Il est des personnalités qui inscrivent indéfiniment leur pas dans le marbre de l’histoire de l’humanité. Ce sont souvent des chevaliers blancs qui peuvent être perçus, à raison, comme des êtres extraordinaires qui surgissent pour voler au secours de l’humanité en péril, ou d’une partie de l’humanité en proie à des maux.
Tous les siècles ont connu ce genre de personnage assez singulier. Le XXème siècle a également connu fut-il un peu tardivement, le sien, Nelson Mandela. Le XXIe siècle quant à lui, sans aucune intention de tirer une conclusion hâtive, a connu le sien plus tôt alors même que ce siècle n’avaitque huit ans, huit années qui laissaientdéjà dégager le parfum douteux de terrorisme dans l’air.
Ce siècle n’avait que huit ans, lorsqu’un pont de l’histoire a cédé, lorsqu’à nouveau, un mûr a chuté emportant comme ce fut déjà le cas en 1989 un vent d’espoir, une euphorie collective internationale. Barack Obama est le premier président afro-américain à être élu président des Etats Unis d’Amérique. L’événement fait la une de tous les journaux, passe en boucle sur toutes les chaînes de télévision nationale et internationale, fait naître stupéfaction, admiration et espoir dans le rang de nombre d’habitants de notre planète.
Ce qui se révélait être impossible, il y a quelques années venait de se passer sous notre regard admiratif et ceci dans une lucidité sans pareil. Beaucoup de personnes, et ce ne fut pas des moindres, OprahWinfrey et le Révérend Jesse Jackson, ne croyant toujours pas que la prophétie de Martin Luther était en train de se réaliser, durent laisser échapper en ce soir du 04 Novembre 2008 l’« hydraulique de leurs paupières ». Ils ne furent pas seuls, dans l’assistance, on a pu observer des milliers d’anonymesporter délicatement la paume de leurs mains à la tempe pour essuyer l’hydraulique tropenvahisseur qui faisait échos à l’océan de joie qui les animait.
Contrairement à ces gens-là qui bénéficiaient de la grâce de se retrouver devant l’homme qui incarnera désormais tout l’espoir d’une génération et claquemuré dans une vieille bicoquedevant une télévision vieillotte, je découvrais naïvement celui dont je devrais suivre les pas peut être toute ma vie . Je découvrais mon modèle de vie, celui à qui et par qui je devrais pouvoir m’identifier, celui dont les valeurs sont en totale osmose avec ce à quoi j’aspire être.
L’espoir ainsi que le vent polaire qui balayait le National Mall m’avait atteint juste dans ma bicoque juste où il fallait et m’a (re)donné la force de me battre. En ces moments, et je me dois de l’avouer dans ces lignes, sous la pression de certains de mes amis, j’eus peur de ne pas tomber dans le piège du culte de la personnalité. Mais, au fil du temps, ce fut avec alacrité que je découvris que le sentiment qui m’animait était partagé par une foultitude d’autres jeunes tous hantés par le charisme de cet homme.
Le sens du « yes we can »*
Pour ceux avec qui j’ai pu échanger sur le sujet, le « yes we can » porté par la masse populaire américainerevêtait tout son sens auprès des jeunes commenousen proie au doute qui commençaient déjà, dans la fleur de l’âge, par désespérer de notre continent, de notre identité, de la couleur de notre peau et commençait déjà par être convaincu de notre situation de « damnés de la terre ». Pour nous, l’homme incarne une foi inébranlable dans l’avenir, il nous a invités à bannir le mot impossible de nos dictionnaires, ce que nous fîmes. Il nous a fait acquérir comme conviction que nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons, pour peu que nous travaillons d’arrache pieds, conviction que nous continuons de nourrir. Il nous a enseignésde ne point laisser nos dignités s’effriter, nos forces décroître et l’espoir par nous être gagné. Il nous a montrés de ne jamais désespérer quel que soit les difficultés auxquelles nous faisons faceet qu’en face d’elles de faire preuve de toute la résilience dont nous disposons, d’avoir l’audace d’espérer. Il nous a appris à dompter nos peurs,à dompter nos différences, à avoir la foi du charbonnier et l’ardeur du zélote. Nous faisions échos à cet appel constant venant de lui comme d’autres l’ont fait avant nous à Jacques Roumain :
« Si le torrent est frontière nous arracherons au ravin sa chevelure intarissable, si la sierra est frontière, nous briserons la mâchoire des volcans affirmant les cordillères et la plaine sera l’esplanade d’aurore ».
Barack Obama nous a insufflé un nouveau souffle, il a charrié un vent de liberté et d’espoir illimité, il incarne pour nous l’angélisme, la personne ouvragée. Avec lui, les retrouvailles de nous-mêmes avec nous-mêmes ont eu lieu et l’espoir était de nouveau permis. Cet espoir, aime-t-il à marteler, n’a rien avoir avec l’optimisme aveugle, celui qui voudrait,par exemple, que par un coup de baguette magique, on fasse disparaître tous les problèmes et que le monde s’apparente au pays des Merveilles visité par Alice.
Son espoir à lui se veut réaliste, fonctionnel, il répond à un besoin qui le définit, il est fondamentalement substantiel. Il s’agit de l’espoir face aux difficultés, de l’espoir face aux incertitudes, de l’espoir face au doute, de l’espoir que nourrit des esclaves assis autour d’un feu et fredonnant des chansons de liberté, de l’espoir d’un fils de kényan éleveur de chèvres qui s’est battu pour entrer à la Maison blanche. Il s’agit de l’espoir, comme il le mentionnait lui-même dans son ouvrage l’audace d’espérer, de croire en une « tradition reposant sur l’idée selon laquelle chacun de nous est préoccupé par ce qui arrive aux autres, que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise et que ce si suffisamment de gens croient en cette idée, nous ne réussirons pas à résoudre tous les problèmes du monde, mais nous ferions au moins quelque chose qui a un sens». Ces messages-là transparaissent dans chacun de ses discours et pour ne pas éteindre en nous la flamme de cet espoir, beaucoup d’entre nous les apprirent par cœur, les psalmodiant à longueur de journée. Ils devenaient pour nous des litanies, des prières que nous récitions aussitôt que nous nous retrouvions au bord de l’abîme.
Barack Obama, le chevalier blanc
Alors lorsqu’il est des gens qui se disent déçus du bilan de cet homme-là, je me hâte derépondreque rien que par son élection, il a opéré un changement radical, il a « changé la façon dont un jeune noir se perçoit, la façon dont un enfant blanc regarde un enfant noir et inversement », il a fait triompher l’espérance, il a transformé des milliers de jeunes africains qui tirant leçon de sa vie, s’autorise à croire en un avenir radieux. Il a allumé en beaucoup d’entre nous la flamme de l’espoir et a permis à certains de bénéficier directement de ses conseils dans le cadre du programme qu’il a initié, Young African Leaders Initiatives.
Pour moi, comme il le disait lui-même de Nelson Mandela, « je ne peux imaginer ma vie sans lui ». Pour des milliers de personnes comme moi à travers le monde que Barack Obama a inspiré, ses mots, ses actes ne furent pas que vétilles et trivialités, de mots fades et ternes, de mots fastidieux et prosaïques, de simples alignements de mots ou gribouillis sans intérêt, ils ne furent pas que des mots et des actes. Ils furentmessages circonspects et avisés, réfléchis et éclairés. Ils furentdes forces propulsives nous amenant à être des agents de changement dans notre communauté affairés à voir un monde entièrement défini par l’espoir, un monde qui reste uni.
Pour ma part, je reste convaincu, en dépit du fait de ne l’avoir jamais rencontré, de l’existence de cette légende chinoise du fil rouge du destin qui dit que les dieux ont attaché à nos chevilles un fil rouge invisible qui relie ceux qui sont destinés à se rencontrer et ce, indépendamment du temps, de l’endroit ou des circonstances. Ce fil, précise la légende, peut s’étirer ou s’emmêler, mais il ne cassera jamais. Au bout de ces huit ans, ce fil est resté intact, le respect à l’égard de l’homme est resté immuable parce qu’il reste et demeure pour nous, pour moi un leader singulier. Ce siècle, n’avait que huit ans lorsqu’il connut son chevalier blanc et ce fut Barack Obama.
*Les intertitres sont de la rédaction
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