La campagne électorale pour la présidence du Bénin a commencé bien avant qu’elle soit officiellement ouverte. Dans cette campagne non déclarée, tous les arguments sont permis. C’est à qui négociera le plus de soutiens, à qui s’engagera à réaliser le plus d’infrastructures locales, à qui promettra le plus de portefeuilles ministériels, pour engranger le soutien de partis aux fortunes limitées.
C’est dans cette optique qu’il convient de comprendre la question du trône du roi Béhanzin évoquée dans les récents meetings du Premier ministre Lionel Zinsou . Les hommes d’affaires béninois comme Patrice Talon ou Sébastien Ajavon , connus comme tels, sont les premiers soupçonnés de vouloir « acheter » les élections. Mais une observation attentive des pratiques des candidats montrent que le Premier Ministre – dont Bruno Amoussou dira à juste titre qu’il est un commerçant d’argent ou homme d’affaires – n’est pas en reste, loin de là !.
Dans ce déluge de clientélisme le plus abject, le candidat ZINSOU a franchi la barre déjà très basse de l’immoralité, en faisant du prétendu rapatriement du trône de Béhanzin un instrument de campagne électorale, au cœur de l’ancien royaume du Dahomey à Abomey-Bohicon !
Lionel Zinsou, associé gérant de la banque d’affaires Rothschild pendant plusieurs années, est devenu en 2009, associé gérant de la société de capital privé( private equity firm) de BNP Paribas. Entant que tel, il est copropriétaire et patron de « fonds de placement charognards » (vulturefunds), fonds dont les dirigeants font partie de la nouvelle classe de super-riches ,bénéficiaires de l’hypertrophie de la sphèrefinancière et des spéculationsassociées ( dette souveraines dévaluées, achat/ vente d’entreprises en difficultés…).Le premier ministre que YAYI nous a imposé, est donc un homme riche, riche aux standards de la France, son premier pays, où il fait partie du 1% le plus riche, encore plus riche aux standards de notre pauvre pays, le Bénin.
Il est courant pour les membres de cette couche sociale de s’offrir des collections d’art, à titre d’investissement ( aprèstout ces objets prennent de la valeur), par amour de l’art ou simple vanité. Certains membres de cette couche –européens ou américains- privilégient les tableaux de Picasso, Monet ou autres, notre compatriote a lui , choisi de privilégier l’art –notamment moderne- africain a travers sa fondation et sa collection personnelle. Ce sont ses choix, qui ne sauraient constituer un brevet de patriotisme !
Dans ce cadre, Mr. Zinsou aurait racheté le trône du roi Béhanzin qui aurait été en vente , et en a organisé l’exposition au Bénin , à travers la fondation que dirige sa fille.
Ce rachat est évoqué à deux reprises dans la campagne pour convaincre les Béninois du patriotisme de Mr Zinsou et les appeler à voter pour le premier ministre :
1- Houndété, le candidat éclair aux élections présidentielles,évoquera ce rachat du trône de Béhanzin par Lionel Zinsou dans ses contorsions pour expliquer le transfert des armes et bagages de son alliance Bénin Nouveau vers le Lionel Zinsou.
2- Le premier ministre lui-même poussera l’impudeur jusqu’à évoquer ce rachat dans un meeting politique de la RB d’Atrokpo à Bohicon appelant à voter pour lui, promettant d’organiser une nouvelle exposition !
Au delà de ce clientélisme abject et sans fard, que faut il penser de telles déclarations ?
Nous ne savons si Mr. Zinsou a acheté ou non le trône de Béhanzin, qui en est l’actuel propriétaire ( Lionel Zinsou, la Fondation Zinsou ou le musée du Quai Branly à Paris) ou s’il a été prêté pour une exposition.
Mais fondamentalement, ce trône a été volé au Benin, par le général Dodds, agresseur de notre pays . Comme beaucoup d’autres objets d’art du Bénin et des autres pays africains qui sont exposés dans les musées français.
Les Africains se battent pour leur restitution à nos pays. Le président Soglo a lancé en 2013 une pétition adressée au Ministre francais de la justice, pour la restitution des objets d’art volés par la France.
De nombreux pays africains, l’UNESCO, militent pour le retour en Afrique des objets d’art volés par les Français !
Telle est selon nous l’approche correcte à avoir.
Nous ne voulons pas que les objets qui sont le patrimoine commun de tous les Béninois se retrouvent dans des musées étrangers ou dans les collections privées, fussent-elles de Franco-Béninois !
Le mécénat culturel a sa place dans la diffusion de la culture, mais faire de celui-ci un tremplin pour des élections présidentielles est indécent !
La guerre des Opa
Au delà du mécénat culturel comme moyen d’action politique, c’est une véritable offre publique d’achat du Bénin que le candidat ZINSOU a lancée sur notre pays.
Selon des informations non démenties, Monsieur Zinsou, aurait déclaré a l’alliance au pouvoir –FCBE-pouvoir réunir cinq milliards de francs CFA (CFA) pour battre campagne, éliminant de facto –sur ce seul critère- les autres candidats comme le Pr Abiola…
Rappelons que le code électoral du Benin met un plafond –déjà extraordinairement élevé- de 2,5 Milliards auxdépenses de campagne présidentielle.
Le Bénin apparait comme un trophée que le milliardaire franco-béninois veut accrocher à son tableau de chasse. Pour cela, tous les moyens semblent bons.
Mais , de même que des chevaliers blancs font échouer les OPA les mieux structurées, de même l’OPA du premier ministre sur le Bénin a suscité des contre OPA d’autres hommes d’affaires, donnant de notre démocratie naissante le spectacle affligeant d’une foire aux enchères !
Les « réalisations sociales » des uns sont opposées à celles des autres. Les candidats sont interrogés sur le nombre de modules de classe qu’ils auraient fait construire, ou le montant total des micro-crédits accordés ? Sur les réseaux sociaux, la question favorite devient « combien as-tu investi au Bénin » ou « combien d’emplois as-tu créés » comme si les créations d’emploi, la construction d’équipements sociaux, ou le financement des micro-entreprises étaient la responsabilité individuelle des candidats et /ou prétendants. Combien chacun d’eux peut il créer dans l’océan de misère qui est le nôtre !
Ce transfert des responsabilités de l’Etat vers des individus aux fortunes –réelles ou supposées-, cette recherche éperdue du riche qui va transférer un peu de ses richesses vers la nation est une des sources de la course après les « banquiers » ,dépositaires dans l’imaginaire collectif de l’argent roi. Le président YAYI BONI surfera sur cette tromperie, allant jusqu’à faire du cauris, instrument monétaire dans les sociétésprécoloniales, le symbole de sa campagne et de son parti.
Il est temps que nous rejetions cette illusion de transfert individuel de richesse. L’essor économique, la réduction significative et durable de la misère, ne se feront pas par la charité de quelques riches, aussi généreux soient ils ! Pire, il est probable que ceux-là cherchent surtout à préserver leurs intérêts, qu’ils connaissent peu la misère du peuple et soient les moins à même d’y apporter des solutions durables.
Le temps des messies, des oiseaux rares, qui vont sauver le Benin , avec leur fortune personnelle, ou avec leur carnet d’adresses est révolu, s’il a jamais existé.
Le salut passe par un programme de construction d’une économieautocentrée, tournée prioritairement vers la production des biens servant les besoins de nos peuples et des peuples voisins, l’approfondissement et l’élargissement de la démocratie et l’Etat de droit, la fin de l’impunité. Il faut mettre fin à la futile recherche de sauveurs qui n’existent pas , mettre en échec les OPA, car notre nation, notre pays n’est pas a vendre au plus offrant !
Charles B Lokonon
Atlanta Usa
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