossa reprend la police des débats et les témoins sont invités à la barre.

A cœur ouvert

Ils sont au nombre de quatre à faire leur déposition ce mardi 26 janvier devant la cour d’assisses de Cotonou. A tour de rôle, ces quatre témoins ont répondu sans ambages aux différentes questions des avocats. Ainsi, Me Estelle Djossouvi, Directrice des ressources humaines du ministère des finances au moment de la disparition de Pierre Urbain Dangnivo a été invitée à la barre. Dans sa déclaration, elle mentionne que  le nom du sieur Dangnivo porté disparu courant août 2010 a été maintenu dans l’effectif du personnel du ministère jusqu’au jour de son admission à la retraite en 2014. A la question du ministère public, des avocats de la défense et la partie civile à savoir si le sieur Dangnivo gérait un dossier sensible au sein de ministère, la réponse de dame Djossouvi est sans équivoque. Non, a-telle répondu à chaque fois que la question lui a été posée. Puis, c’est le tour du chef d’escadron Firmin Bocco, président de la commission spéciale chargée de l’enquête dans l’affaire Dangnivo en 2010, de faire sa déposition.  De contradictions au rétropédalage, le capitaine à tout dit  sans convaincre les avocats de la défense et de la partie civile. La première déclaration à polémique, c’est quand il affirme que Priso a été entendu en tant que témoin lors des enquêtes de la commission qu’il préside alors que, le commandant Dékpo, un membre de ladite commission avait avoué que Priso était l’informateur principal de la police. Deuxième déclaration du capitaine Firmin Bocco qui fait réagir la cour. « Alofa a identifié Amoussou Donatien dit ‘’Dona’’ parmi des comparses qui ont été alignés devant lui. C’est comme ça qu’on procède pour tout le monde dans ces cas pareils ».  Les avocats de la partie civile se précipitent pour poser des questions. Me Raoul Houngbédji prend la parole en premier. Il pose sa question : « Monsieur le capitaine, pouvez-vous nous citer les membres de la commission d’enquête que vous présidez ? ». En réponse, Firmin Bocco cite trois noms et mentionne celui du commissaire Prince Alédji. C’est la consternation. Me Yansunnu, avocat de la défense, rappelle que le commissaire Prince Alédji lors de sa déclaration avait déclaré que le présumé assassin Alofa Codjo avait identifié ‘’Dona’’ dès  qu’on lui a présenté ce dernier sans aucune hésitation ni sur présentation des comparses. Etonné, l’avocat de la défense déclare : « Que mention me soit faite de ses déclarations du capitaine. C’est pour montrer le montage d’Etat qui se fait dans cette affaire ». Lors de sa déposition,  le capitaine Firmin Bocco a déclaré l’existence de deux numéros Gsm par lesquels les sieurs Alofa et Dangnivo communiquaient. Mieux, il a indiqué que  c’est grâce à ces numéros Gsm que la commission d’enquête a pu établir la relation entre Alofa et Dangnivo. A ce sujet, Me Théodore Zinflou formule une requête à la cour: « Je demande que le capitaine nous produise la liste de deux numéros mentionnés. Celui appartenant au sieur Dangnivo et celui d’Alofa Codjo ».

Troisième témoin ayant fait sa déposition,   c’est le guérisseur Zossou Togbé Finangnon. Victime collatérale dans l’affaire Dangnivo, il raconte comment il était chez lui un soir du 8 août 2010 quand le nommé Polo, du nom de ce nigérian cité dans l’affaire lui a rendu visite accompagné d’un de ses amis. Il fait remarquer que l’ami de Polo en question était à bord d’un véhicule de couleur blanche mais déclare ne s’être jamais approché du véhicule en question, avouant ainsi ne  pas connaitre son occupant. Racontant ces heures chaudes une fois dans les mains des forces de l’ordre, le guérisseur Zossou Togbé Finangnon explique comment il a été l’objet d’acte de torture au commissariat de Gbéto ceci, en présence du capitaine Firmin Bocco et du commissaire Prince Alédji. En plus, le guérisseur déclare avoir été détenu en prison environs trois ans puis libéré après avoir payé une caution de cent mille (100.000) fcfa. C’est ainsi que Me Théodore Zinflou fait remarquer à la cour que dans le dossier à lui fourni, il a été mentionné que le sieur Zossou Togbé ait été arrêté un 4 septembre 2010 puis libéré le 22 du même mois, soit environ trois semaines plus tard. 13h 45 min à l’horloge, le magistrat Félix Dossa suspend les assisses. 1h 40min plus tard, les débats reprennent. Le présumé assassin est invité à la barre pour une confrontation directe avec le guérisseur Zossou. Gilles Sodonon tente de faire une mention à l’attention de la cour. Ce ne fut pas du goût de Me Théodore Zinflou : « Ce sont les interventions intempestives du représentant du ministère public qui me gênent. Il est l’avocat général et non le général des avocats », assène l’avocat de la défense. Félix Dossa, président de la Cour apaise les uns et autres. Le calme revient. Les auditions peuvent continuer.

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Augustin Amoussou, le frère ainé d’Amoussou Donatien dit « Dona » est invité à la barre. Lors de sa déposition, il explique c’est lui qui a amené son frère « Dona » à la présidence voir le colonel Koumassègbo. Pis, il fait remarquer que c’est ce jour là que son frère a été arrêté et puis le lendemain, le numéro sur lequel le joignait le colonel n’était plus joignable. C’est alors que le médecin légiste Padonou est appelé à faire sa déposition. Les conseils des avocats de la défense et de la partie civile formulent une demande de report des assisses pour le jour suivant pour des raisons de temps. Félix Dossa ne l’entend pas de cette oreille. Il rejette purement et simplement la demande.

Mécontentement et veto des avocats

La position du magistrat Félix Dossa ne fait pas changer d’avis les avocats de la défense ni ceux de la partie civile. Le ton est monté d’un cran. Révolté, Me Raoul Hougbédji interpelle la cour: « Je ne suis pas un figurant. Je suis un avocat. Nous ne voulons pas d’une vérité mais la vérité. Nous ne voulons pas d’un procès, mais du procès. Ce que nous demandons ici, c’est un report de l’audition du médecin légiste pour le jour suivant. Je sais de quoi je parle. Nous ne voulons éviter les collusions, d’autres entretiens, des démarches ». Et Me Zinflou de dire : « Je suis un avocat commis d’office. J’ai tous les droits et vous, tous les devoirs. Nous demandons un report pur et simple de l’audition du médecin légiste ». Me Olga, avocate de la partie civile s’inscrit dans cette logique. Elle affirme: « Une cour ne peut pas fonctionner sur l’agenda d’un super citoyen. Nous avons aussi des choses à faire, mais nous répondons chaque fois présents quand vous nous envoyez une convocation. Alors, pourquoi nous refuser de revenir demain et écouter tranquillement le médecin légiste Padonou ». Assailli par des interventions des avocats, Félix Dossa suspend les assisses pour reprendre ce mercredi 27 janvier à 9

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