Découpage Territorial : Pour une fin des mauvais Départs

Tous les spécialistes des questions du développement vous le confirmeront : l’Africain post-colonisé a peur du progrès avec son cortège d’innovations qui ont pour fâcheuse conséquence de le bousculer, de le faire sortir de ses pratiques habituelles.

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Dans un livre célèbre, Axelle Kabou s’était demandé si l’Afrique ne refusait pas le développement. Je parle quant à moi de néophobie ; et dans un domaine où cette tendance lourde s’est manifestée particulièrement, c’est  celui de l’administration et en l’occurrence du  découpage territorial où faute d’adopter une fois pour toutes des critères  rationnels dès le départ, nous avons toujours en chantier un processus inachevé. Or, dans le système français que nous avons hérité de la colonisation, le concept de découpage territorial renvoie depuis la Révolution française de 1789 où il fut mis en œuvre,  à deux choses au moins :

  • La départementalisation où le territoire français fut découpé en 90 départements à peu près d’égale superficie dirigés chacun par un préfet nommé aidé de sous-préfets. Il s’agit de la déconcentration de l’Etat jacobin, centralisateur ou d’aménagement du territoire ;
  • La décentralisation où à l’Etat central ou déconcentré, il fut adjoint des collectivités territoriales décentralisées appelées communes. Ici pas de critère de superficie : le plus petit village a pu être érigé en commune qui a les mêmes prérogatives que les plus grandes métropoles comme Marseille, Lyon, Grenoble et surtout Paris.

Le colonisateur avait  divisé le territoire du Dahomey en cantons, en subdivisions de cercles : six (6) au départ puis 11:

  1. Dans l’hinterland (l’appellation  Nord apparaitra en 1951), les cercles dits  plus tard du Moyen-Niger (Kandi), du Nord-est (Parakou) et du Nord-ouest (Djougou);
  2. Au Centre (ce qu’ils appelaient ainsi), Abomey, Savê d’abord puis Savalou ensuite ;
  3. Au Sud, cercles d’Aplahoué, d’Athiémé,  Ouidah, Cotonou, Porto-Novo et Pobè.

Le territoire du Dahomey devint République autonome le 4 décembre 1958 et deux ans après en 1960, il accéda à la souverainetéinternationale en devenant indépendant. Le régime PDU du Président Hubert Maga procéda dans la foulée à un découpage territorial, à savoir :

  • La déconcentration de l’Etat avec la création de six (¬¬6) départements et d’un certain nombre de sous-préfectures, anciens cercles ou nouvellement créées ;
  • La décentralisation avec la conservation des anciennes communes créées sous la colonisation ; il y avait Ouidah, Cotonou, Porto-Novo et Abomey qui toutes cessèrent d’exister dès 1964.

Une première curiosité sautait aux yeux lorsqu’on examinait alors la carte administrative de l’ex-Dahomey : pourquoi ne pas tenir compte du seul critère valable de la variable  superficie dans le découpage territorial de 1961? Ainsi si le Sud (Abomey compris) qui couvre 1/5 du territoire national peut abriter 4 départements, le Centre, le vrai,  c’est-à dire les Collines avec à peu près 1/5 aussi aurait dû avoir un nombre idoine de départements, soit au moins 3. Le Nord qui lui couvre les 3/5 de la superficie du territoire national aurait eu normalement 3 fois plus de départements que le Sud, soit 12. Or, à quoi avons-nous  assisté ? Le Sud (moins Abomey) eut droit à 3 départements, le Centre avec Abomey à 1 et  le Nord à 2 ! Remarquons que ce fut sous la présidence d’un ressortissant du Nord, Hubert Koutoucou Maga qui avait confié le ministère de l’intérieur à un congénère Arouna Mama, que fut perpétrée cette véritable forfaiture ! On n’a même pas daigné conserver les trois vastes cercles du Nord (Nord-Ouest, Nord-est, Moyen-Niger).

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Lire Bénin : Propos du ministre d’Etat, Pascal Koupaki sur le découpage territorial

Le psychosociologue que je suis s’est longtemps interrogé sur les motivations profondes de cette attitude qui a perduré jusqu’ici à première vue chez certains cadres du Septentrion. Elle s’enracinerait dans cette idée fallacieuse qu’en morcelant trop le vaste territoire du Nord, on nuirait à son unité sociopolitique sur laquelle certains leaders politiques de cette région ont souvent joué pour s’imposer face à un Sud morcelé et divisé ! A tout seigneur tout honneur ; ce fut Hubert Koutoucou Maga qui en même temps qu’il créait la dénomination Nord (ce fut le colon qui parlait avant d’hinterland qui suggéra à l’instituteur de Natitingou cette dénomination dans sa vieille politique de diviser pour régner)) adopta cette idée. Parce qu’il avait besoin de l’unité de tout le « Nord »groupé derrière lui pour s’imposer en 1951 comme le deuxième député du Dahomey à côté de Sourou Migan Apithy ; il fonda dans cet esprit le Groupement Ethnique du Nord. Chez  les cadres du Sud, s’étaient développés aussi des préjugés sectaristes du même acabit : le Centre et le Nord n’étaient pas assez évolués pour avoir le même nombre de départements et de sous-préfectures que le Sud.

Comme on le voit, lorsque l’Africain a été obligé de gérer l’Etat postcolonial  déjà à partir de la Loi-cadre Deferre (1957-1958), la Communauté Franco-africaine (1959) puis l’Indépendance en 1960, il a toujours invoqué de soi-disant réalités propres pour faire passer son sophisme. Car le seul critère du découpage territorial, c’est la superficie. Point barre ; pas la croissance démographique qui à la rigueur pourrait être invoquée pour les sous-préfectures, nouvelles communes. Alors, on a excipé d’une prétendue spécificité endogène pour copier dans le modèle colonial ce qui arrange ; sans faire attention aux monstres qu’on crée. En effet, ce mauvais découpage territorial qui frappe les Collines et le Nord qui actuellement doivent se contenter de 1 et 4 départements est la suite de calculs politiciens ou de préjugés ethno-régionalistes. Déjà, lors du découpage électoral de janvier 1959, Hubert K. Maga avec la complicité du Premier Ministre d’alors Sourou Migan Apithy ramena le Nord à deux circonscriptions électorales (Nord-Ouest et Nord-est) alors que les trois vastes cercles  de cette égion auraient pu être chacun érigé en circonscription électorale !

Avec les fameux Etats-Généraux qui sous le régime Soglo donnèrent le cadre d’un soi-disant nouveau découpage territorial, on  se contentera prudemment de diviser les anciens départements en deux et de conserver en l’état les anciens districts créés par l’Etat-PRPB

A suivre

Dénis AMOUSSOU-YEYE,
( Professeur associé à  l’UAC )

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