Dans son discours à la nation de ce samedi 31 juillet, veille de la célébration du 56ème anniversaire de l’accession à l’indépendance du Bénin, le Président Patrice Talon a révélé qu’il comptait organiser un référendum sur la révision de la Constitution, notamment la proposition à polémique de mandat présidentiel unique.
Indécrottable Président Talon ! Le nouveau Président béninois tient à l’instauration d’un mandat présidentiel unique au Bénin. Malgré les contestations et les jurisprudences défavorables à sa proposition d’un mandat présidentiel unique qu’il entend inscrire dans la réforme de la Constitution du 11 décembre 1990, le Président béninois ne démord pas. Dans son discours à la nation le samedi 31 juillet à la veille de la célébration de la fête de l’indépendance, il a rappelé qu’il organisera bientôt un référendum pour recueillir l’avis du peuple béninois. Ce qui pourrait paraître comme un simple procédé démocratique, s’avère une stratégie de l’homme d’affaires devenu Président de la République pour mettre le peuple à dos des députés à l’Assemblée nationale et des sept sages de la Cour constitutionnelle. « J'engagerai sous peu le processus de révision de notre Constitution. Mais avant l’ultime étape de saisine du Parlement, je compte recueillir par une consultation en forme référendaire, l'appréciation de l'ensemble du peuple béninois sur les choix que j'ai opérés » a annoncé le chef de l’Etat. La démarche choisie par le Président Talon n’est pourtant pas ce qui devrait être selon une disposition de la Constitution du Bénin. Dans l’ordre de préséance, la consultation du peuple devrait intervenir en dernier ressort. A son article 155, la Constitution béninoise dispose que « La révision n'est acquise qu'après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l'Assemblée Nationale ». Sur ce, le référendum tel qu’annoncé par le Président Talon ne peut se faire.
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Opposer le peuple à ses institutions
Eu égard à l’article 155 sus-cité, on est tenté de penser que le Président de la République méconnaît la Constitution de son pays. Mais quand on connaît la trempe de ceux des hommes dont le professeur agrégé de droit et ministre de la justice Joseph Djogbénou, ce serait une conclusion hâtive. Il s’agit plutôt d’une démarche choisie par le gouvernement et son chef pour obtenir la caution du peuple afin de mettre les parlementaires béninois devant le fait accompli. La caution du peuple obtenue, le Président disposerait d’un argument solide d’adhésion populaire pour convaincre davantage de députés au Parlement. En dehors du Parlement, c’est la Cour qui se trouverait aussi dans une position délicate. La Cour devrait pouvoir se prononcer sur le contenu de la proposition avant qu’elle ne fasse l’objet d’un référendum. Et, pour rappel, une jurisprudence de la Cour constitutionnelle inscrit le mandat présidentiel au nombre des dispositions non révisables de la Constitution. Selon la Cour, les dispositions des articles 42, 44 et 54 de la Constitution contiennent les options fondamentales de la conférence nationale. Elles ne peuvent faire objet de révision. A cet effet, la décision Dcc 11-067 du 20 octobre 2011 stipule: «Ne peuvent faire l’objet de questions à soumettre au référendum, les options fondamentales de la Conférence Nationale de février 1990, à savoir : la forme républicaine et la laïcité de l’Etat ; l’atteinte à l’intégrité du territoire national ; le mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable une seule fois ; la limite d’âge de 40 ans au moins et 70 ans au plus pour tout candidat à l’élection présidentielle et enfin, le type présidentiel du régime politique au Bénin». On peut donc constater qu’avec la stratégie d’une consultation populaire préalable, le Président Talon met la haute juridiction dos au mur.