La Décision DCC 17-039 : Une nouvelle forfaiture de la Cour Constitutionnelle

Il y a quelques jours, le juge gouverneur dans ses œuvres a gratifié la nation béninoise de l’une de ses scélérates décisions, à travers la publication de la DCC 17-039 du 23 FEVRIER 2017.

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 Cette jurisprudence a entrainé un tintamarre de célébrations relayées par médias et réseaux sociaux, devant le silence tétanique des sachants, médusés par cette nouvelle ‘’audace’’ du haut juge, parce que transi par leur torpeur complice à opposer à la Cour la vérité scientifique et technique.

Pendant ce temps, le peuple enfariné vit sous les secousses d’une réécriture inadmissible du pacte social de 1990, source évidente d’une déconstruction méthodique du socle de l’Etat de droit et de la démocratie au rythme des conflits d’intérêts inavouables.

Indiscutablement, l’instrumentalisation de la Cour pour des fins autres que celles du droit et de la garantie des libertés et de la paix se  passe de tout commentaire.

Aussi sera-t-il criminel de rester indifférent à cette autre parodie de justice constitutionnelle qui n’est qu’un prélude à d’autres dérives despotiques à venir que cette juridiction prépare au peuple.

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Pour le moment, la DCC 17-039 défie l’intelligentsia nationale, notamment celle que promeut tous les jours la nébuleuse CAMES dans nos universités.

Dans tous les cas de figure, il est outrageant pour tout citoyen crédité d’une lecture minimum en français et d’une petite dignité qu’à la date du 23 février 2017, la Cour avec une légèreté déconcertante retienne contre le Président de la République, la méconnaissance de la Loi fondamentale. Une infraction qui généralement absout l’ignorance, souvent à l’occasion d’une commission de délit électoral en toute bonne foi. Seul l’analphabétismeen serait le mobile d’une telle infraction dans notre environnement.

Dans l’absolu, personne ne s’offusquerait de la commission d’une violation de la Constitution par le chef de l’Exécutif, Président de la République. Cela participe de la normalité des choses.

Par contre, il est tout à fait inadmissible, sinon injurieux que le Président de la République soit surpris en train de méconnaitre la Loi Suprême, alors même que la nation accuse plus d’un quart de siècle de pratique de cette dernière. Si la récurrence de cette formule dans les décisions de la Cour traduisait un euphémisme jurisprudentiel, cela n’ennoblit guère l’institution incriminée, ni la juridiction constitutionnelle, encore moins, la démocratie béninoise.

Au terme d’un examen de la décision sus-indiquée, la présente réflexion s’articulera en deux points, ainsi qu’il suit :

  1. La question en débats
  2. L’éclairage

Nous nousproposons de ne pas conduire une démonstrationlongue et ennuyeuse pour le lecteur, car la situation est gravissime. Faut-il s’indigner, la Constitution ou pacte social est très précieux pour la survie de notre Etat de droit et de démocratie des libertés pour que le citoyen puisse se satisfaire du fétichisme grandissant qu’entretient délibérément la Cour Constitutionnelle au fil des jours.

1. La question en débats

Après examen du recours en inconstitutionnalité introduit par le citoyen Nestor NOUDOHO en vertu de l’article 122 de la Constitution de 1990, la Cour Constitutionnelle se fondant sur les dispositions des articles 121 et 124 a déclaré la Loi n° 2016-24 portant cadre juridique du partenariat public-privé(PPP) promulguée depuis le 24 octobre 2016, non conforme à la Constitution. Pour ce faire, la Cour a tiré motif de ce que, le Président de la République n’a pas soumis au contrôle de constitutionnalité la loi querellée avant sa promulgation, comme suit résumédans le dernier considérant : « … la non transmission à la Cour Constitutionnelle de la dite loi pourcontrôle de sa conformité à la Constitution constitue un vice de procédure substantielle qui affecte sa validité et sa mise en application. Il y a lieu pour la Cour de dire et de juger que la loi… ne peut être en l’état mis en application… » (Lire le considérant)

Aussi a-t-elle jugé que cette abstention du Président de la Républiqueest une méconnaissance fautive des articles 121(une disposition procédurale) et 124 (une disposition normative), laquelle encourt sa sanction.

Mais, pour incriminer l’abstention, la Cour a mis à la charge du seul Président de la République l’obligation de la transmission de la loi censurée pour contrôle de constitutionnalité avant la promulgation conformément aux dispositions des articles 117, 121 et 124.

Convient-il de noter que contre toute attente la Cour a omis volontairement de citer dans le dispositif de sa décision, l’article 117. Ce n’est pas sans raison.C’était pour masquer le caractère infondé de cet article qu’elle avait évoqué au soutiende son argumentairede censure.

A suivre l’argumentaire de la Cour, il ressort qu’en raison des dispositions suscitées, toute loi au Bénin avant sa promulgation doit être obligatoirement soumise à un contrôle de constitutionnalité. Ce n’est pas vrai.

La Cour sait qu’à tout le moins, l’article 117, en son alinéa 1er pour être plus précis que son considérant ne peut se lire, ni s’appliquer isolément.  En cette occurrence l’article 117 est lien de mise en œuvre indissociable avec la série des articles 3, 120, 121,122, 123 et 124, car il définit l’office juridictionnel de la Cour.

Au total, la Cour fait accroire qu’aux termes de sa motivation, une obligation absolue de transmission de toute loi votée à la Cour pour un contrôle de conformité constitutionnelle avant sa promulgation. Et que celapèse uniquement sur le Président de la République. Ce qui n’est pas vrai aux termes mêmes des dispositions de l’article 121visé. Il est parlé de demande et non de transmission et la nuance ici est d’une importante signification sémantique et juridique. Mieux, cette action est reconnue aussi bien au Président de la République qu’à chacun des quatre vingt trois(83) députés. Le silence de la Cour sur l’inertie coupable des membres du parlement en cette espèce est suspect et la contredit.  

Au demeurant, la question ici est de savoir qu’en l’état actuel de notre droit positif, si une telle obligation pèse effectivement sur le Président de la République . Ou si c’est un droit constitutionnel à lui reconnu et à chacun des députés . En outre, quand peut-on parler de loi au sens plénier du terme avant ou après sa promulgation ? Enfin, la Constitution de 1990 a-t-elle prescrit à l’instar d’une pratique universelle un dispositif procédural en matière des lois et de certains textes réglementaires avant ou après leurs promulgations, ou mises en application ?

Les réponses à ces interrogations feront éclater la grosse bulle de la Cour à propos de la décision.                   

  2.L’éclairage 

D’emblée, disons sans rentrer dans de doctes démonstrations de droit qu’il n’existe pas dans notre droit positif une quelconque obligation absolue de transmission à la Cour Constitutionnelle de toute loi ordinaire votée,aux fins d’un contrôle impératif de constitutionnalité avant sa promulgation, incombant au Président de la République, ou à un député à l’Assemblée Nationale, conformément aux dispositions des articles, 117 alinéa 1ER, 121, et 124, comme la Cour a décidé.

En revanche, les lois organiques, les Règlements Intérieurs de l’Assemblée Nationale, de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication et du Conseil Economique et Social ne peuvent pas être promulguées, ou mis en application sans le contrôle de constitutionnalité de la Cour. C’est absolu.

Ensuite, il faut observer que les lois, les textes et actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne doivent être aussi soumis au contrôle de constitutionnalité, peu importe, leur entrée en vigueur. Cette action est reconnue formellement au citoyen ainsi que le prescrit l’article 3 de la Constitution,in fine : «… la Constitution qui est la loi suprême de l’Etat.

Toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires à ces dispositions sont nuls et non avenu. Tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour Constitutionnelle contre les lois, les textes et actes présumés inconstitutionnels. »

Les articles 120 et 122 prescrivent conséquemment les procédures de l’application de cet alinéa de l’article3.

Du reste, l’on admet avec la Cour que l’article 121 de la Constitution est une disposition procédurale.Celui-ci prescrit la procédure du contrôle de la constitutionnalité des lois ordinaires avant leurs promulgations, tout comme, il a été prévu par l’article 123, en ce qui concerne les lois organiques et les textes spécifiques limitativement énumérés.

Dans ces cas, il n’existe point de formalitéd’avant promulgation ou de mise en exécution. Le contrôle de la conformité constitutionnelle est préalable et impératif. A cet égard, les articles 19 et 21 de la Loi Organique sur la Cour Constitutionnelle, faisant bloc de constitutionnalité avec la Constitution sont sans équivoques, ainsi qu’ils complètent et précisent :

Art. 19 : « Les Lois organiques adoptées par l’Assemblée nationale sont transmises à la Cour Constitutionnelle par le Président de la République pour contrôle. La lettre de transmission indique, le cas échéant qu’il y a l’urgence ». Il faut observer que la procédure ici a exclu le député. Seul le Président de la République est assujetti à l’obligation constitutionnelle de transmettrela loi organique à la Cour aux fins du contrôle de la constitutionnalité.

L’article 21 pose : « Les règlements intérieurs et les modifications adoptées par l’Assemblée Nationale, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication et par le Conseil Economique et Social sont avant leur mise en application, soumis à la Cour Constitutionnelle par le Président de chacun des organes concernés. »  L’obligation de transmission repose sur chaque président de l’institution concernée, pas un autre.

Par contre, l’article 20 de la Loi Organique sur la Cour Constitutionnelle, quant aux lois ordinaires prescrit en ses als.1ER,2 et 3 :

« Conformément à l’article 121 de la Constitution, le Président de la République ou tout membre de l’Assemblée Nationalepeut saisir la Cour Constitutionnelle.(La Cour nous enseignera que le verbe pouvoir ne sera jamais le synonyme du verbe devoir, ni en droit, ni en français.)

La saisine de la Cour Constitutionnelle suspend le délai de promulgation.

La Cour Constitutionnelle doit se prononcer dans un délai de quinze(15)jours… »

Il y a lieu d’observer dans le cas des lois ordinaires et s’agissant du contrôle avant la promulgation de la loi l’action est ouverte au Président de la République et à  chaque député, l’un ou l’autre exerçant le cas échéant un droit à lui reconnu par l’article 121 de la Constitution que complètent les dispositions ci-dessus de la Loi Organique. Il s’agit en cette occurrence moins d’une obligation facultative, mais de l’organisation d’un droit en leur faveur, es qualité initiateurs desdites lois.

Etant entendu, par ailleurs, qu’en respect du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs, toute proposition ou tout projet de loi, voté(e) par la représentation nationale échappe au législateur et doit être promulguée par le Président, sauf les exceptions, soit, de sa soumission au contrôle,ou soit, d’une seconde lecture, cette dernière est à l’initiative discrétionnaire du chef de l’exécutif.

Somme toute, le contrôle de constitutionnalité avant ou après la promulgation des lois en général est bien enfermé dans des procédures claires et limpides qui ne souffrent d’aucune interprétation selon la classification lois organiques et lois ordinaires et textes et actes spécifiques, comme démontré.

Enfin, il demeure tout simplement regrettable que la Cour Constitutionnelle continue obstinément de déconstruirepar sa production jurisprudentielle d’opportunité une citadelle des acquis démocratiques par une perfidemanipulation de son office.

Au demeurant, nous ne voulons pas croire qu’après avoir déclaré l’invalidité de la loi censurée et l’impossibilité de la mettre en application en l’état, la Cour ne fasse engagerdemain, un processus de mise en conformité d’une loi promulguée, laquelle a été invalidée sur le fondement de l’article 124.

Au total, le peuple béninois vit de plus en plus mal son expérience démocratique pour continuer à subir les décisions d’une Cour Constitutionnelle prestidigitatrice, manipulatrice ou aux ordres.

Référence bibliographique

Cour Constitutionnelle

RECUEIL DES TEXTES FONDAMENTAUX  

Professeur Oladé O. Moïse LALEYE

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