Assemblée Nationale: Malgré les réserves, les députés adoptent la loi sur l’embauche

Composée de soixante quatre (64) articles, la proposition de loi fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de la main d’œuvre et de la résiliation du contrat de travail en République du Bénin, en date du 10 février 2017 et initiée par l’honorable Aké Natondé et six autres collègues, a été adoptée hier à l’Assemblée nationale par la majorité des députés.

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Ceci, bien que, au cours des débats, certains élus du peule ont émis des réserves sur certaines dispositions. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, la proposition de loi Aké Natondé sur l’embauche et le placement de la main-d’œuvre, tant décriée, a finalement reçu l’onction de la majorité des élus du peuple. Le ministre de la justice et de la législation, Joseph Djogbénou, a représenté le gouvernement. Selon le contenu du rapport présenté hier en plénière et le contenu de la proposition de loi, le recrutement de potentiels agents publics connait des difficultés au niveau de l’administration publique.

Aussi, le Bénin est-il mal perçu par des investisseurs nationaux et étrangers dans le domaine de la réglementation du travail. Face à une telle situation d’incertitude sociale, il apparait nécessaire d’engager des réformes utiles en matière de réglementation du travail. C’est ce qui justifie l’initiative de la présente proposition de loi, qui a pour but de renforcer l’environnement juridique favorable à l’émergence d’un droit de travail nouveau, et un investissement positif pour la création d’emplois durables en vue de répondre aux exigences de positivité et de compétitivité de l’entreprise privée, tout en sauvegardant la main-d’œuvre locale.

La proposition de loi en étude est composée de 64 articles répartis en huit (08) titres. Les débats ont été houleux au sein de l’hémicycle. Certains députés n’ont pas manqué d’approuver et d’applaudir l’avènement de cette loi. Pour d’autres, ce n’est pas le cas. C’est pour cette raison que des députés tels que, Eric Houndété, Atchadé Nourénou, Yaya Garba et d’autres ont émis des réserves et ont souhaité que certaines dispositions de cette loi soient revues et corrigées. Après plus d’une heure de travaux, de reformulations, d’amendements ou de suppressions, les députés ont fini par donner leur quitus à cette proposition de loi.

Achadé Nourénou : « …Cette proposition, dans certains de ses articles, est un recul des acquis des travailleurs… »

« Les questions abordées par cette proposition de loi sont d’une importance capitale pour la résolution du chômage dans notre pays. Le vote de cette loi va permettre à l’employeur de déroger à la règle de l’horaire collectif de travail, tout en respectant la durée légale de l’emploi qui est fixée à 40 heures par semaine. Les juridictions de travail à partir du vote de cette loi seront prochainement composées des deux parties, employeur et travailleur. Cependant, cette proposition de loi dans certains de ses articles est un recul des acquis des travailleurs. Je voudrais attirer votre attention sur les articles 13, 30, 32 et 36, et voudrait vous inviter à les relire avec beaucoup de circonspection afin de réaliser un code avantageux pour les parties. Il s’agit de la durée des contrats à durée déterminée puis du nombre de renouvellement qui devient indéterminé, et la limitation de l’indemnisation à neuf (09) mois de salaire en cas de licenciement abusif. La procédure de licenciement pour motif économique et enfin le constat de démission d’un agent, qui favorisent des interprétations défavorables pour l’employé. Il aurait été plus judicieux d’accélérer la finalisation du nouveau code du travail en chantier, d’où on n’a d’ailleurs tiré une partie pour en faire cette proposition de loi ».

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Eric Houndété : « …Cette loi peut s’inscrire dans le cadre de la relecture du code du travail »

« Je fais partie de ceux qui ont eu beaucoup de réserves par rapport à cette loi. Beaucoup de réserves parce que je considère que cette loi peut s’inscrire dans le cadre de la relecture du code du travail. Il est impossible de me convaincre de ce que l’adoption de cette loi ne modifie pas le code du travail. Nous procédons ici à une modification du code du travail, et nous avons fait une modification parcellaire. Les explications données à la fois par les initiateurs de la proposition de loi et par le gouvernement, montrent bien que cette loi présente quelques avantages dont notamment la formalisation du travail intérimaire, la présence des accesseurs travailleurs dans les juridictions de travail, et les horaires individualisés de travail.

Toutes ces raisons ont fait qu’on est tenté d’apprécier le travail qui est fait. Mais il est important que nous attirions l’attention de l’ensemble de la communauté parlementaire sur un certains nombres de faiblesses. Le premier point de faiblesse est un point de diagnostic. J’ai posé la question lorsque nous étions à Dassa, de me donner une statistique des entreprises qui ont fermé du fait de la sanction qui leur a été infligée pour licenciement abusif. A l’heure où je parle, je n’ai pas réponse à cette question. Il ne faut pas que nous fassions des diagnostics expéditifs ou que nous fassions de la répétition de ce que disent les gens sans procéder aux vérifications.

Si nous voulons corriger notre société, il nous faut alors encore apporter des corrections pointues, chirurgicales, aux problèmes qui se posent. Il n’est pas utile de régler un problème qui ne se pose pas, du moins qui ne se pose pas avec acquitté. L’un de mes souhaits avant l’adoption de cette loi, sera de réexaminer l’article 30 parce qu’un licenciement abusif, c’est une faute sociale qui doit être puni sévèrement pour décourager cela. C’est pour ça que je voudrais inviter mes collègues à réexaminer ces différents aspects qui se trouvent dans cette loi. Chemin faisant, nous évaluerons les progrès que nous aurions accomplis sur cette loi et nous aviserons ».

Les explications du Garde des sceaux, Joseph Djogbénou :

«Je remercie les députés, qui dans leur majorité partagent l’opinion du gouvernement sur la pertinence de la proposition de loi. La préoccupation majeure de tout gouvernant, c’est de rechercher de la manière la plus inlassable possible, les solutions pour satisfaire, non pas seulement le droit au travail, mais le besoin du travail d’une jeunesse dynamique, plurielle, compétente, intelligente, mais pour laquelle il est très difficile d’accéder au premier emploi

Nous sommes dans un Etat en construction et dans ce cas, ce n’est pas le travail qui manque. Mais ce qui fait défaut, c’est l’instrument juridique capable de faire en sorte que, là où il y a du travail, qu’il y ait consommation facile de travailler cet emploi. Le contexte de notre pays révèle une sorte d’inflation de bénévolat et de stages. Ce n’est pas parce que les entreprises n’ont pas besoin de main d’œuvre, c’est parce que les entrepreneurs ne veulent pas faire face à la rigidité de notre législation de travail.

Nous avons une législation de travail qui est souple à l’embauche, qui est rigide à la gestion des relations, qui est très rigide à la clôture des relations. Or, tout employeur ne regarde pas seulement l’embauche, mais la manière de gérer les relations et la manière de rompre les relations. C’est pour cela que cette proposition de loi apporte des solutions de souplesse, non seulement à l’embauche mais également à la gestion des relations sociales, mais en plus à la rupture des relations de travail ».

Les députés provoquent le monde syndical

En dépit des sit-in, mouvements d’humeur, déclarations de presse des syndicalistes, la loi sur l’embauche a été votée hier soir au parlement. Et pourtant, il a été démontré avec force explications par maints spécialistes des questions de l’emploi que cette proposition de loi de l’honorable Aké Natondé, marque un recul par rapport à la situation actuelle du travail au Bénin.

Cette loi est la deuxième loi votée dans le lot des propositions de loi retenues lors du séminaire parlementaire de Dassa Zoumè, et qui font objet d’une vive désapprobation populaire. En votant cette loi, les députés donnent l’impression de faire la sourde oreille face aux doléances et cris de détresse des populations. Cette attitude ne fait que confirmer certaines accusations qui les font passer pour des gens peu soucieux des problèmes des populations.

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