Albert Tévoédjrè / Frère Melchior : Persona Ficta

« Quand est-ce que la vérité ne vaut rien ? Quand elle fait tort à un absent » La locution « persona ficta » désigne un acteur de théâtre, un personnage politique ou tout autre qui porte un masque. Lorsqu’il ne s’y prend pas comme il faut, on peut lui arracher son masque à la fin de la pièce.

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« ICI, c’est le BENIN » doit s’analyser comme un véritable testament politique laissé à la postérité par son auteur. La formule « A la veille de nous dire « Au revoir.. » en dit long. A la page 6 de l’ouvrage, on peut lire : « Pour Frère Melchior, en effet, il s’agit, à travers cet écrit, de léguer un précieux héritage aux jeunes générations de chrétiens qui hésitent à vivre la politique comme un « apostolat »…etc. Plus loin à la page 11, on lit également « Il s’agit de rendre un service à la postérité en produisant un recueil des différentes démarches…. ».

L’objectif affiché qui figure à la page 12 est clair « cet opuscule est appelé à devenir le vade-mecum de l’engagement de la jeunesse dans la cité. »

Or, accepter une succession n’est pas une décision anodine. Au contraire, elle doit être mûrement réfléchie car en l’acceptant, on en accepte aussi bien l’actif que le passif. Autrement dit, les dettes du de cujus dont la succession est en cause.

Selon un adage populaire, « on ne peut acheter une étoffe sans l’avoir fait dérouler ». D’où la nécessité de trouver un facilitateur pour aider les héritiers potentiels à connaître non seulement ce qu’il y a dans la succession, mais aussi et surtout, l’homme qui l’a constituée car dans le cas d’espèce, il s’agit d’un héritage lourd à porter.

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Pour lui arracher son masque, il faut être libre, n’avoir ni dieu, ni maître, ni parrain ;

– ne rien espérer, ne rien craindre. De préférence, être un franc-tireur, n’appartenir à aucune chapelle ni à celle des francs-tireurs et encore moins à celle des francs-bourgeois ;

– avoir sur sa table de chevet certains des ouvrages qui comptent, tels que les œuvres complètes de Nicolas Machiavel, le viol des foules par la propagande politique de Serge Tchakhotine, lesquels constituent le bréviaire de Frère Melchior ;

– avoir de bonnes et solides connaissances en histoire, être quelque peu rompu aux intrigues byzantines et avoir suivi cet homme depuis l’indépendance de notre pays ;

– enfin, disposer d’une grille de lecture à entrées multiples pour épier les moindres numéros de voltige de l’auteur, le suivre, analyser et au besoin décrypter les différents messages qu’il  laisse, toutes aptitudes qui ne sont pas de trop pour démasquer le véritable « Artiste devant l’Eternel » qu’est Frère Melchior.  

Le lancement officiel de la compilation (date anniversaire de la mort du Cardinal B. Gantin) a été l’occasion pour son auteur, de compléter son dernier numéro de haute voltige. A travers la publication, c’est la griffe du propagandiste qui transparaît, tandis qu’à l’occasion du lancement officiel, c’est « Ulysse » au terme de son long voyage.

Pourquoi faut-il démasquer Frère Melchior ?

« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur…Il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. » Beaumarchais.

Hors de nos frontières, Albert Tévoédjrè est unanimement admiré, reconnu, respecté et salué pour ses grandes qualités intellectuelles indiscutables et ses mérites, ses talents, aussi bien au niveau continental qu’au niveau mondial. En revanche, au Bénin, tout en étant très apprécié pour son intelligence ainsi que ses mérites, il est hautement controversé sur le plan politique, à cause de ses méthodes fortement inspirées du viol des foules par la propagande politique. C’est le lieu de rappeler, que dans son ouvrage « Mein Kampf », Hitler a écrit : « La propagande est une arme terrible dans les mains d’un homme qui sait s’en servir. » Et rien que la référence au viol des foules, méthode abondamment utilisée en son temps par Hitler, donne froid dans le dos.

Par ailleurs, quand on lui demande quel est ton secret ? Il répond à la page 15 « …Quand je dirai : Quel est notre nouveau chemin ? Vous répondrez d’une voix puissante et sincère : « LA CONSCIENCE EN ACTION ! » Encore une référence aux méthodes du viol des foules. Après tout, « Nul n’est prophète en son pays. », selon un adage bien connu.

Les raisons d’arracher le masque à Frère Melchior ne manquent pas. On peut citer pêle-mêle, qu’il a été pendant longtemps et jusqu’à ces dernières années, un homme politique d’un activisme légendaire. Entre-temps, il est devenu un mystique, ce qui est loin d’être anodin. En effet, en affirmant lui-même : « les préoccupations auxquelles, par réflexion, échanges et conseils je souhaite me consacrer, précisément sous le nom de « Frère Melchior » concernent notamment le sens des valeurs de renoncement (la croix), du don de soi et du partage  de gouvernance dans la gouvernance de nos sociétés .. », on a cru comprendre qu’il avait pris sa retraite politique. Or, on s’est aperçu lors de la dernière présidentielle, que sa nouvelle situation ne l’a nullement empêché de jouer un rôle de premier plan, notamment en mouillant le maillot, pour un des candidats à la magistrature suprême. En réalité, il a continué et continue, sans aucun doute, de tirer les ficelles à l’abri des regards trop curieux pour ne pas dire indiscrets, sous son manteau de Frère Melchior.

Quel est donc ce personnage haut en couleur à qui tout ou presque tout semble avoir réussi et pour combien de temps encore ? Présentement, son fonds de commerce a pour nom « La Paix par un autre chemin ». Il joue à fond cette carte qui lui ouvrira peut-être un jour, la voie vers le Nobel de la Paix ?  Car depuis quelque temps, il lorgne du côté du Gabon en raison de l’incertitude qui plane sur l’issue d’un processus électoral décisif pour l’avenir politique de ce pays. Quel est ce politique en qui tout transpire : la curiosité, la ruse, la perspicacité, l’intelligence et pour tout dire, l’activisme ?

Pour le savoir, il faut lui arracher son masque. D’où le titre de Albert Tévoédjrè / Frère Melchior : PERSONA FICTA. En effet, nous sommes en politique. Et selon Machiavel, la politique, c’est l’art de mettre et d’arracher les masques.

Une fois qu’on lui a arraché son masque, on voit bien qui est derrière. Ainsi, l’on comprend mieux lorsqu’il affirme, à la quatrième de couverture, « Je ne suis le valet ou l’esclave d’aucun pouvoir, l’otage d’aucun  réseau, d’aucun système… », il ne croyait pas si bien dire. Car, c’est lui l’homme de pouvoir, l’homme avide de pouvoir et en tous les cas, l’homme d’influence. A lui tout seul, il est un système. Il est à la tête d’un réseau. Il cherche à tout contrôler même depuis sa « retraite politique ».

Depuis l’avènement du renouveau démocratique au début des années 1990, combien de ministres n’a-t-il pas fait nommer ? A son actif, il compte au moins deux ministres des affaires étrangères, des ambassadeurs à Washington comme à Paris ainsi qu’un représentant permanent à New-York (ONU). Tout dernièrement, il a fait très fort en hissant son poulain lors de la dernière présidentielle au poste de « VICE-ROI ». En effet, malgré son faible score de 5,89% à la dernière présidentielle, grâce à son parrain (Frère  Melchior), Pascal Irénée Koupaki est pratiquement devenu l’alter ego de l’actuel chef de l’Etat. Incroyable mais vrai !

A la cérémonie de lancement officiel de « ICI c’est le BENIN », c’est l’homme en fin de parcours qui vient faire son « Petit numéro », satisfait de son parcours de vie, tant professionnel que politique. En effet, selon Machiavel, « Dans les actions de tous les hommes et en particulier des princes où il n’est pas de tribunal à qui recourir, on considère la fin ». Autrement dit, seuls les résultats comptent.

Ce jour-là, il exultait de voir grouiller autour de lui ses obligés, ses admirateurs et autres curieux qui n’ont jamais su, qui il a été durant tout son parcours de vie. En effet, « Quiconque veut paraître autre qu’il n’est est un hypocrite ». Or, « L’hypocrite porte ses vertus à la main pour les montrer, et cache dans son sein ses vices ». Il y avait majoritairement autour de lui, des crédules qui n’y ont vu que du feu, c’est-à-dire son masque,  sans jamais chercher à voir celui qui est derrière.

Mais, une fois le masque arraché, on s’aperçoit, que pour réussir le parcours qui a été le sien, l’homme a été, tour à tour, Janus, retors, intrigant pour finir comme « Ulysse », c’est-à-dire un héros négatif, « quelqu’un dont la première caractéristique depuis tout jeune, est son intelligence… Mais passé maître dans l’art de parler, il n’a utilisé son intelligence que pour tricher » ou ruser. N’oubliez pas le « Cheval de Troie » de Frère Melchior au cœur du pouvoir actuel ! Car, ce n’est pas pour rien qu’il proclame, à la page 61 : « Et maintenant, je me sens libre et soutenu. »

Que dire de son patrimoine ?

Plus que le contenu du patrimoine, c’est la façon dont celui-ci a été constitué qui importe. C’est un héritage en trompe l’œil qui nous est proposé. Il est par conséquent indispensable d’examiner de plus près, certains aspects abordés dans l’opuscule, en particulier les trois suivants :

1) Le pardon à tous  

Après nous avoir servi « le peuple sait pardonner » à la page 26, l’auteur revient à la charge cette fois-ci à la page 50, en écrivant « La voie est ainsi ouverte pour « le pardon à tous », pour l’extinction de la folle « inimitié à vie ». Le 6 avril, le gouvernail sera transmis dans la dignité. Bravo ! »

Pourquoi donc cette insistance sur le pardon ? Il ne fait aucun doute que ce pardon concerne, tous ceux qui ont pillé durant les deux quinquennats de Boni Yayi le patrimoine de l’Etat (deniers publics et domaine foncier confondus). Or, il se trouve que Frère Melchior qui était  déjà aux affaires, comme membre du gouvernement au début des années 1960, est très mal placé pour parler de pardon, autrement dit encourager l’impunité. En effet, il sait très bien que le premier dahoméen à avoir détourné des fonds publics n’a jamais été sanctionné, puisque protégé par les siens. Aux dernières nouvelles, ce compatriote serait encore en vie. C’est ainsi que le signal de l’impunité a été donné.

La loi d’immunité personnelle accordée à Kérékou au lendemain de la Conférence Nationale de février 1990 a permis, à tous ceux qui ont commis des malversations financières sous le régime du PRPB, d’échapper à toutes poursuites. Le Général ne pouvait être cité à comparaître devant un tribunal, ni comme complice, ni comme auteur ou co-auteur. C’était tout simplement un encouragement à continuer de piller les biens de l’Etat.

Insinuer avec insistance sur un pardon accordé à tous les pilleurs de notre économie nationale, entre 2006 et 2016, c’est vouloir tout simplement encourager l’institutionnalisation de l’impunité dans notre pays.

Frère Melchior a tout simplement oublié, il n’y pas si longtemps, qu’il a été l’inventeur du minimum social commun (MSC). C’est justement faute de mobilisation de ressources attendues, que le MSC n’a pu atteindre globalement ses objectifs. Car, seuls, les dix villages retenus ont vu un début d’exécution, sur les près de 5300 que compte le Bénin.  Dans ces conditions, est-ce responsable de suggérer qu’on ne demande pas des comptes à tous ceux qui ont trempé dans les nombreux scandales connus sous Boni Yayi comme le fait Frère Melchior  ? Ce qui importe pour Frère Melchior, c’est d’avoir tiré son épingle du jeu, en devenant en juillet 1999, Coordonnateur du Projet « Millénaire pour l’Afrique » sous l’égide des Nations Unies,  justement grâce à son MSC.

Aux dernières nouvelles, dans son nouveau fonds de commerce baptisé « La paix par un autre chemin », dans le cadre du Dialogue interreligieux et interculturel, le MSC devient « Minimum Social Commun d’authentique développement pour les citoyens dans chaque pays d’Afrique et du monde », alors qu’il n’a pas pris au Bénin. BRAVO l’Artiste !

2) Nous avons vaincu la fatalité !

Depuis la fin de la Conférence nationale de 1990, « Nous avons vaincu la fatalité » est devenue, pour Frère Melchior, une obsession qui rappelle celle de Caton : « Carthago delenda est »,  (Carthage doit être détruite). Ce qui amène naturellement à se demander, si le nouveau chef de l’Etat et Frère Melchior sont sur la même longueur d’ondes, lorsqu’ils parlent de fatalité ? En effet, page 93, on lit : « Au travail, mes amis ! Nous avons vaincu la fatalité ! » (Albert Tévoédjrè, 28 février 1990). A la suite, on lit : « Ensemble, nous vaincrons la fatalité. » (Patrice Talon, 6 avril 2016). Pour le premier, c’est chose faite. Tandis que pour le second, elle reste à faire.

Ce qui est sûr, c’est que si fatalité il y a, elle ne peut avoir qu’un seul nom : l’impunité qui nous colle à la peau comme une malédiction depuis notre indépendance…

3) On peut devenir saint en faisant la politique !

Curieusement, la page 97 où figure la coupure de presse avec la mention « Simplement François », ne figure pas au sommaire. Simple oubli ou manœuvre de l’auteur ? Nul ne le sait. Toujours est-il, que le Pape François y affirme : « On peut devenir saint en faisant la politique ». Mais il ne suffit pas de faire la politique pour devenir un saint. C’est pourquoi, il n’ a pas manqué d’ajouter : la propre, la bonne. Et quid des miracles ? Frère Melchior pense-t-il faire la bonne politique, la propre en suggérant, ou mieux en encourageant, les dirigeants en place à ne pas poursuivre tous ceux qui sont impliqués dans les différents scandales connus entre mai 2006 et avril 2016 ? Alors que, pour la première fois dans notre pays, nous disposons d’une charte de fonctionnement du gouvernement pompeusement baptisée « Les dix commandements » de Boni Yayi datant du 5 mai 2006.

Ceci est-il conforme au partage de gouvernance dans la gouvernance de nos sociétés qui est au cœur des préoccupations auxquelles dit se consacrer désormais, Albert Tévoédjrè en devenant Frère Melchior ? Si oui, Frère Melchior ne peut être crédité d’une erreur de bonne foi car celle-ci est de toutes, la plus impardonnable. De sorte que, si dans les mois et années à venir, des poursuites ne sont pas engagées pour établir les responsabilités et sanctionner conformément aux textes en vigueur dans notre pays, les personnes impliquées dans les différents scandales de ces dernières années, on pourra alors dire à Frère Melchior : « Votre rôle est fini. Allez donc à la place qui est la vôtre dans les poubelles de l’histoire » de notre pays !

Au total, qui voudra recueillir l’héritage d’un violeur de foule ? D’un politicien aussi retors que Frère Melchior qui milite au vu et au su de tous, pour l’institutionnalisation de l’impunité dans notre pays ?  Quelqu’un qui place ses intérêts personnels au-dessus de ceux du plus grand nombre ?

A un moment où, au Brésil, l’ancien président Lula da Silva vient d’être inculpé pour corruption et blanchiment d’argent, et la présidente Dilma Rousseff destituée pour avoir maquillé les comptes publics, le président Patrice Talon peut-il ignorer l’impérieuse nécessité d’enrayer définitivement l’impunité dans notre pays ? La réponse est NON ! Il devra alors se faire violence et se résoudre à jouer à Colin-maillard, en (se) disant à haute et intelligible voix « Alugbá wxe gban’to, N’mo to ví o na wlí, N’mo no vi o na wlí, E sun gbãgbã do mę dé tà mę ».  Car, à cause de la prescription, plus ça tarde, moins ça vaut !

Depuis 1960, la jeunesse de notre pays est à la recherche d’un modèle et ne l’a toujours pas trouvé. Je suis sincèrement désolé pour tous ceux qui voient en Albert Tévoédjrè/Frère Melchior, une icône guidant le peuple ou un recours ultime. Il ne peut malheureusement pas être ce modèle.

A tous les jeunes qui ambitionnent d’avoir de bonnes qualités intellectuelles pour réussir leur carrière, on ne peut que leur conseiller d’écouter le père Gabriel Kiti qui disait aux jeunes écoliers : « Mes enfants, mes enfants, buvez la science, buvez-là à longs traits, c’est votre salut. C’est votre avenir ».

Pour finir, qu’il me soit permis, de suggérer la formule suivante, qui, selon moi, irait à Frère Melchior, comme une paire de gants : « Chaque bête féroce cache l’arme avec laquelle elle blesse : ainsi le serpent se dérobe sous l’herbe ; l’abeille porte dans sa bouche et la cire et le miel, et renferme dans son sein son petit aiguillon ; la panthère détourne son horrible face, et ne montre que son dos orné de vives couleurs. C’est ainsi que tu (Frère Melchior) montres un visage compatissant, mais que tu caches dans ton sein un cœur impitoyable« .  

Paris-Ile-de-France, le 08 septembre 2016
Emilien d’ALMEIDA, msa

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