François Abiola : «Nous allons regrouper les partis dans une nouvelle alliance»

Figure de proue de l’ancien régime, le Pr François Abiola, ex-Vice premier ministre de Boni Yayi est revenu au devant de la scène. Après huit mois passés dans le silence et la plus grande discrétion, l’homme affiche ses nouvelles ambitions sur le plan politique.

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Il a d’ailleurs frappé fort le week-end dernier en se positionnant dans la catégorie des modérés. Désormais centriste, l’homme rassure de sa présence constante sur la scène politique et entend mobiliser d’autres forces politiques pour cet idéal. Lire ci-dessous l’intégralité de l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder.

Pourquoi avoir opté pour une rentrée politique et non pour une retraite politique ?

C’est vrai, j’aurais pu effectivement arrêter de m’occuper de la chose politique mais en tant que citoyen, j’ai choisi de continuer dans l’animation de la vie politique.

Vous avez décidé samedi dernier de prendre vos distances avec les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe). Pourquoi maintenant et pas avant ?

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J’aurais pu le faire plus tôt ; par exemple après la désignation du candidat unique des Fcbe à l’élection présidentielle. Mais les conséquences auraient pu être plus fâcheuses pour l’Alliance et de toutes les façons c’était trop tard pour moi. Je ne voulais pas démissionner parce qu’on ne m’a pas désigné comme candidat. L’intérêt personnel serait trop lié. Si vous étiez à Sakété le jour du congrès (Ndlr samedi 10 décembre dernier), vous auriez entendu les confidences de quelqu’un qui était au courant des choses. Ne me demandez pas de tout vous révéler puisque j’ai encore des devoirs de réserve. Par ailleurs, le contrat moral avec le Président Boni Yayi allait tacitement jusqu’à son départ de la Marina. J’ai pensé que le présent moment avec l’accalmie politique sans enjeu électoraliste était le meilleur pour moi.

Et puis prendre ses distances avec les Fcbe ne veut pas dire que je sois devenu l’adversaire de ce bloc politique, surtout que les dirigeants sont aussi dans des procédures de restructuration de l’Alliance. J’étais à l’ouverture du 4ème Conseil national en tant qu’invité, le 3 décembre 2016.

Visiblement, vous n’avez toujours pas digéré la préférence qu’a eu Boni YAYI pour Lionel Zinsou en 2016 à l’occasion de la présidentielle ?

Oui, nous avons certes fait des erreurs dans la conduite de  certains dossiers, mais là ça a été la faute de trop. Si on avait laissé  faire les « primaires » jusqu’au bout, les choses se seraient passées autrement.

Parlons maintenant de récent congrès de votre parti. Quelles en étaient les motivations ?

L’objectif principal du congrès était de faire le bilan de nos actions politiques des dernières années au sein de l’Alliance Fcbe, de relire les textes fondamentaux, de désigner les nouveaux dirigeants du parti, de clarifier l’option politique du parti, et de définir sa position par rapport au régime en place.

Désormais votre parti se positionne au Centre. Pourquoi ne pas avoir opté pour la mouvance ou pour l’opposition ?

Au fait il y a deux choses : le milieu en tant que positionnement par rapport au pouvoir actuel et le centre comme vision politique. Par rapport au gouvernement actuel, nous serons comme des spectateurs actifs entre la mouvance et l’opposition. Nous dénoncerons quand il le faut.

Comme vision politique, le centre est le lieu qui rassemble les modérés de plusieurs camps. C’est le centre qui facilite l’équilibre de la société. En sortant des dix ans de mandat du président Boni Yayi et voyant ce qui se passe maintenant, l’allure de la gouvernance actuelle, nous nous sommes dit que pour faire quelque chose pour notre pays, notre rôle était de chercher à rassembler tous les modérés pour la réalisation de l’équilibre social. C’est ce qu’a fait Mgr Isidore de Souza pour la réussite de la Conférence nationale. Si vous visitez l’histoire, vous verrez qu’après les grandes crises, c’est au centre que les choses se jouent. Les exemples sont nombreux : Rome royale et République romaine. Plus proche de nous après la révolution française et après la deuxième guerre mondiale, il y a eu la notion de droite et de gauche. Lorsque Jean Lecanuet avait créé son mouvement centriste dans les années 1963, 1964 et qu’il disait briguer la magistrature face au Général de Gaulle et à François Mitterrand pour l’élection présidentielle de 1965, on lui accordait au plus 3 % des suffrages. Aux résultats, le candidat Lecanuet a fait douter le Général de Gaulle en le mettant en ballotage avec 15,85% des suffrages. Le Président du sénat  Alain Power intérimaire après la démission du Général De Gaulle,  au 2ème tour face à Pompidou a réalisé 44% et le Candidat Valéry Giscard d’Estain devait l’emporter en 1974. Le Centre a rassemblé pour gagner.

Quel contenu donnez-vous à cette posture politique qui est désormais la vôtre ?

Vous avez constaté avec moi l’échec cuisant de la classe politique au Bénin depuis le renouveau démocratique, cette classe qui n’a pas réussi à placer quelqu’un du sérail politique à la Marina.

Nous gérons tous les jours les crises de militantisme au sein des partis politiques. Face à ces deux constats, vous dites en regardant votre parcours, ce que vous pouvez tenter.

Le MEsB à lui tout seul peut-il jouer ce rôle ?

Ce serait trop prétentieux de notre part. Nous allons commencer à rassembler autour de cette vision politique ceux qui pensent comme nous et d’ailleurs, la vision n’est pas nouvelle. Nous prenons donc une option pour le regroupement des partis vers le courant centriste. Il y aura d’autres courants. Nous, nous avons pris position et on attendra tout en participant à l’animation de la vie politique.

En huit mois de gouvernance de Patrice Talon, quels points positifs retenez-vous de sa gestion de l’Etat ?

Nous avons déjà souligné le choix des chefs lieux des départements et la nomination des 12 préfets, l’annulation des concours querellés, la promulgation du cadre juridique du partenariat public-privé, la poursuite de la lutte contre les faux diplômes.

Je ne parle pas de concours frauduleux mais de concours à polémique. Lorsqu’il y a polémique, un modéré doit chercher à réparer. Le président Yayi l’avait déjà fait une fois.

Mais tout n’est certainement pas rose. Quel est donc l’envers de la médaille ? 

Oui, regardez cette histoire de la carte universitaire. Le Gouvernement du président Yayi a dessiné une carte universitaire futuriste pour notre pays avec comme base, des centres universitaires sur toute l’étendue du territoire national.

Avant de partir, nous avons négocié des financements pour toutes les universités qui ont été créées dont un signé a été soumis au parlement pour la ratification.

Rappelez-vous le plaidoyer des députés toutes tendances confondues à l’Assemblée nationale. Un atelier leur avait été promis pour aboutir à une carte dite consensuelle. On connait la suite. Un gouvernement doit être à l’écoute de son peuple.

Pendant qu’on supprime, on crée d’autres centres universitaires comme si entre temps les préoccupations d’infrastructures et d’enseignants n’existaient plus. Il n’est pas exagéré de penser que les raisons pourraient être ailleurs.

Je me demande si les infrastructures comme celles de Kétou avaient été visitées par le ministre de l’enseignement supérieur avant que la décision ne soit prise.

Et puis dans le même temps, il y a eu l’interdiction d’activités à des associations d’étudiants. Attention ! Car le béninois est attaché à la liberté d’expression et d’association. D’autres ont payé le prix fort pour que nous autres en profitions en ce moment.

Des décisions avec pour impact l’augmentation du chômage dans la société qui ont été prises ne participent pas à l’équilibre de la société.

‘’Consolidation du militantisme’’. C’est le thème sur lequel le congrès de votre parti s’est penché. Pourquoi ce choix ?

Oui, un thème très important avec la crise du militantisme et l’échec de la classe politique.

Comment en est-on arrivé à la situation du moment depuis le renouveau démocratique ? Quelles sont les valeurs que nous appelons à incarner dans nos partis politiques ? Que recherchent les militants dans un parti ? Est-ce pour se protéger des difficultés du quotidien ou pour partager la lutte pour une cause identifiée par le parti ?

Nous nous sommes aussi inquiétés de l’usage des réseaux sociaux et souhaiter une lutte contre les  dérives observées quelquefois  commanditées par des adversaires politiques. Tout ça est préoccupant et nous en avons fait le thème de notre 2ème Congrès extraordinaire.

Retrouvera-t-on le MEsB prochainement dans une alliance politique ?

Tout à fait. Sinon on n’irait pas loin. Nous allons participer à la construction de ce mouvement des modérés. Vous voyez, j’ai été surpris en constatant que ce qui préoccupait certains citoyens, c’est d’être opposant ou mouvancier.

Visiblement François Abiola s’est levé très tôt pour préparer la présidentielle de 2021

Non pas forcément François Abiola, mais quelqu’un qui serait issu d’un parti politique et qui respire la modération et le centre.

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