L’avènement du régime de la rupture a envenimé les relations entre le pouvoir central et la mairie de Cotonou.Jadis conviviales, elles sont devenues délétères et conflictuelles, et le Chef de l’Etat s’en prévaut pour mieux mettre son « adversaire politique », Lehady Soglo, au pas. Le vendredi 05 mai passé, le Chef de l’Etat a rencontré à la présidence de la république les maires et conseillers communaux des cinq communes qu’on appelle actuellement le « Grand Nokoué ». Il s’agit des communes de Cotonou, Porto Novo, Sèmè Kpodji, Abomey Calavi et Ouidah.
Une rencontre organisée avec toute la solennité et le sérieux nécessaires aux rencontres de grande importance ; un protocole policé et des projets de grande facture qui vont certainement changer le visage de ces communes. Seulement voilà, la rencontre organisée a tout l’air de proclamer le requiem de la décentralisation. Sous le couvert d’une convention cadre de partenariat Etats-Communes, se cache une volonté affichée de piétiner les lois qui régissent la décentralisation.
C’est d’abord la procédure de l’invitation qui pose problème, une invitation du Ministre du cadre de vie, signée par sa Directrice de cabinet et adressée aux préfets des départements de l’Atlantique, du Littoral et de l’Ouémé, avec attention seulement aux maires concernés. Cette même invitation nous informe sur les sujets à l’ordre du jour. On peut citer : l’amélioration de la gestion des déchets ménagers, la construction d’équipements marchands, le projet asphaltage et l’amélioration de l’assainissement urbain.
Les dénominations des projets et leurs pertinences montrent à suffisance qu’il s’agit d’ambitions assez intéressants, et qui vont fortement impacter le développement de ces communes. Mais la mise en œuvre de ces projets par le gouvernement pourrait piétiner les textes de loi sur la décentralisation. En effet, la loi N97-029 du 15 janvier 1999, en son article 91, stipule que « la commune est préalablement consultée sur tous les travaux sur son domaine public, afin d’assurer une coordination des interventions ». L’usage des mots « préalablement » et « coordination » montre toute la nécessité d’associer et même d’impliquer les mairies dans les opérations. On ne devrait pas attendre de finir les études, de mobiliser les ressources avant de les associer.
Les textes de loi sur la décentralisation accordent assez de prérogatives aux communes qui jouissent de l’autonomie financière et administrative. Ainsi, l’article 93 de la loi sus citée, précise que « la commune a la charge de la collecte et du traitement des déchets liquides, et du réseau public d’évacuation des eaux pluviales ». On comprend donc que le projet concernant la gestion des déchets ménagers fait partie des prérogatives d’une commune. Pour ce qui concerne la construction et la gestion des marchés, l’article 104 de la loi est sans ambiguïté : « la commune a la charge de la construction, de l’équipement, des réparations, de l’entretien et de la gestion des marchés et abattoirs ».
Au regard de ces dispositions, on peut bien se demander pourquoi le gouvernement insiste à s’arroger les attributions des mairies ? Pourquoi cherche-t-il à adopter une convention-cadre alors que la loi encadre déjà suffisamment ces domaines ?
Vindicte présidentielle
La rencontre du vendredi 05 mai à la présidence, a également permis d’afficher à la face du monde une mésintelligence entre Patrice Talon et Lehady Soglo. Le Chef de l’Etat ne l’a d’ailleurs pas caché au cours de cette séance de travail. Lors de son intervention sur Rfi aux lendemains du rejet du projet de loi sur la révision de la constitution, il a affirmé sans ambages que la mairie de Cotonou est complice de l’occupation anarchique des espaces publics.
L’une des preuves d’acharnement étant le blocage des contrats de la mairie avec ses prestataires. La seule raison donnée par le Chef de l’Etat lui-même, c’est que de nouveaux projets ou manières de faire devraient incessamment intervenir dans la cité, et il ne trouve donc plus important de continuer à renouveler ces contrats, sauf pour des durées courtes, comme trois ou six mois.
Conséquences : le ramassage d’ordures, le curage de caniveaux et le balayage des rues, sont bloqués au Ministère, et la ville devient de plus en plus invivable. L’accumulation de tous ces faits amène à une lecture politique de la situation. En effet, tout se passe comme si le gouvernement a décidé d’arracher de fait la gestion de la ville de Cotonou son maire Lehady Soglo, et de l’affaiblir politiquement dans la perspective de le faire échouer pour les prochaines élections communales et législatives.
D’ailleurs, il y a quelques mois, quatre députés de ce parti ont rejoint la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, et il se susurre que certains conseillers Rb s’apprêtent à faire la même dissidence à la mairie pour mieux fragiliser Léhady Soglo. Son malheur est de ne pas avoir soutenu le président Talon lors de la dernière élection présidentielle, et d’avoir proféré des jurons contre sa personne pendant la campagne.
Il subit ainsi une vindicte présidentielle dont les cotonois sont aussi les victimes collatérales. Sinon, comment expliquer la détermination d’un gouvernement si occupé, à chercher à tout prix la gestion des ordures de la ville, alors qu’on l’attend sur des dossiers plus importants ? La politique politicienne a ses raisons que la raison ignore
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