Retour de certains hôtels dans le patrimoine de l’Etat : Talon sur les traces de Yayi ?

Depuis Avril 2016 et l’avènement d’une nouvelle équipe au pouvoir, nous sommes passés du changement à la rupture, sans que grand chose ne change. L’acharnement et les règlements de compte fréquents sous l’ancien régime sont de retour, et on se demande si la rupture s’inspire du changement…

Les dernières décisions prises lors du Conseil des ministres du 15 février dernier en ce qui concerne certains hôtels, continuent de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Sans aucune forme de procédure, le gouvernement a décidé de reprendre quatre hôtels qu’il avait concédés à des opérateurs privés, pour diverses raisons.

Très préoccupé par le souci de faire du tourisme un pilier de l’économie du Bénin, on peut bien comprendre la volonté du gouvernement de faire retourner ces hôtels dans le patrimoine de l’Etat pour mieux les administrer. Seulement voilà, la méthode utilisée pose problème et on se demande si le gouvernement a bien mesuré, avant d’agir, toutes les conséquences que peuvent engendrer une telle affaire.

Il paraît bien surprenant qu’un gouvernement composé de si grands connaisseurs du droit, puisse agir aussi brutalement, aussi injustement en décidant de prendre des hôtels qui appartiennent à des acteurs du secteur privé. Tout se passe comme si le gouvernement a choisi de mettre les lois et textes de la République de côté. Les hôtels en question ont tous été cédés par l’Etat, sur la base de contrats dûment signés par les deux parties. Et selon un principe sacro saint, la séparation des pouvoirs doit être observée pour le bon fonctionnement d’une démocratie. Normalement, lorsque le gouvernement constate qu’un privé avec lequel il a signé un contrat n’en respecte pas certaines clauses, il amène l’affaire devant la justice qui est l’institution chargée de faire appliquer la loi. C’est elle seule qui juge librement et en toute conscience, et qui peut dire le droit. Mais dans ce cas-ci, le gouvernement s’est arrogé la place de la justice et a agi en son nom. Or, une décision du Conseil des ministres n’est qu’un acte administratif, qui n’est pas forcément opposable à un justiciable se trouvant en conflit avec l’Etat. Comme on le dit souvent, «  la salle du Conseil des ministres n’est pas un tribunal ».

Comme sous Yayi …

Ce n’est pas pour la première fois que ce type de décisions brutales, injustes et excessives sont prises par un gouvernement au Bénin. Celui de Yayi bat tous les records d’excès. On se rappelle de l’arraisonnement des intrants agricoles en haute mer, et surtout de la décision d’arracher le Programme de vérification des Importations (Pvi) à Patrice Talon, alors déclaré ennemi public numéro un du régime.

On revoit encore le ministre Valentin Djèmontin, tout en verve, défendre sur les écrans de l’Ortb toute l’argumentaire du gouvernement. Aujourd’hui, c’est presque la même chose qui se passe. Le gouvernement prend la décision d’arracher son patrimoine à un individu, sans s’en remettre à la justice. Ceci ouvre la voie à toutes les accusations d’acharnement et de règlements de comptes politiques avec une seule et même personne dont le patrimoine et les activités sont repris par l’Etat. Cette décision va forcément ouvrir la voie à un autre contentieux juridique, dans lequel le gouvernement risque de payer des milliards de Dommage et intérêt. Lors de la campagne, Talon a promis de gérer autrement le pays et a rassuré qu’il n’y aura pas de chasse aux sorcières. Lors du débat contradictoire du second tour entre lui et le candidat Lionel Zinsou, il a qualifié le régime de Boni Yayi d’Etat « voyou ». On se demande bien aujourd’hui si le sien n’en est pas aussi…

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