Bénin : Fulbert Amoussouga parle des réformes et défis de l’enseignement supérieur

Le professeur Fulbert Amoussouga Géro a, ce vendredi 7 octobre 2016 lors de sa conférence inaugurale de la rentrée académique solennelle 2016-2017, fait un état des lieux des crises dans l’enseignement supérieur au Bénin et a rappelé les initiatives de réformes et les résultats obtenus avant de soulever les défis qui attendent l’Université béninoise.

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Les universités béninoises jouent-elles leur rôle dans le processus de développement du pays ? Sont-elles prêtes à satisfaire les besoins de formation et de recherche qu’exige la transformation de l’économie ? Doit-on les repenser ? Et dans l’affirmative, quels sont les constats, les initiatives  cruciales déjà entreprises, celles à prendre   et les défis qu’elles soulèvent ? La présente conférence tente d’apporter des réflexions et des  essais de réponses à ces différents questionnements en se plaçant sur la période d’avant 2016. L’exposé est organisé autour de trois centres d’intérêt :

– L’état des lieux des crises de l’enseignement supérieur

– Les initiatives de réformes et résultats

– Les solutions et défis

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Etat des lieux des crises de l’enseignement supérieur

L’université moderne est une institution récente au Bénin. Elle remonte à la création de l’université nationale du Bénin en 1969, aujourd’hui université d’Abomey-Calavi. Faisant partie de la deuxième génération d’universités africaines engendrée par le nationalisme universitaire et connu sous le vocable d’universités nationales, elles ont été créées après celles à vocation régionale de Dakar, d’Abidjan, de Yaoundé, etc., mises en place par le colonisateur et inspirées de son modèle aussi bien dans le  fonctionnement que dans la gouvernance (Denef et Mvé-Ondo, 2014).

Tirant partie des résolutions des années 1961 et 1962 de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), érigeant l’éducation en un instrument de développement, et reconnaissant également à chaque Etat membre la spécificité et la particularité de leurs problèmes;  l’Université Nationale du Bénin va avoir pour ambition de devenir l’acteur primordial de la nation béninoise. Elle devrait contribuer à la naissance de sa souveraineté nationale dans tous les domaines.

A l’épreuve des faits, l’Université Nationale du Bénin n’a cessé depuis les années 80 de traverser une crise profonde et durable, résultant elle-même de la conjonction de trois séries de crises majeures :

– Les crises des années 80 engendrées par le resserrement drastique des contraintes budgétaires consécutif aux politiques d’ajustement structurel. L’enseignement supérieur, priorité de l’Etat a été contrecarré par le discours des partenaires au développement, notamment la Banque Mondiale. Il est critiqué la disproportion énorme entre les ressources allouées à l’enseignement supérieur et celles allouées au primaire. Priorité est donc  donnée à la scolarisation universelle, considérée comme le seul moteur du développement. L’université nationale du Bénin passe dès lors du statut de solution au problème de développement à celui d’élément central de ce problème.

Ses formations sont alors considérées comme inadéquates au contexte économique. Ce n’est qu’à partir des pressions des pays du sud insistant sur la recherche et le transfert de technologie que la Banque Mondiale va revenir sur ses positions et reconsidérer l’Enseignement Supérieur comme un acteur du développement.

– Les crises des années 90 liées au problème d’adaptation au nouveau contexte politique et économique du Bénin, caractérisé par le renouveau démocratique, le libéralisme économique, la politisation des campus, les revendications syndicales et estudiantines, les grèves et les années blanches.

– Les crises des années 2000 liées au problème d’explosion des effectifs des étudiants et la raréfaction des moyens au niveau de l’Etat lié à des chocs externes et internes ont conduit à la création d’universités de troisième génération et à la mise en place d’une nouvelle carte universitaire.

De ces différentes crises, il ressort les effets distributifs négatifs ci-après :

La détérioration de la pertinence et de la qualité de la formation et de la recherche. En ce qui concerne la formation, elle est due à l’absence de cadre conceptuel d’élaboration des programmes de formation privilégiant une vue d’ensemble du parcours éducatif et de conception intégrée de toutes les matières. Les programmes de formation sont dans des cas des transferts de programme de formation du Nord sans une adaptation aux réalités locales. Quant à la recherche, ses thèmes ne répondent pas toujours au souci de rendre service à la cité mais favorisent la promotion académique des enseignants sur la base de thèmes étrangers à leur environnement.

La dégradation des infrastructures et des équipements, est due à la conjonction de l’insuffisance du financement des coûts récurrents, à la non application du numerus clausus et à l’explosion des effectifs d’étudiants. Au total, les responsables de l’enseignement supérieur se sont attachés à répondre au besoin d’exploitation immédiate, négligeant ainsi l’indispensable maintenance des locaux.

L’insuffisance du matériel pédagogique et de recherche ; limitant ainsi les enseignants dans l’exercice de leurs fonctions : à savoir, créer, enseigner, rendre service à la communauté universitaire, rendre service à la cité et participer au rayonnement international de l’université.

Le net recul du coût de formation par étudiant, un phénomène aggravé par la mauvaise utilisation des ressources disponibles du fait de la part prépondérante accordée aux dépenses sociales des étudiants. En effet, si ces dépenses ne représentent que 6% des dépenses de fonctionnement en Asie et 14% dans les pays de l’OCDE, l’aide aux étudiants compte pour 11% des dépenses en Europe centrale et 20% au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Amérique latine. En Afrique francophone, les allocations extra-éducatives absorbent en moyenne 55% (Bénin 60%) du budget total alloué aux universités contre 15% en Afrique anglophone (Banque mondiale, 1995). Il s’agit là d’un financement régressif qui enferme l’enseignement supérieur dans un cadre vicieux de contre performance et de violence.

La prolifération d’établissements dits professionnels issus généralement de la fragmentation des facultés mais sans mission et valeur différentes de ces dernières, avec une forte redondance des programmes. Un véritable choix de partenariat de relation universitaire-entreprise, susceptible de régler les problèmes de professionnalisation et de chômage est quasiment inexistant.

Tous ces éléments de crises ont œuvré à :

  • des grèves récurrentes d’étudiants et d’enseignants ;
  • la confrontation Etat, enseignants et étudiants ;
  • des années blanches ;
  • une mauvaise perception de l’université par la société ;
  • l’insuffisance de professionnalisation des enseignants et des personnels d’appui ;
  • l’inadéquation formation-emploi ;
  • la mise en œuvre au niveau de l’élection de l’équipe rectorale  d’une démocratie ingouvernable ;
  • l’intrusion du gouvernement dans les attributions qui relèvent de la compétence de l’université.

Au total, l’université nationale était atteinte dans tous les domaines qui constituent la vie d’une université et susceptible d’inspirer confiance à une nation. Elle a souffert de la stagnation économique des deux dernières décades, des mouvements sociaux notamment syndical, de la crise économique mondiale, des calamités (HIV), de la pauvreté, de la corruption et des désastres naturels. La gouvernance universitaire a été atteinte, qu’il s’agisse de la gouvernance politique, stratégique et institutionnelle, de la gouvernance académique, de la gouvernance administrative et de la gouvernance sociale.

Initiatives de réformes et résultats

Après un essai de diagnostic de l’enseignement supérieur, nous abordons maintenant les initiatives de réformes engagées pour permettre l’excellence universitaire. Au vue des résultats peu élogieux de l’enseignement supérieur, la question n’est plus de savoir si l’on est pour ou contre des réformes, mais quelle stratégie de réforme et quel cadre mettre en place pour remédier au problème existant et s’adapter aux modifications de l’environnement externe à l’université.

S’il ne fait aucun doute que le besoin de changement est bien perçu par tous les acteurs de l’université, les réformes mises en œuvre ont été pour la plupart imposées à l’université par l’autorité ministérielle ; avec des méthodes et des moyens qui portent à croire qu’il s’agit de changement unique (coup de barre du navigateur) alors même que les faits suggéraient un changement progressif et continu.

Ainsi les réformes dans l’enseignement supérieur béninois, loin de refléter les capacités des universités à se transformer elles-mêmes pour promouvoir le développement, se sont concentrées sur des actions conjoncturelles au lieu d’action structurelle. Il est donc instructif d’analyser ces changements conjoncturels à travers les réformes entreprises, ainsi que leur gestion.

 A/ Survol des réformes

Les réformes opérées loin d’être systémiques, sont des changements uniques autrement des coups de « barre du navigateur », et portent sur :

– L’ouverture de l’enseignement supérieur au secteur privé ;

– La redéfinition de la carte universitaire et le fonctionnement d’universités  dans les départements ;

– L’intégration de l’enseignement supérieur béninois dans le système mondial de l’enseignement supérieur en construction (le système académique LMD) ;

– De réformes peu ambitieuses de la gouvernance.

L’ouverture de l’enseignement supérieur au secteur privé

A l’image des pays de l’espace CAMES, le Bénin a réagi à la crise de l’enseignement supérieur public en mettant en place une politique de financement privé de la formation, tenant compte des limites du financement public. L’idée étant que l’émergence des établissements privés peut constituer un moyen de participation efficace du secteur privé au financement du coût de la formation. L’Etat peut ainsi desserrer sa contrainte financière et améliorer la qualité de l’enseignement supérieur, en mobilisant une fraction importante des fonds auprès des étudiants dont les familles ont souvent les moyens de contribuer au coût de formation. Enfin, il est aussi admis que les établissements privés de l’enseignement supérieur peuvent répondre avec efficacité et souplesse à l’évolution de la demande et offrent de nombreuses possibilités de formation sans coûter grand-chose au pouvoir public.

Ainsi sur la période 2007 à 2013, les effectifs d’étudiants dans ces établissements privés ont évolué mais de façon irrégulière comme le montre le tableau suivant.

Tableau N°1 : Evolution des effectifs des étudiants de 2005-2006 à 2012-2013 dans les établissements privés d’enseignement supérieur.

 

Années

Féminin

Masculin

Total

Taux de croissance (en %)

2007-2008

6454

9785

16239

 

2008-2009

8744

11694

20438

25,86

2009-2010

11029

16628

27657

35,32

2010-2011

10615

14365

24980

-9,68

2011-2012

5380

8027

13407

-46,33

2012-2013

4 958

8 041

12999

-3,04

 

Source : INSAE, 2015

  1. Les données de 2011-2012 et 2012-2013 sur les étudiants du privé sont à prendre avec pincette. En effet, pour ces deux années, les Etablissements privés n’ont pas fourni les informations comme cela se doit.

L’émergence des universités de troisième génération

A partir de 2001, et consécutivement à l’explosion de l’effectif des étudiants, le Bénin s’est lancé dans la création d’universités et centres universitaires de troisième génération. Ainsi, sur la période 2001 à 2014, l’effectif d’étudiants à l’UAC est passé de 23646 à 108943 soit une augmentation de 360% sur la période, et un taux d’accroissement annuel moyen de 22.42%. Notons que  l’effectif des filles sur la même période est passé de 5071 à 26 609 soit un taux d’accroissement de 424% et un taux annuel moyen de 11,1%, contre respectivement 343%, et 20,4% pour les garçons.  Cette situation contraste avec l’effectif adéquat attendu d’une université performante qui devrait se situer autour de dix sept à vingt mille étudiants.

 

Années académiques

Féminin

Masculin

Total

Taux de croissance

2001-2002

5071

18575

23646

 

2002-2003

6179

22894

29073

22,95%

2003-2004

6428

23798

30226

3,97%

2004-2005

7054

25530

32584

7,80%

2005-2006

8952

30745

39697

21,83%

2006-2007

10609

35663

46272

16,56%

2007-2008

9563

34321

43884

-5,16%

2008-2009

12484

42373

54857

25,00%

2009-2010

17030

53852

70882

29,21%

2010-2011

17392

56638

74030

4,44%

2011-2012

2448

59391

61839

-16,47%

2012-2013

22409

74739

97148

57,10%

2013-2014

26609

82334

108943

12,14%

2014-2015

23175

68234

91409

-16,09%

 

Les universités de 3ème  génération  créées ont pour caractéristique de s’établir dans les départements. L’Université de Parakou a été le premier à voir le jour avec comme objectif d’une part de contribuer à contenir l’explosion des effectifs et d’autre part de servir de modèle à ce que pourrait être une université de troisième génération. Cinq (05) autres universités ont été crées à savoir l’université de Kétou spécialisée dans l’agriculture, l’Université Polytechnique d’Abomey, l’Université de Natitingou, l’Université de Lokossa et l’Université de Porto-Novo. De cinq (05) universités de 3ème génération  qu’elles étaient au début de 2015, elles ne sont aujourd’hui que deux (02). Ainsi pour créer les cinq nouvelles universités de  3ème génération (thématiques) autrement pour élaborer la nouvelle carte universitaire, un certain nombre de critères et objectifs ont été ciblées (Bogniaho et Quenum, 2011). Il s’agit de :

– L’existence d’un bassin scolaire produisant des bacheliers (on tient compte du type de BAC dans la création des formations) ;

– La prise en compte, autant que faire se peut, des pôles de développement identifiés par l’Etat ; ces pôles étant eux-mêmes liés aux potentialités économique, culturelle, agricole, hydraulique, minière et touristique des régions ou conglomérats de régions élues ;

– Les préoccupations vitales du pays ou tout au moins de la zone d’accueil ;

– L’existence de domaine pouvant accueillir décemment le centre universitaire/université ;

– L’accessibilité de la zone (les voies linéaires bitumées, les pistes de desserte rurale, les moyens de transport, etc.) ;

– La viabilité de la zone (existence d’eau courante, d’électricité, de téléphone, etc.) ;

– La volonté politique et la forte implication des élus locaux ;

– La déconcentration des deux universités existantes (université d’Abomey –Calavi et université de Parakou) ou la maîtrise des flux ;

– L’existence d’un tissu économique ou industriel au moins embryonnaire, etc.

Quel que pertinent que puisse paraître cette politique, puisqu’elle a contribué de façon certaine à limiter la pression qu’exerce l’explosion des étudiants sur la seule université nationale qu’était auparavant l’UAC, elle n’a cependant pas réussi à se situer au cœur du développement des régions d’implantation et   prendre la pleine mesure des contextes. N’ayant pas fait l’objet d’une planification stratégique, rigoureuse reposant, sur la définition des valeurs attendues, des missions, l’intégrité-cohérence, l’efficacité et  l’analyse-évaluation, ces universités n’ont pu confirmer les attentes du fait d’importantes préoccupations. Ces préoccupations interpellent les gestionnaires de l’enseignement supérieur sur la formation et ses conditions matérielle, sociale et économique, sur l’existence et la viabilité des structures décentrées auxquelles en dehors des universités elles-mêmes, l’Etat délègue le pouvoir de l’assumer.

Enfin, la déconcentration des universités par la politique des centres universitaires mériterait d’être bien pensée pour éviter la délocalisation des tares des anciennes universités. Dans cette perspective, la gestion des flux par numerus closus était censée garantir des effectifs optimaux et minimiser ce risque.

Au total, faute d’une bonne planification stratégique, le fonctionnement des universités émergentes n’a  pu confirmer toutes les attentes. En outre,  leur corps d’enseignants embryonnaire a induit des externalités négatives sur  l’université d’Abomey-Calavi en attirant de nombreuses missions d’enseignants non coordonnées

L’intégration de l’enseignement supérieur béninois dans le système mondial de l’enseignement supérieur en construction (LMD)

Le Bénin dont le système d’enseignement supérieur est réputé très proche de la France a réjouit par résolution CAMES (avril 2006) et la directive UEMOA (2007) s’est engagé dans la reconfiguration des programmes universitaires et l’organisation des universités et écoles suivant le modèle académique LMD.

Cette réforme a une vision, celle de l’Union Africaine : la création d’un espace africain de l’enseignement supérieur désenclavé, harmonisé et rénové, mais tenant compte des contextes historiques, économiques et sociaux des pays. Les stratégies dépendent des spécificités de chaque sous-région, l’accent étant mis sur la concertation à l’échelle sous-régionale et la perspective d’aboutir un jour à un système de crédits d’évaluation capitalisable et transférable sur l’ensemble de l’espace CAMES.

Le système LMD a vocation de devenir le référentiel international commun de la totalité de l’offre de formation supérieure. L’harmonisation des systèmes d’évaluation constitue le seul moyen qui puisse garantir l’internationalisation des diplômes et assurer la mobilité prônée par la réforme. Il s’agira de redéfinir le processus d’évaluation des projets de formation des établissements d’enseignement supérieur et la façon de les habituer à délivrer des diplômes. L’évaluation du système universitaire suppose également que toutes les parties prenantes de l’apprenant au citoyen, disposent d’éléments objectifs pour vérifier son bon fonctionnement.

De réformes peu ambitieuses de la gouvernance administrative

Les universités béninoises sont restées dans des postures d’une époque révolue avec un cadre de gouvernance obsolète où l’Etat est le seul responsable. Autrement dit, elles ne sont pas autonomes et la tendance de la tutelle politique à réagir au moyen d’une « dictature d’urgence » n’a pas facilité la bonne gouvernance académique de l’université. On explique ainsi le fait que la sélection et la répartition des étudiants sont l’œuvre du ministère de tutelle.

Des réformes ont été entreprises en introduisant l’élection des dirigeants académiques de l’université. Les Recteurs, Vice-recteurs et les Doyens et Directeurs sont élus et nommés par décret pris en conseil des ministres.

B/ Résultats des réformes

Le tableau ci-après retrace le panorama des établissements d’enseignement public et privé consécutivement à la mise en œuvre des réformes sur la période 2009 à 2016

Tableau N°3 : nombre d’établissements selon le statut de 2009-2010 à 2015-2016

Années académiques

2009-2010

2010-2011

2011-2012

2012-2013

2013-2014

2014-2015

2015-2016

Universités publiques

2

2

2

2

4

4

7

Universités privées

7

7

7

7

7

7

7

Entités universitaires publiques

33

37

38

39

58

58

58

Entités universitaires privées

35

35

35

35

36

36

36

Universités publiques + Entités universitaires publiques

35

39

40

41

62

62

65

Centres privés d’enseignement supérieur

64

69

74

82

88

93

96

Entités universitaires privées+ Centres privés d’enseignement supérieur

99

104

109

117

124

129

129

Total Public + Privé

134

143

149

158

186

191

194

Source : INSAE, 2015

Les Entités universitaires privées et Centres privés d’enseignement supérieur ont considérablement progressé sur la période 2009 à 2016. De 99 entités sur un total de 134 en 2009-2010,  leur nombre est passé à 194 en 2015-2016 contre respectivement 35 et 65 pour le secteur public. Il y a manifestement là un défi pour l’Etat, celui de l’organisation des deux ordres d’enseignement dont il a la responsabilité au supérieur.

S’agissant du secteur privé, malgré sa contribution appréciable à la résolution des problèmes de massification des effectifs dans l’enseignement public et l’adaptation de ses offres à la demande, du chemin reste à parcourir si l’on se réfère à certains effets néfastes qu’il engendre.

En effet, un secteur privé viable dans l’enseignement supérieur suppose des politiques, un cadre législatif qui comprennent des mécanismes d’habilitation, de suivi et d’évaluation. Ce cadre fait actuellement défaut au Bénin ou fonctionne mal. De fait, trois risques ont été identifiés:

– Premièrement, les établissements privés sont souvent perçus comme des établissements de second rang. Certains se sont adonnés au mercantilisme,  conduisant à une course et donc  à la prolifération. Ne dit-on pas qu’en affaire, on n’investit pas pour perdre ? Cet adage est de règle dans l’enseignement supérieur privé au point de voir des domiciles privés transformés en campus universitaire.

La relève du défi de crédibilité conjointement à la nécessité d’une reconnaissance des diplômes délivrés conduit généralement certains promoteurs à entretenir un partenariat factice avec des établissements du Nord pour la plupart publics, dont les responsables (Recteurs, Doyens, Directeurs, etc.) sont savamment mis à contribution dans des opérations de marketing tendant à soutenir dans l’opinion publique que lesdits établissements sont des délocalisations des établissements partenaires et que l’assurance qualité y est. A ce stade, se posent donc une question de fond : Peut-on faire délivrer sous prétexte de délocalisation des formations du Nord, des diplômes d’établissements publics supérieurs du Nord alors même que le personnel enseignant reste largement non qualifié ?

– Deuxièmement, le développement des établissements non universitaires privés comporte des risques de dérive académique. On compte dans de nombreux cas, des établissements non universitaires qui se sont détournés de leur mission de formation d’origine pour prétendre au rang d’universités à part entière. Ce qui va à l’encontre de leurs objectifs, qui consistaient à offrir d’autres possibilités d’éducation.

– Troisièmement, le développement des établissements privés du supérieur, en l’état actuel de rareté de ressources humaines propres à eux, peut compromettre l’efficacité du système d’enseignement supérieur dans son ensemble. L’enseignement privé attire un corps enseignant dont il ne pourrait pas bénéficier s’il devait le rémunérer à plein temps et à un tarif compétitif. Il existe de ce fait des risques pour les étudiants de nos universités publiques. Ces risques peuvent s’analyser en termes de restriction de leur accès aux enseignants en dehors des heures de cours, soit en termes d’irrégularités ou de retards fréquents des enseignants au cours, soit enfin en termes de négligence de la recherche au niveau des enseignants consécutivement à une charge trop lourde dans le privé. Toutes choses qu’une autonomie réelle de l’université publique devrait pouvoir résoudre.

Il est important de reconnaitre ici que la plupart de ces établissements privés ne disposent pratiquement pas d’enseignants qualifiés, et vivent généralement soit en ayant recours au corps professoral de l’enseignement supérieur public, soit en utilisant un corps enseignant non qualifié pour les niveaux de formation concernés et constitué en grande partie de professionnels. Une telle perception relève généralement de la confusion que la plupart des établissements d’enseignement supérieur privés entretiennent à propos de la professionnalité et de l’opérationnalité. La professionnalité s’organise selon trois axes (Vincens et Chirache, 1992) : i) Clarté : le domaine d’activité visé doit être bien identifié ce qui ne veut pas dire qu’il est étroit ; ii) Consensus : il y a une forte convergence des attentes des étudiants, des employeurs et des enseignants sur l’emploi visé et sur la capacité de l’occuper ; iii) Confiance : le seuil de certification est élevé, la quasi-totalité des diplômés sont capables d’occuper l’emploi. Une formation qui satisfait ces trois critères a un degré élevé de professionnalité qui, par conséquent, ne dépend pas, dans son principe, de la participation à l’enseignement ou du volume de stage.

La professionnalité n’est pas synonyme d’opérationnalité, laquelle se réfère à l’aptitude à tenir immédiatement l’emploi. Une formation peut être considérée comme bien professionnalisée même si un temps non négligeable d’apprentissage est requis. La professionnalité est liée à la situation d’une filière de formation sur le marché du travail. Une bonne professionnalité n’est pas compatible à long terme avec un excès d’offre de diplômés par rapport à la demande, dans le court terme, certainement. A long terme, l’excès d’offre altèrerait la clarté et le consensus. De même, la rareté entretenue accroît le consensus et la confiance. La prolifération d’établissements d’enseignement supérieur privés au Bénin ainsi que la concurrence qui s’exerce entre eux ne permet pas toujours d’éviter l’écueil d’excès d’offre.

La confusion établie en professionnalité et opérationnalité dans l’enseignement supérieur privé est aggravée par la quasi-absence d’un processus de certification des formations. De façon générale, une certification a deux composantes. D’une part, elle suppose des référentiels, qui sont des caractéristiques, des qualités, des propriétés, mesurées de manière cardinale ou ordinale. D’autre part, elle est une attestation crédible que l’individu (ou le bien, le service…) possède ces caractéristiques. Les modalités d’examen ont un lien souvent étroit avec la crédibilité de l’attestation (Girod de l’Ain, 1994). Le mode de certification reflète souvent le degré d’organisation du cursus sous un double aspect : celui de la localisation des plus grandes difficultés, en début ou fin de cursus (Vincens et Krupa, 1994) et celui du caractère plus progressif de l’acquisition des savoirs. Un système de certification par unités de valeur pourrait être satisfaisant si l’ordre d’acquisition de ces unités était fixé, si les unités les plus difficiles étaient au début du cursus et si chacune faisait appel aux savoirs et méthodes acquis grâce aux précédentes unités.

Dans la plupart des cas, il faut reconnaitre que les structures de gouvernance des établissements privés les prédisposent à des crises administratives et financières, en particulier à cause de la subordination de ces structures aux promoteurs qui dans leur grande majorité font souvent du mercantilisme éducatif. De fait, ces établissements ne disposent pas souvent de professionnels possédant de compétences et une expérience en matière d’administration universitaire, de gestion de l’information et de décision concertée.

Du côté de l’enseignement supérieur public, l’examen de l’évolution des effectifs du corps enseignant des universités publiques et du budget de l’Etat consacré à l’enseignement supérieur montrent que sur la période 2007 à 2015, l’effectif net des enseignants a connu une augmentation de 39,29%. Malgré cette amélioration,  le taux d’encadrement des étudiants pour les universités pris globalement n’a cessé de décliner, passant de  0,02 en 2007-2008 pour s’établir à 0,01. Cette situation traduit le long chemin qui reste à parcourir en matière de recrutement d’enseignants susceptibles d’assurer un enseignement de qualité. Elle traduit également les externalités négatives des nouvelles universités sur l’ensemble du système d’enseignement supérieur consécutives à des recrutements insuffisants et à des affectations d’enseignants des anciennes universités vers les nouvelles.  

Relativement au coût brut moyen annuel de l’étudiant calculé à partir du budget alloué au ministère de l’enseignement supérieur, le coût moyen de l’étudiant sur la même période est passé de 530720 fcfa pour atteindre un pic de 708546 fcfa en 2008 avant d’amorcer une fluctuation allant jusqu’à 479 240 fcfa. Il est vrai que le budget d’un ministère peut cacher des réalités qui ne sont pas nécessairement liées au coût de l’étudiant. Bien que l’Etat ait fait l’effort de maintenir le coût annuel  moyen de l’étudiant approximativement à  585499 fcfa, ce niveau se révèle cependan, toujours insuffisant pour assurer un enseignement de qualité. A titre d’exemples, le coût annuel par étudiant dans une  faculté de médecine se situe environ à six millions (6.000.000) fcfa, en agronomie, à environ cinq millions (5.000.000) fcfa, dans les sciences pour des montants variant entre quatre millions (4.000.000) fcfa et cinq millions (5.000.000) fcfa, et dans les sciences sociales entre sept et huit cent mille. Somme toute, la formation reste toujours sous-financée malgré les efforts de l’Etat.

La gouvernance

L’université a arraché au prix d’une longue lutte l’élection de ses dirigeants. Un nombre très restreint parmi ces dirigeants élus ont fait preuve de leadership, conduisant au développement fulgurant des infrastructures, à l’épanouissement du corps enseignant et à des innovations dans les programmes de formation. Toutefois, à y voir de près le mécanisme électoral centré sur le principe d’un homme une voix, on a le sentiment que la démocratie instaurée à travers l’élection est une démocratie malheureusement ingouvernable. En effet, dans un environnement où d’énormes disparités existent non seulement entre facultés en matière d’effectifs d’enseignants, mais également entre les différentes composantes du corps professoral,  il peut être tentant pour un Recteur non soucieux de l’intérêt général d’œuvrer en faveur de l’intérêt du groupe majoritaire au prix d’un marchandage électoral. Ce principe démocratique contraste avec celui en usage dans la plupart des universités et qui privilégie le principe de collège où le nombre d’électeurs élus par les pairs par faculté est non seulement identique, mais tient compte  aussi d’une composition réservant une part majoritaire à ceux qui exercent le pouvoir académique.

Au total, peut-on conclure que ces réformes sont suffisantes pour induire l’efficacité dans la gouvernance de l’université ? A cette question, nous répondons par la négative. Les universités notamment l’université d’Abomey-Calavi ont connu au cours des quatre (04) dernières années un leadership exemplaire ayant conduit à la création d’infrastructures modernes et à la création de diverses institutions de concertation permettant la bonne gestion de la chose académique. Il convient cependant de noter que l’université n’a aucune maîtrise sur son corps enseignant qui dépend toujours de la fonction publique et subit les externalités négatives   d’une fonction publique qui ne laisse pas la possibilité à la gouvernance universitaire de prendre des décisions avec effet immédiat.

Le transfert du système académique LMD a été opéré sans tenir compte de l’environnement universitaire qui vit une crise de légitimité, crise d’identité, crise de moyen, crise de gouvernance dont les effets dévastateurs se passent de tout commentaire et que la seule réforme du LMD qui suppose des réformes de fond sur la logique des structures universitaires et leur insertion dans la vie économique ne peut résoudre (Denef et Mvé-Ondo, 2014). En appui à cette proposition, deux questions nous viennent à l’esprit : Peut-on réellement conduire avec succès le système LMD avec le mode actuel de gestion des flux caractérisée par une liberté totale d’inscription voire une gratuité des inscriptions ? Peut-on implanter avec succès le système LMD avec le laisser-aller dans la régulation des flux et la politisation des nombreuses grèves des apprenants pour revendiquer de meilleures conditions d’études ?

Qu’il soit possible ou non de répondre à ces deux questions, le fait qu’au Bénin, le transfert du système académique LMD ait été fait sans une stratégie adéquate d’introduction du changement et sans se préoccuper de son financement constitue des facteurs limitatifs de son succès en même temps qu’il pose la question de savoir si en l’état actuel de notre système éducatif ce changement était soutenable.  Ces diverses interrogations soulèvent une autre, celle de la pertinence des réformes  opérées dans la gouvernance de l’université.

Solutions et défis

Malgré les limites relevées, le système d’enseignement supérieur béninois a d’importantes forces potentielles. Il dispose d’institutions offrant des programmes de qualité, et beaucoup  de diplômés sortis des programmes occupent des fonctions importantes au plan international. Dans le domaine de la recherche, malgré la raréfaction des allocations gouvernementales, l’adhésion des chercheurs de nos universités à des réseaux internationaux a produit des résultats qui attestent de la qualité de leurs connaissances fondamentales et appliquées. Preuve est donnée par l’accueil du pôle d’excellence africaine en mathématiques basé à Dangbo. Toutefois, de nos analyses précédentes, des solutions critiques sont à envisager et appellent des défis clés à relever.

  • Premièrement, il s’agit de la question de ce que l’on devrait réellement reformer dans nos universités pour permettre à chacun de ses établissements de développer ses compétences, d’accomplir son potentiel personnel et professionnel, de faire progresser la connaissance via l’érudition et la recherche, de contribuer au succès économique et à la diversité culturelle de la nation béninoise.

Au regard du lourd diagnostic, la réforme de l’enseignement supérieur ne saurait être un simple toilettage consistant à des changements uniques. Rappelons que les principaux problèmes rencontrés par nos universités tournent autour des problèmes de gouvernance. Ils portent sur  la non maîtrise des effectifs des étudiants, la baisse de la qualité des formations, des grèves récurrentes de longue durée aussi bien des étudiants que des enseignants,   le manque de moyens consécutif à la gratuité des inscriptions et le non financement de la réforme académique LMD, des années blanches, la mauvaise perception de l’université par la société, l’insuffisance de professionnalisation des enseignants et du personnel d’appui, l’inadéquation formation – emploi,  la politisation à outrance des syndicats d’étudiants ; autrement, tous les domaines qui constituent la vie des universités. Dès lors, des réformes structurelles devraient être la règle avec comme objectif,  repenser en totalité la gouvernance,  qu’il s’agisse de la gouvernance politique, stratégique et institutionnelle, de la gouvernance académique, de la gouvernance administrative, de la gouvernance sociale ou même de la gouvernance numérique (MVE ONDO, 2012).

L’objectif de cette réforme en profondeur est d’asseoir des axes de développement, de les gérer de façon durable, sur une base consensuelle avec les parties prenantes de l’université. Ces axes sensés fonder des universités performantes devraient prendre en considération :

– l’élargissement du champ de l’enseignement supérieur, et en particulier l’introduction de la formation continue ;

– l’amélioration permanente de l’attractivité de la carrière des enseignants chercheurs  en les déconnectant du statut d’agent permanent ;

– le développement de nouveaux programmes de formation novateurs, attractifs et correspondant aux besoins de la société actuelle, tout en s’adaptant à la mondialisation à travers la mise en œuvre raisonnée du système académique LMD ;

– la maîtrise des flux d’étudiants en fixant la capacité d’accueil de chaque université ;

– le développement d’une politique institutionnelle de la recherche ;

– le développement et le renforcement de l’autonomie des universités dans un cadre législatif et règlementaire clair et stable ;

– le développement et la diversification des ressources financières ;

– le développement de la transparence et de la qualité de la gestion ;

– la promotion de l’internalisation ;

– l’augmentation de la mobilité nationale et internationale des enseignants et des étudiants ;

– le développement de partenariats stables et structurés (Denef et Nvé Ondo, 2014)

Dans la conception de ces axes  de changement, il serait bénéfique d’éviter la « dictature d’urgence » et  de laisser les entités faire preuve de leur vitalité en laissant venir des propositions de changement du terrain, notamment  des facultés et des administrations. Toutefois, les autorités doivent veiller à la cohérence de l’ensemble des réformes sans pour autant faire obstacle à ces initiatives en favorisant et en pilotant ces changements venus de la base.

Ces diverses préoccupations devraient prendre appui sur une vision qui suppose que tout établissement d’enseignement supérieur peut devenir un lieu d’excellence s’il s’engage de façon résolue dans un nouveau mode opératoire et établit une nouvelle chaîne de responsabilité, et si l’Etat accepte de jouer un nouveau rôle qui consiste à orienter sans asservir, à évaluer et accréditer sans infantiliser, à donner les moyens et à responsabiliser les acteurs dans un cadre de confiance, autrement dit, si l’Etat accepte de s’inscrire dans une véritable logique de partenariat et de décentralisation.

La vision d’une université doit reposer sur des valeurs telles que l’équité et l’égalité des chances pour les citoyens, le respect des droits de l’homme et la tolérance, la liberté académique d’innovation, de rigueur scientifique et d’honnêteté intellectuelle. Il en résulte que l’Etat béninois doit jouer pleinement son rôle de prescripteur des politiques de l’enseignement supérieur et de bailleur de fonds, et que l’université fonde son action et ses pratiques sur les valeurs que sont l’efficience, l’attractivité, l’engagement citoyen (Mvé-Ondo, Ngou-Milama et Denef, 2014).

  • Deuxièmement, nombre de principes et buts de l’enseignement supérieur ou les stratégies en relation avec ces buts au regard des contradictions entre les objectifs du gouvernement et les autres acteurs progressistes du système éducatif sont souvent difficilement conciliables. Par exemple, les objectifs d’équité et de qualité dans l’enseignement supérieur à restaurer simultanément sont difficilement réalisables, ce qui entraîne des difficultés politiques et des dilemmes sociaux ainsi que des choix et des décisions, et soulève la question du compromis  entre principes, but et stratégies. La conciliation entre l’équité et le redressement de la qualité peut parfois conduire à sacrifier la qualité de l’éducation. De même, la volonté de prendre nécessairement en compte la question du genre, peut amener à sacrifier la qualité. Dans les faits, le Bénin est confronté à la difficulté de conciliation entre les objectifs de qualité de d’équité, ou entre les besoins de développement économique et social. Dans ce cadre, pour y parvenir,  des manœuvres simplifiées sont possibles. Une solution est de refuser d’accepter l’existence du dilemme, lequel apparaît comme un aveuglement moral. La seconde est de prioriser un but par rapport à un autre pour permettre tous les choix de politiques possibles relativement à cette priorité. Une troisième solution consiste à hiérarchiser les priorités de manière à ce que, s’il y a un conflit entre elles, l’une d’elles puisse être priorisée.
  • Troisièmement, le système éducatif béninois est un regroupement de différents types d’institutions, ayant parfois les mêmes missions. L’impératif serait de créer un système qui aurait un spectre d’institutions et qui serait différencié en termes de leurs missions, qualifications et programmes, le type de recherche et les modalités d’accès. Un tel système implique des mesures d’unification, d’intégration, de coordination et de planification nationale ; il implique également une articulation entre différentes institutions pour rendre possible la jouissance de la mobilité et de la transférabilité aux étudiants et au staff académique.
  • Quatrièmement, des progrès ont été réalisés dans les inscriptions d’étudiants à moyen terme relativement à l’étendue de la période, à l’achèvement des études en temps raisonnable. Toutefois, l’équité genre mériterait d’être repensée en termes de proportion de filles enrôlées dans nos universités. Les progrès assez sensibles déjà réalisés dans l’inscription des filles cachent cependant des iniquités dans la distribution de la population estudiantine à travers les programmes académiques aussi bien dans les études de troisième cycle. La population estudiantine tend à se cloitrer dans les études en sciences sociales en particulier dans des programmes touchant l’éducation (faculté des lettres, sciences et arts, droit), et sont peu représentées dans les formations scientifiques et l’économie.
  • Cinquièmement, la question de la qualité dans l’équité est primordiale. L’équité sans la qualité n’a pas de sens, et de ce point de vue, la question de l’instauration des normes d’assurance qualité devient incontournable, au moyen de contrats de performance que l’Etat devra négocier avec chaque université et établissement.
  • Sixièmement, l’enseignement supérieur doit répondre aux besoins de l’économie et de la société ; il doit y avoir donc une adéquation entre les offres de formation et les besoins de changement de l’économie et de la société. La société béninoise notamment le secteur privé voire le secteur public s’interrogent souvent sur la qualité des sortants de l’université, la nature et l’adéquation de leur  qualification, formation et compétitivité internationale dans certains domaines. Il est donc impératif de restructurer les qualifications et les programmes pour faire des curricula plus pertinents avec la connaissance et le savoir-faire nécessaires pour une économie en mutation. Dans cette perspective, il urge d’asseoir une discipline rigoureuse au niveau du corps enseignant dont les évaluations annuelles ne doivent pas être celui de la fonction publique, mais épouser les attitudes spécifiques attendues d’un enseignant du supérieur. A notre avis, ces évaluations devront se focaliser sur les recherches (création) ; à titre d’exemple, il est impérieux que ces évaluations privilégient  l’enseignement, la recherche, les services rendus à la communauté universitaire et les services rendus à la cité et à l’international. Le contenu de chacun de ces points pourra être explicité  en vue de faire preuve d’une évaluation objective pour les nominations dans les grades et les avancements.
  • Septièmement, la restructuration institutionnelle. Le besoin de transformer l’enseignement supérieur à travers une restructuration institutionnelle et d’autres leviers clés tels que l’autonomie dans la gestion, la planification, la recherche de financement, l’assurance qualité, de manière à asseoir un nouveau paysage institutionnel plus adéquat pour la réalisation des objectifs économiques, sociaux et éducationnels s’impose. Une restructuration réussie  doit pouvoir répondre et promouvoir les principaux buts et objectifs clés de la transformation de l’enseignement supérieur tels que :

–  fournir une gamme variée d’opportunités en formation avancée à une frange importante de la population ;

– assurer l’équité et l’accès à l’étudiant et au personnel ;

– favoriser la diversité en termes de missions et programmes institutionnels qui correspondent aux besoins de la nation ;

– promouvoir un haut niveau de recherche et une capacité de recherche  à la fois théorique et appliquée pour le développement social.

En suite, la reconfiguration du système de l’enseignement supérieur et des institutions est une condition nécessaire pour la transformation du système d’enseignement supérieur. Il peut asseoir un paysage plus rationnel pour les investissements en ressources nécessaires pour l’excellence et l’équité, ce qui suppose une classification des missions institutionnelles, qui amènent les institutions à plus de cohérence dans la production des connaissances et des diplômés. Il convient cependant d’indiquer que cette transformation nécessaire à l’enseignement supérieur n’est pas une condition suffisante ; d’autres stratégies doivent également être mises en œuvre.

  • Huitièmement, la planification et la mise en œuvre des réformes : les réformes entreprises n’ont pas fait l’objet d’une réelle planification et une mise en œuvre cohérente, en ce sens qu’elles ont fait fi de l’enchaînement des différentes étapes ; c’est ainsi que le système LMD a été mis en œuvre sans planification des différentes étapes de la réforme et sans leur financement.
  • Neuvièmement, le manque d’experts en gestion et en conduite du changement est sans doute une contrainte pour le changement que la simple limitation des ressources financières ; les universités doivent s’organiser pour avoir du personnel qualifié notamment des leaders, des managers, des administrateurs, des planificateurs, des chercheurs, des analystes, des évaluateurs disposant de connaissances, d’expertise et d’expérience dans la politique et la planification en enseignement supérieur.
  • Dixièmement, la politique et l’Etat sont tous deux indispensables pour assurer la qualité de l’enseignement supérieur ;  l’enseignement supérieur ne peut à lui seul transformer l’économie et les structures sociales ; ceci requiert d’autres interventions économiques, politiques et sociales ; il en est ainsi car l’enseignement supérieur doit faire l’objet d’un consensus national qui s’impose au gouvernement à travers le temps.

Conclusion

Sur les deux dernières décades, l’enseignement supérieur du Bénin a pris des initiatives de réformes ; certes, ces réformes témoignent d’une volonté à contenir la crise. Elles ne sont pas des réformes structurelles dotées de valeurs, de buts et de politiques, et par conséquent, elles ne sont pas élaborées avec en appui un agenda de transformations compréhensibles. L’essentiel des problèmes tourne autour de la gouvernance qui doit entre autres sauvegarder l’autonomie de l’université. Cela appelle de nombreuses transformations à la fois législatives, de cadre de régulation, de politique de formation, d’adoption, de mise en œuvre et d’évaluation. Il est essentiel que la politique de formation, la planification et la mise en œuvre privilégient des exercices techniques et d’analyse en termes de coût-bénéfice, et soient intimement liées  aux valeurs et aux objectifs sociaux des bénéficiaires.

Dans la mise en œuvre des réformes, des contestations, des conflits et des résistances seront inévitables entre les décideurs et les bénéficiaires  autour du changement, du développement et de la transformation. Cette situation doit être acceptée et anticipée comme un corollaire nécessaire d’une démocratie

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