Nicéphore Dieudonné Soglo et Albert Tévoédjrê

Ce duo a marqué les premières heures du Renouveau démocratique. Vingt-cinq ans après, il se rappelle à nos souvenirs. Beaucoup sont irrités par sa présence impromptue et quelque fois impertinente dans les débats de l’heure.

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D’autres comme moi, plutôt révérencieux de par leur double culture endogène et catholique qui toutes deux respectent les personnes âgées, pensent que même devenus octogénaires, ces « sages » ont toujours quelque chose d’utile à nous dire ! Ce n’est donc pas à nous de décréter qu’ils doivent être sages selon notre modèle. A tout seigneur, tout honneur. Nicéphore Dieudonné Soglo m’a toujours fasciné. J’ai été son porte-parole depuis 1996, et lorsqu’il fut élu maire de Cotonou en 2003, j’ai fait partie de son cabinet en tant que chargé de mission aux affaires politiques jusqu’en 2009. Nous nous sommes séparés sur ce même malentendu qui continue toujours: alors que je ne rêve que de grandeur politique, l’homme de la situation n’est décidément pas un politique, c’est-à-dire pouvant concevoir et mettre en œuvre des stratégies pour conquérir ou participer à l’exercice du pouvoir d’Etat. Il est resté collé aux vieilles conceptions d’une philosophie morale et politique battue depuis en brèche par les conceptions du florentin Nicolas Machiavel. Il est toujours plus attaché à la poésie des mots qu’à l’efficacité des actes posés. En effet, personne n’a compris qu’il se soit brouillé avec son ancien chargé de mission aux affaires monétaires devenu Président de la République, mais est parvenu paradoxalement à se réconcilier avec les compères qui avaient contribué à sa chute, appelant contre toute attente à voter au second tour de la présidentielle de 1996 pour le Général Kérékou. Une seule personne méritait d’être « sauvée » à mes yeux : Maître Adrien Houngbedji ! La RB se devait selon moi de renforcer l’alliance nouée avec le leader du PRD depuis 1998 ! Au contraire, il choisit de soutenir Boni Yayi au second tour en 2006, mais fut déçu un an après ; d’où s’en suivirent encore de longues années d’opposition. Seuls des bavards hâbleurs peuvent reprocher à Maître Adrien Houngbédji d’avoir assez d’être politiquement cantonné dans l’opposition ! En 1996, pourquoi Albert Tévoédjê a-t-il dû se résigner à sortir le Général-caméléon de sa tanière, et à se dépêcher de soutenir Boni Yayi en 2006, s’il n’appréciait guère d’avoir été longtemps cantonné dans le camp stérile de l’opposition à Nicéphore Soglo ? Aussi alors que la RB était le plus grands partis du Bénin (29 députés en1999), une trop longue période d’opposition a-t-elle failli la réduire à néant : de 11 députés régulièrement à Cotonou, elle doit maintenant se contenter d’un seul ! Réfléchissons un peu : peut-elle nonobstant s’aplatir devant l’un des deux commerçants milliardaires et crier à tue –tête pour qu’il soit candidat ? Non ! Inconvenant pour un parti politique. Que faire alors ? La seule solution, c’est de guigner du côté d’une alliance politique forte et porteuse d’avenir. Mon leader charismatique, contre toute attente, a pris les armes contre le Premier Ministre Lionel Zinsou ! Ce mépris pour les calculs politiciens ou si on est plus optimiste pour les stratégies politiques idoines expliquent sa chute en 1996 et son incapacité à recouvrer le pouvoir en 2001. En effet, Albert Tévoédhrê et Maitre Adrien Houngbédji sont tous deux originaires d’Adjarra. Il y a l’un, un tori, qui est de trop pour l’autre, un goun. Un bon stratège ne doit viser qu’une chose : que les deux hommes politiques ne s’allient jamais contre le régime en place.

Nicéphore Soglo les a contraints tous les deux à morfondre leur frein dans l’opposition à son régime. Fatalement, Tévoédjrê réussit à capter Maître Adrien Houngbédji dans sa Convention Nationale des Forces du Changement. Nous connaissons la suite. Le Professeur Albert Tévédjrê n’est pas détesté par ses concitoyens parce qu’il est l’un des Béninois les plus intelligents dans la pensée et l‘action, mais parce qu’il est souvent émotif, impulsif. L’impasse actuelle, à cause de la non- délivrance par le COS-LEPI des cartes d’électeur est suffisamment grave pour qu’on se fende aussitôt d’une déclaration mettant en cause Boni Yayoi, Lionel Insu et Augustin Ahouanvoébla ! En vérité, le Cos-Lepi est un monstre institutionnel que nous avons eu la lâcheté de laisser naître et perdurer ! Quand mon vénérable aîné le leader brillant de Notre Cause Commune a cru bon brocarder Maître Adrien Houngbédji d’avoir assez de 25 ans d’opposition, il doit se rappeler qu’au bout de 5 ans d’opposition au régime de Nicéphore Soglo, il était parti sortir de sa tanière celui qui était alors le diable en personne pour la majorité des Béninois, le Général-Caméléon, le sinistre Grand camarade de lutte de la période révolutionnaire ! C’est ça l’homme. Non seulement, il ne voit jamais la poutre dans son œil, mais il croit ses positions si justifiées qu’il n’hésite pas à essayer d’en convaincre ses frères catholiques et le clergé béninois avec à sa tête nos évêques. Cependant, qu’au soir de leur vie, nos deux octogénaires aient des points de vue convergents ne doit pas faire oublier leurs différences de tempérament et de formation. Albert Tévoédjrê ne parlera Jamais quant à lui d’une recolonisation de notre pays par le France parce qu’il sait que c’est sans objet. J’attends la déclaration de politique étrangère des 33 candidats pour voir si un seul aura le culot de nous dire qu’il modifiera un iota de notre politique étrangère constante avec la mise en cause des accords de coopération avec la France. Quelqu’un a-t-il le courage de déclarer qu’une fois élu il va revisiter les accords de coopération financière allant jusqu’à attaquer l’UEMOA, le Franc CFA, le CAMES, les accords de coopération commerciale, de résidence, d’entrée des Français et leur installation sur notre territoire ? Au demeurant, cette peur subite de la recolonisation de notre pays est incompréhensible chez des gens dont les enfants ne parlent aucune langue de chez nous, qui les a envoyés étudier et résider en France ! Sauf chez mon vieil ami Philippe Noudjênoumin, le maoïste non repenti que je respecte parce qu’il ne veut pas voir que ce que nous disions ensemble sur les bancs de l’université est dépassé depuis l’écroulement du Mur de Berlin. L’impérialisme est devenu depuis longtemps un tigre en papier. Alors cessons de chahuter, gros Nègres comme devant !

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