Bénin : Talon s’est-il préparé à la tâche

Les élections présidentielles, faut-il le rappeler, ont été sanctionnées par le choix de l’une des figures de proue de l’économie nationale à la tête de notre pays. Il s’agit bien évidemment de Patrice Talon. Celui-ci, qui a non seulement bénéficié de plusieurs maladresses de son prédécesseur surtout lors des campagnes présidentielles, a aussi et surtout séduit par une campagne originale, avec un slogan dont le symbolisme a forcé l’adhésion de plus de 65% de Béninois.

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Depuis lors, plus de quinze jours se sont écoulés pendant que, en comparaison avec les débuts du régime défunt, beaucoup s’attendaient à voir plus que des effets d’annonce. Contre toute attente, le chef de l’Etat, au nom d’un antiyayisme viscéral, devient non seulement muet, mais, totalement absent. Une telle attitude est inquiétante et appelle à des interrogations, quant aux attentes légitimes des Béninois.

« … Au plan économique et social, ainsi que de la jouissance des libertés individuelles l’état des lieux n’est guère reluisant. L’urgence, est donc aux réformes politiques, à la restructuration de l’économie nationale, à la reconstitution du tissu social en redonnant confiance à nos citoyens et la restauration de la crédibilité de notre pays ».Ainsi s’exprimait Patrice Talon le 06 avril 2016, lors de son investiture.

Du droit à l’information

A l’écho de ce bout de texte, l’euphorie fut générale. Malheureusement les Béninois et les Béninoises ont à peine passé l’extase quand les choses semblent encore se compliquer. Talon et son équipe nous impose un silence assourdissant depuis le 06 avril 2016. Ce silence qui est caractérisé par la privation du peuple, de la moindre information concernant l’action gouvernementale et les déplacements du chef constitue un affront aux Béninois. En effet, l’un des principes qui caractérisent une bonne gestion est la communication. En entreprise, le défaut de communication est à tous égards une prémisse de décadence. Or, le chef de l’Etat et son entourage ont abondamment comparé la gestion de l’Etat à la gestion d’une entreprise pour convaincre les électeurs du succès du candidat qu’il était, lorsqu’il sera élu à la tête de notre pays. Sauf à admettre que Talon brillait par la rétention de l’information en tant que manager, il ne peut nullement se permettre de frustrer ainsi le peuple dont il est le mandataire, en le privant de toute information relative à la rencontre décriée et contestée d’Abidjan. Il en de même de celui d’après sur Paris, dont les motifs à ce jour, ne sont connus que de lui et de ses proches collaborateurs. Ce faisant , il donne tout simplement l’impression qu’il n’a pas suffisamment compris que, dans le système qu’incarne l’institution qu’il représente, c’est le peuple qui est détenteur du pouvoir.A ce titre et sous aucun prétexte, aucune décision concernant la vie de la nation ne doit lui être dissimulée, sauf si celle-ci relève d’une stratégie de protection et de défense, ce qui n’est nullement le cas actuellement, à moins qu’on nous démontre que la rencontre avec Yayi que le peuple a vomi, nous ait apporté une plus-value.

Manager vs premier magistrat

L’attitude qui consiste à opter pour la rétention de l’information peut se justifier par deux phénomènes. Ou bien l’auteur de la rétention d’information souffre d’une carence certaine en matière de management ;ou bien, celui-ci est animé d’une intention manifeste de nuire à travers des actes qu’il entend soustraire à la connaissance de la grande majorité. Pour ce qui concerne le président élu, on ne saurait douter de sa compétence managériale puisqu’en tout cas, pour être considéré comme l’une des personnalités les plus nanties du continent, il a certainement de l’étoffe et a dû s’illustrer positivement en matière de gestion.D’ailleurs, les éloges à cet égard foisonnent à son endroit. Il ne nous reste plus donc qu’à interroger la seconde hypothèse, celle de la cachotterie manifestement nuisible.

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Aller rencontrer ses homologues de la sous-région ou à l’international, quoi de plus noble pour un Président de la République élu, qui par surcroit, a reçu l’onction de la majorité de son peuple. Pourquoi alors Talon devrait-il continuer à « raser les murs », comme par le passé, puisqu’on dit de lui qu’il est un homme de l’ombre ? Nous sommes au lendemain d’une élection capitale, et aucun Béninois n’en voudrait à Talon de vouloir fouetter la diplomatie internationale à son avantage. Mais encore faut-il que l’éclairage nécessaire soit apporté au peuple sur les missionset les charges que le chef de l’Etat est sensé exécuter en son nom et pour son compte. En effet, le peuple qui est comptable des moindres dépenses que le président de la république effectue, doit y être associé, même si le mandataire qu’il est devenu, ne lui doit pas des détails au centime près. Il est fort à craindre que, telles que s’effectuent les déplacements et surtout que celui-ci prend du plaisir à snober l’avion présidentiel acquis à grands frais, on finisse par nous déclarer à l’heure du bilan, que le président de la république n’a jamais émargé au budget national.Les germes de la mauvaise gestion et de la prévarication trouvent leurs racines dans les « cachotteries » du genre. Le président de la république doit savoir que, de l’entreprise à l’Etat, il est passé du simple manager au premier magistrat de la nation. Autant, en tant que patron d’entreprise, il n’avait aucune obligation de compte rendu (encore que c’est discutable), autant son statut actuel l’oblige envers le peuple, à un devoir minimum de compte rendu et d’information.

La situation est d’autant plus inquiétante quand on sait que, les balades de santé que s’offre l’actuel président de la républiqueviennent en déduction du précieux temps que couvre son mandat cependant que, les attentes légitimes du peuple que sont entre autre la question de l’emploi, la question du délestage devenu plus sauvage, et bien d’autres préoccupations, sont abandonnées au profit de préoccupations qui ne tiennent pas une place de choix dans le quotidiendes béninois, ou qui sont en tout cas, inconnues d’eux. Ce n’est donc pas abusif de dire quece méprisdont fait preuve le chef de l’Etat est un affront envers le peuple.Il devra donc le corriger sans délai. 

Le peuple veille

Au surplus ,  Talon et son gouvernement ne devraient pas avoir la naïveté  de croire  que la suspension, le retrait et l’annulation de quelques arrêtés ou décrets à polémique, suffiraient à eux seuls pour marquer la rupture dont le peuple attend légitimement bien plus. Du 06 avril au 25 avril, ils se sont écoulés plus de quinze jours. Et depuis, rien ! En dehors de quelques annonces  de charme qui n’ont aucune incidence directe sur le quotidien du Béninois. Pendant ce temps, toute l’administration tourne au ralenti, les cabinets des ministères ne tournent plus, les opérateurs économiques attendent d’y voir clair avant de se décider. Tout ce qui est annoncé ça et là, ce sont les audits, exactement comme au bon vieux temps du changement dont l’actuel chef de l’Etat est un acteur pas des moindres. Tout ceci donne, non seulement l’impression d’un « déjà vu » mais pire, l’impression d’une impréparation déconcertante. Le premier mauvais signal d’un si mauvais départ avait été donné le mercredi du deuxième conseil des ministres avorté, que l’on a tenté désespérément de justifier par de prétendus conseils interministériels devant préparer la grande réunion, comme si l’on ne s’y était pas préparé. Il n’est que de reprendre la lecture de son discours d’investiture et on se donne le droit de refuser que le président de la République ne peut pas avoir annoncé de si belles choses, un avenir aussi radieux, et ne rien trouver de mieux ensuite, que des voyages de réconciliation et d’agrément. De toutes les façons, il est une évidence que le peuple, détenteur du pouvoir dont le Président n’est que le mandataire, n’ayant pas été informé ni associé à ses déplacements, est en droit d’exiger des comptes, tant et si bien que ce peuple est conscient que cinq années sont trop peu pour satisfaire ses attentes les plus urgentes. Le chef de l’Etat doit savoir qu’il n’a plus cinq ans devant lui pour AGIR, et qu’il ne va pas DISPARAITRE sans avoir agi. De toute évidence, le prétexte à tirer du défaut de temps ne prospérera pas. Il a donc tout intérêt à mettre le temps à profit pour satisfaire ses innombrables promesses envers les Béninois qui veillent.

Urbain C .Noudofinin
Sociologue

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