‘’Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloges flatteur ; … Il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits.’’ Beaumarchais.La journée du 3mai décrétée « journée mondiale de la liberté de presse » a été célébrée dans une sorte d’indifférence générale qui cache mal le malaise que vit la profession depuis l’avènement du gouvernement dit de la rupture.
Ni la Haac l’organe de régulation des médias ni le ministère de tutelle n’ont daigné adresser un mot d’encouragement à l’endroitde ceux qui , de jour comme de nuit, font le « sale boulot » de collecte, de traitement et de diffusion de l’information.PourtantLa veille, le classement annuel de reporter sans frontière(rsf) a été rendu public avec ce rang peu honorable (78è) du Bénin qui, en d’autres temps aurait ému plus d’un.Le régime dit de la rupture qui vient de célébrer ses premiers douze mois d’existence est resté étrangement muet sur le sujet, comme si la question de la liberté de presse et celle du droit du public à l’information ne faisaient pas partie de ses préoccupations
En réalité,à l’ère du pouvoir dit de la rupture,-et c’est l’une de ses plus grandes réussites de ces douze derniers mois- la communication gouvernementale tapageuse et intempestive a pris le pas sur l’information, au point où des actes graves de violation des droits de la personne et des libertés publiques sont commis, sans susciter l’indignation de personne. Deux Tenez !la semaine dernière, les réseaux sociaux ont abondamment relayé les déboires de ce journaliste d’une chaîne de télévision qui aété molesté au commissariat de police de Porto-Novo sur ordre du tout puissant préfet du Littoral, parce qu’il a eu le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.Qui en dehors d’une section locale d’une association inconnue de jeunes journalistes a condamné cette grave violation des droits de la personne digne de la période honnie du Prpb où n’importe quel détenteur d’un petit pouvoir pouvait faire enfermer n’importe qui sous n’importe quel prétexte ?–impunément !
Tenez encore !Voici des mois que les images de la télévision de droit français Sikka Tv sont coupées sur tous les bouquets satellitaires sans susciter l’indignation de personne .Les tracasseries contre les promoteurs de cette télévision dont les performances techniques(sons et images) font la fierté du Bénin en Afrique et dans le monde ont commencé petitement. On a d’abord fait fermer les locaux de la société de production prétextant que les promoteurs n’ont signé aucune convention avec la Haac. Ce qui est vrai ! Dans la foulée, on a fait fermer les autres télévisions dites pirates qui émettaient sans autorisation et la radio Soleil fm qui appartient au même promoteur pour non-respect de …quelque chose.Normal dirait-on ! Quand, devant le tollé général , on a autorisé soleil Fm à émettre de nouveau, la suspension de Sikka Tv a été non seulement maintenue mais on est allé jusqu’à faire couper le signal sur tous les bouquets satellitairesy compris ceux des décodeurs Strong d‘accès pourtant gratuit . Une grande première dans notre pays ! Jamais le président Yayi dans sa rage contre les médias n’avait osé aller jusqu’à cette extrémité !Pendant ce temps, toutes les trois chaînes de télévision dites pirates précédemment coupées en même temps que Sikka tv continuent d’émettre allègrement, au nez et à la barbe de la Haac, comme s’il ne s’agissait que de couper une station appartenant à une certaine personne aujourd’hui opposant auto -proclamé au régime de la rupture. Quand la Haac sous le président Yayi avait ordonné la mise hors tension d’une chaîne de télévision, sous prétexte de non-respect de la convention,les promoteurs s’étaient rapidement organisés pour contraindre avec succèsl’organe de régulation à revenir sur sa décision.
Pourquoi aujourd’hui personne ne lève le petit doigt pour laisser émettre une télévision regardée sur tous les bouquets en Afrique et dans le monde, comme toutes les chaînes de télévisions les plus farfelues que les bouquets nous offrent ? Parce que le régime dit de la rupture a réussi, par des pratiques machiavéliques, à réaliser avec un art consommé de la manipulation cequ’aucun régime n’a osé faire depuis le Renouveau à savoir : mettre toute la presse et ses principales associations professionnelles sous éteignoir.Comme il l’a fait de toute la classe politique assoiffée de prébendes à quelques exceptions près !Ici le pouvoir a joué surdeux tableaux :
Premier tableau :l la promotion des figures de proue de la presse Cela a consisté d’abord à recruter les « meilleurs d’entre nous » pour les nommer à des postes de responsabilité à l’intérieur du pays et aussi et surtout à l’extérieur. Regardez autour de vous et dans les grands médias et vous verrez que la plupart « des grandes plumes » et des grandes gueules » des grands médias (presse écrite et audio-visuelle confondues) ont été promus dans certaines ambassades ou à la tête de structures liées à la gestion des médias et au sein de ce qu’on a appelé pompeusement la Direction de communication gouvernementale. Cette dernière est dirigée par une des figures montantes de la jeune génération de professionnels des médias qui ont fait preuve de grand courage dans l’animation de la presse de service public considéré par tous les régimes comme la voix de son maître.Sa promotion a suscité beaucoup d’espoir parce qu’on le sait brillant et sincère dans la défense du droit du public à l’information etconvaincu que le pouvoir doit être géré autrement, dans l’intérêt du plus grand nombre.Cependant, force est de reconnaître que la machine à lui confiée ne tourne pas rond, non pas parce qu’il est incompétent -loin s’en faut !- mais parce qu’il ne détient pas tous les leviers du pouvoir à lui confié,comme nous allons le voir plus loin.Or ? l’idée d’une grande direction de la communication gouvernementale centralisée et pyramidale avec des ramifications dans chaque ministère n’est pas mauvaise.Si le message est correctement relayé de la base au sommet de la pyramide et inversement, il ne devrait y avoir aucun problème.Cette direction aurait dû permettre d’en finir avec les communicateurs à la gomme qui ont sévi sous le régime précédent qui ont passé le plus clair de leur temps à se remplir les poches entre autres des per-diems des journalistes et des frais de mission à l’étranger. L’image du ministère et des actions qui s’y menaient étaient le cadet de leurs soucis .Tout ce qui les intéressait c’était de se faire rapidement de l’argent pour se construire de grandes maisons, et s’acheter de belles voitures…comme les politiciens,leurs modèles. La communication se limitait à protéger leurs ministres contre les écrits jugés malveillants. Cependant, à l’avènement de la rupture,on a voulu mettre fin à des pratiques, sans régler le problème massif de la communication gouvernementale qui n’a rien à voir avec la propagande tapageuse des années noires du Prpb .A telle enseigne que aujourd’hui, la machine de la communication continue d’être grippée parce que fortement centralisée à la présidence avec peu ou presque pas de relais dans les ministères sectoriels qui se débrouillent avec les moyens du bord pour donner de la visibilité à leur ministère.
Deuxième tableau : la caporalisation totale et entière de la presse
En conséquence, comme sous le régime défunt, après une courte période dite de « normo -communication » par opposition à celle de l’hyper-communication de l’ère Yayi, on a fini par concluredes contrats non écrits cette fois-ci, dont les montants varient dit-on, selon les organes et selon les types de médias.Les montants que la rumeur attribue aux médias électroniques donnent le tournis et sont sans commune mesure avec ceux de la presse écrite.Il faut dire à à l’endroit de tous ceux qui ont de l’information une vision idyllique et naïve que de nos jours, La communication institutionnelle ne pose aucun problème aux éditeurs de presse ici et ailleurs dans le monde.Ella permet deréduire le poids des charges d’exploitation, dans un pays comme le nôtre où le marché publicitaire-déjà rétréci- n’est pas du tout réglementé. Tant qu’il s’agit de faire la promotion d’une institution, il n’ya vraiment pas de problème avec ces fameux contrats de communication. Tous les régimes du monde investissent dans la communication car, si un gouvernement fait des choses il faut bien qu’il le fasse savoir. De la sorte, les gouvernants sont informés au quotidien de ce que font les gouvernants pour eux. Mais là où le bât blesse, c’est quand le contrat de communication devient une sorte d’auto censure pour brider les médias et se transforme en propagande mensongère ethaineuse contre ceux qui critiquent la gouvernance des dirigeants. Quand l’expérience de la normo-communication a tourné court,celui qui fait office de tête pensante du premier cercle du pouvoir-suivez bien mon regard- a installé deux autres individus dont un responsable d’association professionnelle à qui on a confié la gestion des publications d’articles de presse à payer cash ou …avec un retard consentien fin de semaine. De là, les titres siamois (selon l’expression pittoresque du magistrat Michel Adjaka)que les lecteurs découvrent tous les matins dans les revues de presse des médias audiovisuels. De la sorte, la direction de la communication ainsi contournée, tourne à vide, puisqu’elle ne fait pas partie du premier cercle du pouvoir où se prennent les grandes décisions .Et par ricochet, elle ne détient pas non plus les cordons de la bourse. Alors viennent à l’esprit, pêle–mêle, des questions essentielles qui touchent aux fondamentaux même de la profession :Est -ce de cette manière qu’on veut conduire la gestion de la communication de tout un gouvernement pendant les quatre ans de pouvoir qu’il nous reste à vivre ?Quel genre de presse veut on promouvoir en profitant de la précarité dans laquelle croupissent la plupart des organes de presse pour les instrumentaliser à des fins politiciens inavouables ? Quelle image les médias de notre pays veulent –ils donner d’eux-mêmes en continuant de publier une telle littérature qui discrédite toute la corporation ? Questions troublantes s’il en est, que d’aucuns estiment qu’on ne devrait jamais évoquer, au nom de l’adage qui veut que le linge sale ne se lave qu’en famille. Je nous la pose en toute connaissance de cause,pour provoquer le nécessaire débat qui sortiranotre presse du chaos assimilable à la grande « saison d’anomie » que décrit le grand prix Nobel Nigérian Wole Soyinka dans son livre éponyme
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