Le texte ci-dessous aurait dû être publié à la fin du mois de mars dernier dans le cadre d’un dossier que préparait notre rédaction sur le bilan des 10 ans du président Yayi.
Mais l’abondance de l’actualité en cette veille du second tour de la dernière présidentielle nous a obligé à reporter la parution dudit dossier sine die .En ce moment où il est question de faire des audits sur la gestion de l’ère Yayi, le volet développé ici par notre contributeur et consultant occasionnel Jean F Houessou garde toute sa pertinence. Lisez plutôt :
A la veille de son départ, le président Yayi a tenu à nous gratifier d’un chapelet de soi-disant succès lors de son dernier conseil des ministres.On aurait pu faire l’économie de ce bilan et de ce débat. Les peuples ont déjà délivré un verdict sans appel sur le bilan Yayi, et ont maintenant le souci de regarder vers l’avant et d’oublier ces 10 années grises. Mais puisque le président Yayi nous l’impose, il importe de faire quelque rappels.
Tout le monde sait que le bilan des 10 ans de Yayi est désastreux pour le Benin aux plans politiques, économiques, sociaux et culturels. Nul besoin de chiffres pour s’en convaincre si on vit au Benin comme les béninois. Mais si on veut se référer aux chiffres, il y a des chiffres synthétiques et clés :
Le taux de croissance de la richesse produite
Yayi sur 10 ans fait 4,2% de croissance moyenne de la richesse nationale selon le bilan de son conseil des ministres-àvérifier-.
C’est moins de la moitié de la croissance à deux chiffres – 10% et plus- qu’il nous avait promis, taux qu’il faut maintenir pendant des années pour espérer un décollageéconomiquesérieux.
C’est loin des 6% qui sont le taux minimum a maintenir sur une longue périodepour commencer à attaquer la pauvreté.
C’est à peine supérieur aux taux de croissance démographique qui tourne entre 3 et 3,5%.
C’est un tout petit peu inférieur a la croissance moyenne des 10 ans de Kerekou 2-qui n’était pas un docteur en économie !- dont la moyenne s’établit a environ 4,47%.
Le présidentSoglo fait mieux,à environ 5% de croissance moyenne du produit intérieur brut si on prend la période 1990-1995, sensiblement pareil -4,2%- si on s’en tient à la période 1991-95. Le présidentSoglo, on le sait, n’a eu qu’un mandat de 5 , ce qui distord un peu les comparaisons.
Au total la décennie Yayi a été la plus mauvaise de la période du renouveau selon cet indicateur, et la plus éloignée des promesses !
Le pourcentage de pauvres et la répartition de la richesse nationale
Là le gouvernement Yayi, fidèle jusqu’au bout à sa malhonnête légendaire cherche à nous enfariner par son indice de pauvreté non-monétaire, un indice qui n’est calculé et utilisé –à notre connaissance- par aucun des organismes qui se font une spécialité de mesurer les progrès économiques ( BAD, FMI, Banque Mondiale, FMI, Ocde , Bceao, etc..), indice pour lequel on n’est pas certain d’avoir des séries permettant des comparaisons dans le temps et l’espace. L’indice de pauvreté largement utilisé est le pourcentage de la population qui dispose d’un montant donné par an (environ 400 FCFA / jour selon la Bceao). Ce pourcentage –taux de pauvreté- est passé de 33.3% en 2007 quand Yayi est venu au pouvoir à plus de 36% (dernier chiffre connu).
Sous Yayi 300.000 personnes supplémentaires – voire plus- ont basculé dans la pauvreté. !
Si on utilise les seuils de pauvreté internationaux de $1,90 par jour (équivalent pouvoir d’achat de dollars 2011) c’est plus de la moitié (53%) de la population du Benin qui est en dessous du seuil de pauvreté !
Pire les pauvres sont devenus plus pauvres sous Yayi car l’écart entre leur revenu et le seuil de pauvreté s’est agrandi passant de 15% à 18% du seuil de $1,90.
Non seulement il y a plus de pauvres, qui sont devenus plus pauvres, mais dans le même temps les riches sont devenus plus riches en s’accaparant une plus grande part de la richesse nationale.
En matière de répartition de la richesse, on ne dispose pas de sériescomplètes, mais on peut constater qu’en 2003 la part larichesse nationale détenue par les 20 % les plus riches était de 46%. En 2012, au début du deuxièmequinquennat de Yayi cette part est passéeà plus de 50%. Au cours de la même période la part déjà minuscule détenue par les 20% « d’en bas » est passée de 7% à 6,14%.
Drôle de »prospéritépartagée » !
Endettement, déficits commercial et échangeinégal
Au-delà de ces deux mesures clé qui donnent une idée de la misère endémique, le déficit du commerce et le montant des endettements sont des indicateurs révélateurs de la dépendance chronique de notre pays.
Le président Yayi se bombe la poitrine en nous disant que la dette nationale » n’est que de 2.080.533. 220.500 » ou 41% ( ?) . Mais habitués que nous sommes des ruses et mensonges du président sortant, Yayi, nous devons y regarder de plus près. La réalité est que le Benin, ayant le triste honneur d’appartenir au groupe des Pays Pauvres Très Endettes (PPTE) a eu dans les années 2000 un « allègement de dettes » qui a pratiquement réduit a zéro la dette publique extérieure. Yayi est arrivé au pouvoir en 2007 avec un encours de dette publique de $629.001.000 selon les chiffres de la Banque mondiale. Un peu moins d’une dizaine d’années plus tard, en 2014 l’encours de la dette extérieure publique selon la même source de $1.984.084.000-dernier chiffre publie par la banque mondiale- soit un triplement de la dette extérieure en moins de 10 ans ! Cette dette soit disant faible, le gouvernement Yayi ne la paie pas à temps, comme en témoigne l’accroissement régulier des arrières de paiement d’intérêts au cours des dix dernières années, passant de $1.907.000 en 2006 lors de l’investiture du président Yayi a $ 22.163.000 en 2014 soit une multiplication par 10 des impayés, après un pic à $54 Millions en 2013 ! .Voilà le « formidable » bilan que le président Yayi porte aux nues ! Voilà une partie des charges qu’il laisse à la nouvelle équipe !
Le président Yayi se vante de ce que les exportations ont triplé en 10 ans, « oubliant de souligner que les importations ont plus que triplé dans la mêmepériode. En fait le déficit de la balance commerciale s’est creuséconsidérablement– détérioration de plus de 50% – passant de $500 millions en 2006 à l’arrivée du président Yayi au pouvoir à $857 millions en 2014 (dernier chiffre publie par la banque mondiale) après un pic de $1300 millions en 2013.
Ces deux éléments montrent si besoin en était la nature dépendante de notre économie. Pour illustrer comment la valeur, la richesse créée par notre labeur nous échappe, nous examineronsbrièvement les progrès en matière agricole, secteur qui occupe la majorité de notre population.
En se limitant aux années 2007 (première année pleine du président Yayi) a 2013 (dernier chiffre de la banque mondiale publie) on a le tableau suivant illustrant la croissance de la production agricole.
On voit que la production agricole augmente en effet, passant d’une base indiciaire de 95 à 150 soit 57% de croissance de l’indice.
En dépit de leur plus grand labeur, la valeur ajoutée de la production agricole augmente nettement moins vite (un écart de 20 points en moyenne), traduisant le fait qu’une grande partie de cette valeur est captée par l’échange inégal avec une augmentation plus rapide des couts des intrants et autres facteurs de production agricole par rapport à ceux des produits agricoles.
On voit que si la production agricole augmente, nos parents paysans travaillant plus de terre avec des rendements moindres,le fruit du labeur des paysans leur est vole par deux fois, à travers des intrants plus chers et des produits agricoles peu valorises.
En guise de conclusion, les indicateurs soulignés, qui traduisent la persistance de la misère endémique chez nous, et de la dépendance chronique vis-à-vis de l’étranger –occident notamment- illustrent les défis qui attendent le nouveau pouvoir en matière économique. Au-delà de l’économie, les chantiers sont nombreux, y compris en matière politique, sociale et culturelle, car en dix ans de Yayi, nous avons fait du sur place quand nous n’avons pas reculé
Jean F . Houessou
Mba computer sciences
Consultant
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