Que faire face à la faillite des partis et à la banqueroute des entrepreneurs politiques

La situation qui prévaut dans notre pays à la veille de ces électionsprésidentielles de 2016,  jette une lumière crue sur la faillite des partis –et regroupements de partis- traditionnels –notamment ceux représentés à l’Assemblée Nationale.

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Un rapide rappel des faits s’impose pour bien comprendre les causes de notre mal être avant de conclure sur les tâches  à exécuter pour éviter le chaos

  1. Les FCBE, l’alliance au pouvoir depuis 2006, n’a pu trouver de candidat en son sein et a jeté son dévolu sur le proconsul Zinsou a peine débarqué de sa métropole natale, au prétexte qu’il pourrait mobiliser les 5 milliards de francs requis pour se faire élire !
  2. Le PRD de Me Adrien Houngbédji, parti dit d’opposition, n’a pu trouver aucun candidat digne de porter ses couleurs –ne serait-ce  qu’au premier tour des élections- ,et livre- à moins que ce ne soit un bail- son logo au plus offrant en termes de probabilité de fournir des strapontins ministériels ; le plus offrant, encore une fois,  se trouvant être le proconsul de la France au Bénin selon l’arithmétique électorale de Houngbédji.
  3. La RB dont Léhady Soglo a hérité,ayant vu les limites de ce dernier, qui n’a pu se faire élire député à Cotonou, ne trouve aucun militant digne de représenter ce parti aux élections présidentielles. Sous la pression d’élus locaux comme Atrokpo, ne voyant pas plus loin que le bout de leur quartier, les Houézèhoue ,qui ont fait la navette entre mouvance et opposition pendant les 10 ans de YAYI se fondent dans une nouvelle coalition autour du proconsul, refusant  par là même  de se définir. Ici les trente pièces de Judas sont une chimérique promesse de réhabilitation de Bohicon ! Sursaut Patriotique de Yahouédéou renonce à présenter la candidature de ce dernier et s’aligne derrière Ajavon.
  4. Le cas de l’UN , qui fut créée comme une réponse au syndrome de l’oiseau rare ( relisez les textes et discours de Bohicon), se donnant pour mission de former des militants et de les préparer aux responsabilités électives est symptomatique de l’échec patent des partis politiques. Non seulement l’UN n’a pu se choisir un candidat fédérateur, mais les partis le composant, -PSD, MADEP, Force clé etc…- n’ont pas pu désigner individuellement un candidat! Houndété, le champion des questions au gouvernement, trouve soudain des vertu aux FCBE et son porte drapeau Zinsou, qui selon lui –révélationintéressante- ne copierait pas ses programmes sur Internet ( misère de la pensée , quand tu nous tiens !)! Le PSD passé aux mains de Golou, appelle à voter Ajavon !
  5. L’alliance Soleil a préféré appeler à voter Talon, comme seule alternative crédible à un 3eme mandat YAYI, plutôt que de soutenir le député Général Gbian, membre présumé de l’alliance.

Seul ABT présente un candidat aux électionsprésidentielles, qui est membre de ce parti, ABT étant le parti et le candidat. Le candidat Koukpaki comme la majorité des 35 autres n’est pas porté par un parti préexistant !

Au total on observe la démission collective des partis représentés à l’assemblée nationale, incapables de remplir la mission premièreà eux confiée par la constitutionà savoir « Art 5. -Les Partis politiques concourent à l’expression du suffrage ».

Des clubs électoraux aux mains d’entrepreneurs politiques  

Les élections présidentielles, parce que plus que toute autre, elles captivent l’attention des citoyens , sont un temps fort de la vie politique, une période où les partis peuvent exposer et populariser leur vision de notre avenir afin de rassembler autour de la dite vision.

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Au lieu de cela, on assiste à un spectacle indécent, où le pays est mis aux enchères publiques au profit des hommes d’affaires franco-béninois (Zinsou) et béninois (Talon, Ajavon). Le débat n’est pas de savoir comment sortir notre pays de la misère, mettre fin à l’impunité, et donner des chances égales à tous dans un véritable Etat de droit, mais c’est à qui a construit le plus d’écoles, accordé des micro-crédits, ou racheté le trône du roi Béhanzin, à qui va construire des routes et infrastructures à Porto Novo et Bohicon !

Dans ces conditions, l’Assemblée nationale, où tous ces pseudo-partis sont représentés, entamerait en catimini, des négociations avec les soit disant partenaires techniques financiers –PTF- pour geler le paysage politique, interdire l’émergence de véritables partis, en consolidant la mainmise des clubs électoraux-vendus aux hommes d’affaires- sur le paysage politique.

On prétexte de l’absence de financement public des partis pour justifier leur démission et aplatissement devant les hommes d’affaires locaux et étrangers( étrangersen termes de centre de leurs affaires).

On veut nous faire croire que l’absence de financement public est lié à la multiplicité des partis (200 et plus) et on appelle à la limitation du nombre de partis a 2 ou3 ou 4 ( c’est selon !).

Au vu de la curée en cours, on imagine ce que seront ces 3 ou 4 partis que les clubs électoraux appellent de leur vœux pour geler le paysage politique et permettre aux entrepreneurs politiques comme Houngbédji –puisque c’est lui qui impulse ce mouvement depuis le perchoir- de toucher les dividendes de leur placements dans les entreprises personnelles à caractère politique –pompeusement appellés partis.

Nous assistons à la banqueroute de ces entreprises personnelles à caractère politique, se traduisant par l’incapacité à renouveler le personnel politique au-delà des fondateurs propriétaires, et la désaffection progressive des populations prises en otages dans les clans et phratries. Houngbédji tente en vain de mettre son fils en orbite à la Céna, Léhady est incapable de se faire élire député malgré l’héritage politique de son père !

Quels sont les enjeux et les perspectives de la nécessaire recomposition du paysage politique?

  1. Au-delà de la réforme du système partisan, -que nous discuterons plus loin-, l’urgence est àl’émergence de véritable partis, ensembles  cohérents, organisés et disciplinés de militants,  partageant des valeurs et idéaux communs, prêts  à consentir des sacrifices, qui laissant leur ego et méfiance au vestiaire, œuvrent avec détermination mais dans la tolérance, à la réalisation de leur idéaux pour le bien être de notre patrie commune et de ses peuples. Rien n’est plus important que de raviver dans notre jeunesse en particulier, la flamme de l’idéalisme et de la foi qui soulève les montagnes. Sans cela, les plus belles constructions législatives ne permettront pas l’adhésion et la pleine participation des citoyens à la gestion de la chose publique.C’est un travail qui requiert peut être du temps, mais qui doit être entamé sans délai !

La perception de la politique, comme moyen de réussite personnelle doit être déracinée, les emplois politiques rendus peu désirables  au plan financier – au moins dans un premier temps ! C’est à notre sens, la tâche première de tout patriote aujourd’hui.

  1. Le multi-partisme intégral choisi a la conférence nationale n’implique pas nécessairement la floraison de partis et « particules ». Dans aucune grande démocratie, n’existe de lois limitant le nombre de partis et faisant obligation aux citoyens de se définir dans des cadres construits pour eux. Ni en Grande Bretagne, ni en France, ni en Allemagne, ni aux Etats Unis. Légiférer le nombre de partis, est la première étape vers le retour au Parti Unique ! La classe politique béninoise s’est fait une spécialité de piétiner les lois existantes et d’ajouter des couches législatives supplémentaires à l’arsenal législatif inopérant ! Une charte des partis existe. Il faut en renforcer les dispositions qui assurent que l’on n‘ait plus des entreprises personnelles a caractère politique et à  base clanique !

Il est hors de question de momifier le paysage politique en institutionnalisant la main mise de partis représentés à l’Assemblée Nationale, partis qui viennent de faire la preuve éclatante de leur démission et trahison des intérêts de notre peuple !

La réflexion collective, dans le cadre d’Etats Généraux ou de tout autre forme de participation des citoyens à la redéfinition du cadre de notre vivre ensemble, et non l’intervention des PTF- pourrait aborder les points suivants :

  1. La charte des partis fait obligation aux partis d’avoir trois membres fondateurs dans tous les départements (art 8 de la charte des partis). Combien des 200+ partis satisfont réellementa cette règle ?

Cette disposition devrait être révisée pour en étendre la couverture aux 77 communes , quitte à n’avoir qu’un ou deux membres fondateurs par commune, avec interdiction pour un membre fondateur de « militer » dans plusieurs partis.

  1. L’article 11 qui définit le département de provenance devrait être révisé pour supprimer la notion de département d’origine. Il faut en finir avec les appartenances claniques ou des gens qui vivent/résident et/ou ont le centre de leurs affaires à Dassa se font électeurs à Kandi ou Aplahoue !
  2. En attendant d’avoir la couverture nationale, les partis peuvent se faire enregistrer comme cercles de réflexion et d’action, de façon à préparer leur création. Ces cercles de réflexion et d’action, comme les associations, devraient pouvoir participer aux élections locales et communales, comme moyen d’apprentissage de la démocratieélective et instrument d’extension de leur influence et base. Les élections législatives et présidentielles devraient êtreréservées aux partis constitués présentant le parrainage d’un nombre minimum d’élus locaux couvrant tout le territoire national.
  3. Les partis existants devraient être tous dissous et leur création et enregistrement soumis à vérification de cette règle dans un délai de 90 jours –par exemple.

Le financement public des partis et des campagnes électorales.

  1. A notre sens il est hors de question d’allouer des sommes faramineuses ( les milliards évoqués par Houngbedji)  aux clubs électoraux existants pour pérenniser le clientélisme et l’achat des consciences. A notre sens :
  2. Il faut déraciner la corruption électorale en révisant à la baisse les plafonds des dépenses électorales et mettre en place un procureur spécial–aux pouvoirs élargis avec un mandat limité dans le temps- chargé de la poursuite des violations du code électoral ( notamment en matière de dépensesde campagne et d’achat de consciences, meeting payés, etc…), et de la vérification des comptes de campagne. C’est la condition première pour l’assainissement du climat des élections.
  3. S’agissant du financement des partis,  là encore, la loi, la charte des partis est claire. Il faut commencer par appliquer les lois existantes avant de chercher à en faire d’autres. Les articles 22 et 23 de la charte des partis prévoit que le budget de l’Etat alloue une aide financière aux partis et que cette aide est proportionnelle au nombre de députés. Appliquons cette loi pour donner aux partis les moyens de leurs activités. En plus d’être proportionnelle au nombre de députés, l’aide devrait êtreproportionnelle au montant et nombre de cotisations collectées( avec dépôt en banque et comptes certifiés) de façonà mettre fin à l’entrepreneuriat politique et promouvoir la responsabilité des militants. La loi devrait aussi encadrer les activités qui peuvent être financées par des fonds publics. Exclues devraient être les per diem qui légalisent le paiement pour participation aux meetings politiques et l’achat de conscience, etc…
  4. L’enveloppe globale allouée au financement des partis ne devrait pas excéder0,02 a 0,05% du budget selon qu’on intègre ou non le financement des campagnes électorales(soit 200 à 500 Millions pour un budget de 1000 Milliards) comparables aux niveaux de financement public dans les grandes démocraties qui en ont ( France, Allemagne, Canada …)
  5. Il serait souhaitable que le financement public des partis soit basé sur le nombre de votes reçus – au-delà d’un seuil minimum à définir –de  1% a 5% – plutôt  que le nombre de députés, de façonà éviter la prime aux élus en place et les barrières à l’entrée .
  6. Le code électoralprévoit déjà le remboursement des frais de campagne pour les candidats aux législatives( 5 millions minimum) et présidentielles ( 500 millions minimum). Ces sommes doivent être plafonnées et révisées à la baisse en tenant compte de financement des partis de façon à rester dans l’enveloppe globale de 0,02% à 0,05% du budget national et àdécourager l’inflation des dépenses de campagne, l’achat de conscience sous des formes a peine déguisées. Les dépenses remboursables doivent être définies et exclure tout paiement en espèces  ou en nature de per diem, de repas ou autres forme de rémunération de la participation aux réunionsélectorales –ou bien sûr au vote! La répartition par nombre de votes reçus –au delà d’un seuil à définir- nous parait également raisonnable.
  7. Pour autant que le rôle des associations est reconnu, un financement public de celles qui ne sont liées –financièrement- à aucun groupe ou organisation étrangère, peut également être discuté, avec un niveau et des modalitésà discuter en tenant compte de ce que là aussi, certaines ONG sont devenues des formes d’entrepreneuriat.

Au total, il ne nous paraît pas raisonnable d’encourager l’inflation des dépenses électorales, l’achat déguisé des consciences en augmentant le plafond des dépenses et en réduisant le nombre des bénéficiaires par un malthusianisme des partis.

La compétition des partis pour les voix des électeurs doit se déplacer sur le terrain du militantisme, de la capacitéà convaincre et organiser, autour d’idées , de projets, d’hommes et de pratiques exemplaires.

La faillite des clubs électoraux qui est patente et s’expose à la vue de tous, ne doit pas être une occasion de renforcer la mainmise de ceux-ci sur la vie politique, mais l’occasion d’ une remise a plat des conditions de création et de financement des partis, et de l’application rigoureuse des lois après un toilettage discuté et acceptée par les citoyens et les non les PTF entourés des clubs électoraux, des entrepreneurs politiques qui ont précisément failli.

C’est la condition d’une rénovation du système partisan et de la participation citoyenne et responsable.

Charles B Lokonon
Atlanta USA

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