Humeur du temps : Ici c’est le Bénin…

Y a-t-il un secret à conserver jusqu’à la tombe entre Boni Yayi et Patrice Talon ? Un secret « secret » qu’on ne peut même pas partager avec son ami le plus sincère et son épouse la plus intime ?

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Si ce n’est pas cela, on a des raisons d’imaginer que les deux hommes sont consubstantiellement liés par le destin et que l’un devrait aider l’autre et vice versa. Leurs histoires le montrent si bien. Ce 06 avril 2016, plusieurs personnes étaient loin d’imaginer ce qu’ils ont vu sur le petit écran. Yayi et Talon, marchant côte à côte sur un tapis rouge, tout souriant après un tête-à-tête où le premier offre une bible à son hôte. Il y a dix ans, celui-ci était derrière lui, tel son tuteur politique pour l’installer à la Marina. Il avait mis sa fortune et ses relations politiques à sa disposition pour le porter au pouvoir. Dix ans après, il  revient presque au pas de charge pour reprendre ce qu’il lui a permis d’avoir. Ironie du sort, Patrice Talon était accompagné de son inséparable associé Olivier Boko et de son meilleur lieutenant politique Candide Azannaï, le même trio qui  en 2006, a œuvré par tous les moyens pour donner le pouvoir à Yayi. Un peu comme pour satisfaire leurs égos de venir arracher le pouvoir qu’ils l’ont aidé à avoir il y a dix ans. Parce que ces cinq dernières années, Patrice Talon et Boni Yayi ont été comme chien et chat. Les deux hommes se sont combattus sans ménagement. Ce dernier accuse le premier d’avoir voulu attenter à sa vie. Pendant la dernière campagne, Boni Yayi a affiché son inimitié contre Patrice Talon qu’il a traité partout de « bandit », « assassin », «énergumène endoctriné par une pute qui se prend pour Dieu ». On ne pouvait donc pas s’attendre à cette chute brutale de la tension qui a permis ce tête-à-tête très improbable.

Mais ici, on est au Bénin où rien ne se passe comme ailleurs en Afrique. C’est le seul pays au monde où la providence fait des merveilles tous les jours et où les divergences les plus grandes finissent toujours par s’estomper. Le seul pays en Afrique où l’ennemi public numéro un d’un Chef d’Etat persécuté et contraint à l’exil revient tranquillement au bercail après avoir gagné tous ces procès contre lui, dépose sa candidature, bat campagne et remporte brillamment l’élection présidentielle.  

C’est simplement qu’ici la bouche a remplacé les bras, les machettes, les fusils les chars ; les injures et la critique ont supplanté la violence physique au point où les tensions les plus vives finissent toujours en compromis.

Alors, on ne devrait donc pas s’étonner de voir dans le tout nouveau gouvernement de Patrice Talon -qui a battu campagne au nom de la rupture et contre le système Yayi –  un ancien ministre de Boni Yayi qui avait joué à l’avocat de diable en disant que son chef ne prenait ni salaire, ni indemnités et primes liées à sa noble fonction.

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On ne devrait pas s’étonner de voir l’ex-Sg du Gouvernement limogé par Boni Yayi nommé à  nouveau par Talon, de voir le même personnage qui fut patron de la sécurité présidentielle sous Yayi le devenir encore pour Talon. Ici c’est le pays des compromis, des revirements extraordinaires où l’ennemi farouche d’hier devient le meilleur allié politique. Ici, la rupture peut devenir du yayisme recyclé, les hommes du passé, même les plus corrompus, les nouveaux barons d’un régime qui prône la tolérance zéro contre la corruption.  

Ici, un Chef d’Etat qui a passé dix ans à commettre les prévarications les plus sordides au point de promouvoir des escrocs qui ont dépouillé ses citoyens de leurs avoirs peut quitter tranquillement le pouvoir sans être nullement inquiété et rentrer dans son village pour être accueilli en  souverain, porté sur un cheval.

Ici c’est le Bénin, le pays où tout est mystère et providence.

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