Je brime, nous brimons…

Brimer. Le dictionnaire répond : soumettre quelqu’un à des vexations, à des tracasseries, à des contraintes. Les Fons traduiront à peu près par « Mê tafou ». Nous avons reçu un groupe de jeunes compatriotes.

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Ils n’ont pas pris de gants pour dire haut et fort leur préoccupation. « La moindre parcelle de pouvoir concédée à un Béninois, soutiennent-ils, devient vite en ses mains un gourdin. Il s’en sert pour mater ses frères et sœurs, pour terroriser ses compatriotes (Fin de citation).

Les prémices à nos échanges étant ainsi posées, nos interlocuteurs ont tout l’heur pour conclure leur propos. « Le Béninois est foncièrement méchant. Le mal béninois a nom « Béninoiserie ». L’idée de « Béninité » que vous essayez de défendre et de promouvoir ne peut prospérer. » (Fin de citation)

Rien n’autorise nos jeunes amis à se montrer aussi catégoriques. On ferait, cependant, économie de vérité si l’on ne leur donnait pas raison. Ils ont dit tout haut ce que nous couvrons de nos silences complices. Et ils l’ont fait avec une sincérité touchante, avec une spontanéité naturelle. Il faut voir dans ce jaillissement un privilège. C’est l’apanage de la jeunesse.

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Dans nos hôpitaux et centres de santé que de brimades gratuitement exercées sur des patients par un certain personnel soignant ? Comme si le patient était un malfrat. Comme si ce malfrat venait expier ses fautes dans les mains assassines de ses bourreaux. Il arrive qu’on ignore le malade, qu’on le rudoie, qu’on l’insulte, qu’on le prive de soins, qu’on l’abandonne à son sort.

Dans l’administration, le citoyen-client est en butte à des brimades sans nombre. Tout commence à l’accueil. Il est froidement reçu. S’ensuit un éprouvant et harassant parcours du combattant. Une véritable épreuve de patience, d’endurance, de pressions en tout genre. Sur le corps. Sur l’esprit. Sur le porte-monnaie aussi. Un tout premier rendez-vous étant rarement suffisant pour qu’il ait satisfaction, le citoyen-client est sommé de revenir. On lui fera boucler le reliquat de son cycle de brimades.

Dans les établissements scolaires, des maîtres règnent sur l’esprit et le corps de leurs apprenants. Le terrorisme du savoir s’additionne au chantage des notes. Et qui ose résister à l’injonction du petit tyran du coin ou qui refuse de passer à la caisse, paye cash son impertinence.

Ces quelques exemples sont assez illustratifs d’un mal récurrent, persistant. Il faut le concéder : il y a des brimades, ici et là, au Bénin. Comme on en dénombre partout ailleurs, en tous pays, dans le monde entier. Ce mal qu’ont décrié nos jeunes interlocuteurs et qu’ils ont emballé sous la l’appellation de « Béninoiserie » est, avant tout, un mal humain. C’est en cela qu’il est universel. Des hommes briment d’autres hommes, dans tous les pays, sur toute la surface de la terre, depuis la nuit des temps. Et il en sera toujours ainsi.

Mais le mal n’est jamais isolé. La mal coexiste avec le bien. Le mal chemine avec le bien. Si le monde n’est pas peuplé que de saints, on doit bien admettre que ce n’est pas le diable, dans ses œuvres sataniques, qui règne sur tout, qui régente tout. Des hommes et des femmes de bien existent. Ce n’est pas une vue de l’esprit. Les épines ne coexistent-elles pas avec les roses ?

Il faut savoir raison garder. C’est sûr, le mal est plus visible que le bien. C’est vrai, le mal fait mal. On le ressent dans son corps, dans son cœur. L’homme, conformément à sa nature, aime les bonnes choses. Il accueille le bien comme allant de soi, comme un don de la nature, comme un dû. Aussi n’en parle-t-il pas. C’est ce qui nous arrive, en ce moment. Qui se plaint encore du délestage hier unanimement et quotidiennement décrié ? Nous l’avons presque oublié !

S’il en est ainsi, pris en sandwich que nous sommes entre le mal qui sévit et le bien qui n’est jamais loin, quelle doit être notre mission ? D’un mot, c’est de faire triompher le bien sur le mal. C’est de combattre de toutes nos forces la « Béninoiserie ». C’est de faire triompher la « Béninité », à comprendre comme l’ensemble de nos valeurs de vie. Ou encore comme la somme de ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous. Engageons positivement l’avenir : nous tenons en nos mains les matériaux nécessaires pour construire le Bénin de nos rêves.

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