Loi sur l’identification des personnes: Une réforme importante venue au mauvais moment

(Voir la proposition de loi dans la partie réservée aux abonnées)

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Parmi les nombreuses propositions de loi qui suscitent la polémique actuellement, il y a celle sur l’identification des personnes au Bénin. Proposée par l’honorable Mathurin Nago, ce texte loi vise à faire adopter au Bénin un registre national de la population. Seulement, l’incidence financière de ce projet- 120 milliards – dans le contexte actuel de récession économique, et après les mauvaises expériences des Cps et Cos Lépi, ne militent pas en faveur d’une telle réforme. Une proposition de loi très courte, 18 articles. Un centre d’intérêt qui ne devrait laisser personne indifférent : l’état civil et le registre national de la population. Une bonne perspective : en finir définitivement avec les initiatives éphémères aux bases techniques peu fiables qui entretiennent toujours la précarité dans le secteur. Et pourtant, la proposition de loi « Nago » sur l’identification des personnes, fait partie des propositions de loi qui suscitent un tollé dans le pays actuellement.

A dessein, plusieurs personnes y voient les manifestations de  l’instauration d’un régime qui opprime le peuple et piétine les libertés fondamentales et les droits de la personne humaine. A juste titre, dira-t-on peut être. Cette loi intervient dans un contexte national où les histoires de registre d’identification des personnes ont déjà englouti des milliards. On peut citer l’élaboration de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) en 2011, avec près de 45 milliards et le sempiternel processus de toilettage qui bouffe chaque année des milliards.

Dans un tel contexte, parler encore d’une loi et d’un nouveau registre peut paraître redondant, ennuyeux pour des citoyens qui ne manquent pas d’avoir d’autres priorités. Mais là où le bât blesse, c’est qu’en plus d’avoir à légiférer dans un domaine où les pouvoirs politiques ont donné l’impression, ces dernières années d’avoir réglé les problèmes, l’Etat doit encore   investir la faramineuse somme de 120 milliards pour mettre en place un registre national avec un recensement exhaustif (espérons-le), des populations avec toutes les données sur chaque personne.

Pour un état confronté à d’énormes problèmes, une telle réforme peut bien attendre le temps de l’expérimentation des registres actuels. Mais cette proposition de loi ne fait pas dépenser que l’Etat. Pour aider l’Etat à combler le déficit financier que va engendrer la mise en œuvre de cette réforme, l’initiateur propose que les nouvelles cartes d’identité électroniques qui en seraient issues soient données aux populations au prix de 10.000f. Cette disposition qui réduit forcément le nombre de détenteurs potentiels de ladite carte, en entrave l’efficacité et ne serait pas profitable au grand nombre. Dans un tel contexte, cette proposition de loi ne ferait pas évoluer la situation actuelle où plusieurs béninois manquent des pièces minimales qui leur confèrent le statut de citoyen

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Proposition de loi portant identification des personnes physiques en République du Bénin

Exposé des motifs

Depuis l’accession de notre pays à l’indépendance, la maîtrise de l’identité du citoyen n’a pas fait l’objet de préoccupation sérieuse dans les décisions engageant le devoir de l’Etat. Du coup, les questions de l’identité ont généralement fait l’objet de traitement sans prendre en compte leurs impacts réels sur la vie de la Nation. Et il est à noté qu’li n’existe véritablement pas une base de données nationale sur l’identification des personnes. Or le monde évolue avec des exigences d’une gestion moderne des citoyens engendrant une multiplicité de fichiers nationaux sur les personnes sans un mécanisme d’état de rapprochement ou de source de validation ou d’authentification; d’où la nécessité d’avoir un Registre National de la Population qui doit servir de base à la, gestion de tout fichier sur les personnes. De nombreux documents circulent ayant pour vocation une identification de fait ou de droit des personnes. Les uns sont de notoriété reconnus comme dotés d’une t elle vocation, les autres sont discutés, rejetés ou tantôt acceptés ici, tantôt rejetés ailleurs. De la sorte, l’identité de la personne est sujette à polémique et à incertitude en République du Bénin.

Il est du ressort de la loi de mettre en place le dispositif devant permettre d’attester de l’identité du citoyen béninois. C’est pourquoi la présente loi proposée se prononce sans ambages sur la question en édictant des solutions claires

L’identité du citoyen béninois est prouvée à partir des informations nominatives, biométriques, personnelles, sociales et géographiques permettant de l’individualiser au sein de la société.

Des documents officiels permettent d’attester l’identité du citoyen béninois. Les principaux titres de documents d’identification sont: la carte nationale d’identité et le passeport. Toutefois, d’autres documents d’identification officielle peuvent être institués par voie réglementaire

Tout document d’identification doit être produit à partir des informations contenues dans le Registre National de la Population. Le Registre National de la Population est un Registre biométrique constitué à partir des informations collectées, traitées et conservées dans une base nationale de données nominatives, biométriques, personnelles, sociales et géographiques des citoyens, obtenues au moyen d’un processus de recensement administratif à vocation d’identification de population

Le recensement administratif à vocation d’identification de la population peut être massif ou individuel. Le recensement administratif à vocation d’identification de population est massif lorsqu’il est organisé en opération nationale à l’échelle du territoire national. Il est individuel lorsqu’il concerne l’enrôlement d’une personne qui n’avait pas été prise en compte lors du recensement massif

Les informations et données collectées à l’occasion du recensement administratif à vocation d’identification de la population sont:

– les prénom et nom;

– la date de naissance ;

– le lieu de naissance;

– les références de l’acte de naissance ;

– la filiation;

– la mention facultative <<épouse ou époux ll, «veuve ou veuf n;

– le domicile;

– le numéro d’ordre de l’acte de l’état civil produit;

– la photographie de la personne capturée numériquement;

– les empreintes digitales des dix doigts capturées numériquement.

Les modalités du recensement administratif à vocation d’identification de population sont déterminées par décret pris en conseil des ministres.

Cette proposition de loi soumise à votre auguste attention est restée réaliste. Elle tient compte de notre contexte national avec la possibilité de développement de nouvelles perspectives par r effet d’adaptation. Ainsi par exemple, elle ne se préoccupe pas pour le moment d’instituer des registres communaux de population. Elle s’inscrit plutôt dans la logique d’avoir d’abord un registre national de population pour ensuite réfléchir la gestion décentralisée d’un tel registre dont la tenue est une question de maîtrise de technologie.

La proposition prévoit un mécanisme de mise à jour qui sera réglé par voie réglementaire avec un regard de La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.

L’avantage de mettre en place une telle législation réside dans le règlement définitif des débats sur l’état civil et la certification de l’identité réelle du citoyen. La loi si elle est adoptée, sera également l’occasion d’ouvrir de nouvelles perspectives de gestion moderne et sécurisée de l’identité des personnes par la mise en place de systèmes informatiques de pointe.

L’autre avantage est le partage des responsabilités entre le législateur et l’Administration. Le premier fixant les règles et invitant le second à mobiliser les ressources pour que l’identification des personnes soit un facteur de développement.

Il est évident que l’adoption de cette loi induira à la charge du budget national une incidence financière notamment en ce qui concerne la réalisation du recensement administratif à vocation d’identification de la population et l’achat de logiciels, systèmes et autres matériels informatiques de mise en place du registre national de la population, estimés à environ Cent vingt milliards de francs FCFA sur dix ans

En contre-partie, la réalisation du Registre de population engendrera des flux financiers importants pouvant servir à couvrir les charges Il s’agit de rendre obligatoire la carte d’identité électronique, d’en fixer le coût d’obtention à 10.000 F pour une période de 10 ans de validé ; de décidé que la carte d’identité nationale électronique aura la vocation de carte d’électeur pour récupérer le coût de production des cartes d’électeur en crédit au Budget de l’Etat, d’instituer les redevances conséquentes des cartes de résident obligatoires générées désormais à partir du système mis en place en exigeant un numéro unique de résident pour les étrangers vivant au Bénin, de mettre en place une concession d’exploitation de la base de données pour amortir le coût des investissements. L’impact financier en recettes est estimé à plus de cent cinquante milliards sur la période de 10 ans.

Telle est, Mesdames et messieurs, l’esprit général de la présente proposition de loi que nous soumettons à votre approbation.

Loi N° 2016- Portant identification des personnes physiques en République du Bénin.

L’Assemblée Nationale a voté et adopté la loi dont la teneur suit:

Article 1 :

L’identité du citoyen béninois est prouvée à partir des informations nominatives,

Biométrique, personnelles, sociales et géographiques permanant de l’individualiser au sein de la société.

Des documents officiels permettent d’attester 1 ‘identité du citoyen béninois. Les principaux titres de documents d’identification sont: la carte nationale d’identité et le passeport. Toutefois, d’autres documents d’identification officielle peuvent être institués par voie réglementaire.

Tout document d’identification doit être produit à partir des informations contenues dans le Registre National de la Population.

Article 2 :

Le Registre National de la Population est un Registre biométrique constitué à partir des informations collectées, traitées et conservées dans une base nationale de données nominatives, biométriques, personnelles, sociales et géographiques des citoyens, obtenues au moyen d’un processus de recensement administratif à vocation d’identification de population.

Le recensement administratif à vocation d’identification de la population peut être massif ou individuel. Le recensement administratif à vocation d’identification de population est massif lorsqu’il est organisé en opération nationale à l’échelle du territoire national. Il est simplifié lorsqu’il concerne l’enrôlement d’une personne qui n’avait pas été prise en compte lors du recensement massif.

Article 3 :

Les informations et données collectées à l’occasion du recensement administratif à vocation d’identification de la population sont:

– les prénom et nom;

– la date de naissance;

– le lieu de naissance;

– les références de l’acte de naissance ;

– la filiation;

– la mention facultative « épouse » ou «époux », « veuve » ou « veuf» ;

– le domicile;

– le numéro d’ordre de l’acte de l’état civil produit;

– la photographie de la personne capturée numériquement ;

– les empreintes digitales des dix doigts capturées numériquement.

Les modalités du recensement administratif à vocation d’identification de population sont déterminées par décret pris en conseil des ministres.

Article 4:

Le Registre National Biométrique de la Population est doté de divers applicatifs pouvant permettre l’exploitation de données à fin d’identification des personnes et génération de titres sécurisés d’identification dans divers domaines.

Il est mis à jour de façon permanente et continue.

Les conditions de mise à jour et d’exploitation des données du Registre National Biométrique de la Population sont déterminées par décrets pris en conseil des ministres, après avis de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.

Article 5:

Le Registre National de la Population a pour finalités de :

– faciliter ou attester l’identification des personnes physiques au moyen de téléologies appropriées ;

– assurer l’authentification et la communicabilité administratives, dans les conditions légales ou réglementaires, de données personnelles, nominatives et biométriques dans le cadre de la constitution et la gestion des fichiers d’organismes publics ;

– préserver l’historique de données de personnes physiques à des fins administratives ou, à condition qu’elles soient anonymisées, à des fins statistiques ;

– assurer la fourniture de services d’identification à toute entité autorisée ;

– assurer la fiabilité, la validation et au besoin l’interconnexion des fichiers nationaux correspondant aux besoins de gestion moderne de l’ Etat civil, de l’identité, de l’éducation, de l’emploi, de la sécurité et de la sûreté de l’Etat, des finances publiques, de la sécurité sociale, de la sécurité routière, de la justice et de l’ Administration pénitentiaire, de la gestion des élections, de la gouvernance administrative et du commerce électronique.

 

Article 6 :

Le Registre National Biométrique de la Population est structuré en tenant compte des départements, des communes, des quartiers et villages. Chaque citoyen y est rattaché à son territoire de résidence habituelle et il lui est attribué un numéro unique national d’identification (NUNI).

Le Numéro unique national d’identification est individuel, personnel, incessible et permanent. Il subsiste au décès de l’individu et peut être requis dans des dossiers relatifs à la succession de l’individu ou de l’attestation de la filiation de sa progéniture. Un décret pris en conseil des ministres détermine l’organisation, les droits et obligations liés au numéro unique national d’identification.

Article 7:

Les étrangers peuvent être pris en compte dans le Registre National Biométrique de la Population à l’ occasion des demandes de cartes de résident ou autres titres assimilés destinés à les identifier comme tels sur le territoire national. Les informations collectées dans ce cadre sont traitées pour constituer Je ficher des résidents. Il est délivré à chaque étranger inscrit au Registre National Biométrique de la Population, un numéro unique d’identification de résident (NUIR). Un décret pris en conseil des ministres définit les modalités d’établissement des cartes de résident et des autres titres assimilés.

Article 8:

Toute personne dont les données font l’objet de collecte et/ou de traitement dans le cadre de la constitution du Registre National Biométrique de la Population ou de sa mise à jour a le droit de consulter et d’obtenir communication des informations qui la concernent auprès de l’organisme responsable du Registre National Biométrique de la Population.

Un décret pris en Conseil des Ministres fixe les attributions, l’organisation, le fonctionnement et la dotation initiale de la Personne responsable du Registre National Biométrique de la Population.

Article 9:

Il est institué une carte nationale d’identité électronique certifiant l’identité de son titulaire, par l’attribution d’un numéro national d’identité unique par personne.

Article 10:

Tout béninois âgé de 18 ans révolus doit être titulaire de la carte nationale d’identité électronique.

Toutefois, il peut être délivré, à titre dérogatoire, de carte d’identité électronique à une personne mineure en situation de candidature à un examen, un test ou à une procédure dans laquelle l’authentification de son identité est requise.

Article 11 :

La carte nationale d’identité électronique renferme un module électronique non apparent et un code-barres, lisible par des machines appropriées.

Article 12:

Le modèle de la carte nationale d’identité électronique, qui est fixé réglementairement, doit permettre de transcrire, sur ses deux faces, les indications et mentions suivantes, au moins :

Au recto:

-le sceaux de la République;

-les prénoms et nom du titulaire;

-la date de naissance ;

-la filiation;

-le numéro d’ordre de l’acte de l’état civil produit à l’appui de la demande de délivrance de la carte nationale d’identité électronique ;

-la date d’expiration de la validité de la ca1ie ;

-la photographie du titulaire ;

-le numéro unique national d’identité ;

-la même photographie en effet miroir réduit ;

-le référencement de la carte ;

-l’autorité qui délivre le document et sa signature.

Au verso:

-le sceaux de la République ;

-le numéro unique national d’identité ;

-la date d’expiration de la validité de la carte;

-le code sexe.

Article 13 :

Sont encodés et cryptés :

  1. a) dans le code barres

-le numéro national d’identité ;

-le code sexe ;

-les prénoms et nom du titulaire ;

-la date et le lieu de naissance du titulaire;

-la date d’expiration de la validité de la carte.

  1. b) Dans la puce électronique :

-le numéro unique national d’identité ;

-la photographie du titulaire ;

-le code sexe ;

-les prénoms et nom;

-la filiation;

-la date de naissance ;

-le lieu de naissance;

-le numéro de l’acte de l’état civil ;

-la date d’expiration de la validité de la carte ;

-les points caractéristiques de deux empreintes digitales du titulaire sous format vectoriel.

 

Article 14:

Sous peine des sanctions prévues par les textes en vigueur, sont seuls habilités à accéder aux données contenues dans le code-barres et la puce électronique, prévus ci-dessus, les personnels concernés de la sûreté nationale et les fonctionnaires et agents des administrations publiques et organismes, désignés par voie réglementaire.

Le titulaire de la carte nationale d’identité électronique peut accéder au contenu des données enregistrées dans la puce électronique et le code-barres le concernant.

 

Article 15:

La durée de validité de la carte nationale d’ identité électronique, ainsi que les conditions de sa délivrance et son renouvellement sont fixées par voie réglementaire.

Article 16 :

La carte d’identité électronique doit être renouvelée dans les cas suivants :

-la modification du prénom, du nom ou de la date de naissance;

-la rectification du lieu de naissance, du numéro de l’acte de l’état civil ou de la filiation ;

-la perte, le vol ou l’altération de la carte nationale d’identité électronique;

– l’expiration de la durée de la validité.

 

Article 17:

Un décret pris en Conseil des ministres fixe la date d’entrée en vigueur de la carte nationale d’identité électronique.

Les cartes nationales d’identité, délivrées antérieurement à la date d’ entrée en vigueur de la présente loi et celles qui seront établies après sa mise en vigueur mais avant la date d’entrée en vigueur de la carte nationale d’identité électronique, sont valables jusqu’à une date qui sera fixée par décret pris en Conseil des Ministres, pour leur remplacement par la ca1ie nationale d’identité électronique.

Article 18:

La présente loi prend effet pour compter de la date de sa promulgation et sera exécutée comme loi de l’Etat.

 

Fait à Porto-Novo, le

Le Président de l’Assemblée Nationale,

Adrien HOUNGBEDJI

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