Bénin : Comme en 1991, une brève radioscopie du renouveau démocratique

Il en est des peuples comme de l’homme : aux  périodes cruciales de son existence, il a l’impression du déjà vu. Patrice Talon n’a eu guère les 75% de voix engrangées par Boni Yayi en 2006 et, s’il se représente en 2021, ne fera jamais le fameux K.O.

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Cependant, sa manière originale de faire campagne, sa proximité presque physiologique avec le peuple, l’intelligence et la force persuasive de ses slogans (nouveau départ et rupture) lui ont attiré de la part de l’électorat fon-aïzo du Littoral-Atlantique-Zou une sympathie dont seul Nicéphore Soglo avait bénéficiée en 1991. L’homme de la situation avait de même fait un score de 65% face à son adversaire, le Général Mathieu Kérékou.

Aussi le nouveau Président de la République ne connaîtra-t-il pas le désamour subit (moins d’un an après son élection) que Boni yayi, malgré des slogans pas moins accrocheurs (changement-émergence) a connu dès 2007 ! C’est donc au régime de Nicéphore Soglo que nous comparons volontiers celui de Patrice Talon. J’ai eu beaucoup de réactions négatives lorsque j’ai parlé – non pas des Fons en général tels qu’ils sont entrés dans l’Histoire précoloniale- de l’électorat fon dont j’ai été témoin du comportement sociopolitique à Cotonou de 1956 à 1960  et que j’avais perçu comme raciste et régionaliste (il y avait déjà la discrimination contre les métis).

Cet électorat-là m’a derechef si traumatisé que devant le spectacle hystérique auquel j’ai assisté (Lionel Zinsou remplaçait en image d’Epinal Sourou Migan Aptihy et d’autres), mes vieux clichés d’enfant sensible ont repris vie ! Mea culpa : nous sommes à une période sensible où les rabat-joie ne sont bons qu’à être vilipendés. Ce peuple n’a jamais boudé le plaisir d’une fête communautaire de catharsis collective ; aussi le socio-anthropologue hésite-t-il à introduire la réflexion pour saisir toutes les facettes de la  dynamique socio-politique actuelle. Faute de mieux, je suis tenté de recourir à la variable origine régionale pour expliquer les traitements convergents auxquels furent soumis Hubert maga et maintenant Boni Yayi, à leur chute (le Général Mathieu Kérékou, l’homme –caméléon qui a une baraka selon moi est un cas à part). Soit donc le président Nicéphore Soglo et son congénère fon Patrice talon. Même rejet excessif et diabolisation à outrance de l’adversaire, couplée avec un accueil dithyrambique.

Dans le cas du grand camarade de lutte, miracle. Plutôt que de diriger les salves hostiles contre le  général-président, on préférait vouer aux gémonies  l’Etat-PRBP. Cette ambigüité lui permit de revenir au pouvoir ! En 1991, personne ne voulait s’en laisser compter ; comme maintenant tout le monde veut travailler avec le nouvel élu, dans un rituel magique de purification identitaire et propitiatoire.  Exception notable : Albert Tévoédjrê ! On ne saura jamais pourquoi, contrairement  aux autres  partis ou sensibilités, il était resté solitaire et défiant dans une opposition courageuse qui lui avait valu tous les noms d’oiseau ! L’histoire lui a donné raison lors donc que sans signer aucun accord de gouvernement, toute la classe politique après s’être fourvoyée quelques instants dans un accord avec Mathieu Kérékou, s’est dans son ensemble ralliée à Nicéphore Soglo. Mais l’illusion fut de courte durée. Le nouveau régime ignora totalement les partis autres que ceux de l’UTR, la première branche du Groupe de Concertation Politique (GCP) dont la seconde dite G8 était constituée des partis suivants :

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  • Le PSD ;
  • L’ADP ;
  • L’UDRN ;
  • L’UDRS ;
  • Le MSUP ;
  • L’ASD ;
  • Le RASN
  • UDS
  • UNSP

Plus tard, Adrien Houngbédji et son PRD se joignirent au groupe qui rafla cinq des 7 postes du Bureau de l’Assemblée Nationale dont le Perchoir. Mieux, on  forma le nouveau groupe parlementaire, le Renouveau, avec  les partis dont on souhaitait la présence : le MSUP, l’ASD, UDS, UNSP. Les autres furent contraints de rejoindre le NCC d’Albert Tévoédjrê dans l’opposition. Le renard de Jèrègbé vit toute l’importance de cette manne politique et constitua avec tous ces partis en février 1993 la Convention Nationale des Forces du Changement qui renversera Soglo en 1996.

De 1996 à 2006 avec le Général Mathieu Kérékou «revenu en haut », nul ne fut de trop. Seule la RB, l’ASD, l’UDS, l’UNSP et les Verts comptaient parmi les partis volontairement opposés à l’alliance UBF. Quelles sont les raisons qui ont conduit à l’opposition à Boni Yayi en 2007 les partis du groupe Wologuèdè qui deviendront G8 puis l’UN face aux FCBE ? Fournir  une explication à cette curieuse attitude nous  aidera à comprendre la fatalité de l’irruption d’un non-politique à la tête de l’Etat depuis le Renouveau démocratique : les partis politiques n’ont jamais représenté des forces de l’alternance au pouvoir en place alors que le peuple à chaque fois a soif de changements plus ou moins radicaux. Parce  que la plupart de ces partis se sabordent volontiers face à un pouvoir politique où le leader n’est pas lui-même politique, et ne voit pas a priori l’importance des partis politiques dans une démocratie libérale

Dénis AMOUSSOU-YEYE
professeur associé à l’UAC

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