Le chroniqueur Jérôme Carlos réagit à ce qu’il appelle la « macronmania ». Lire ci-dessous son argumentation
Comme coup d’audace, c’en est un. La République française continue d’en trembler. Emmanuel Macron, la quarantaine non accomplie, totalement inconnu il y a trois ans, a réussi l’exploit politique de devenir la coqueluche et la tête d’affiche de la France entière.
Les portes de L’Elysée s’ouvrent devant lui. Il entre dans l’histoire comme le huitième et le plus jeune Président de la cinquième République.
Le phénomène Macron a eu pour la France et sur la France les effets d’un tsunami politique de grande ampleur. On doit rebattre les cartes, recomposer l’échiquier politique, indiquer le chemin des vestiaires aux dinosaures frappés par les lois de la sélection naturelle, recadrer le paysage politique, en accordant une prime à la jeunesse et au talent.
Nous assistons ainsi à l’émergence d’un modèle politique nouveau, ceci à la suite d’un long mûrissement. Ce modèle a une histoire, une base sociologique et ses racines plongent au plus profond du terreau culturel français. Il n’est pas le fait d’une génération spontanée. Il n’a pas surgi par hasard. Emmanuel Macron n’en aura été que le révélateur. Il est à regarder comme l’incarnation publique et politique d’un mouvement souterrain arrivé à maturation. Et l’expérience tirée de ce phénomène qui a reçu l’aval d’une majorité de Français, reste et restera estampillée « Made in France ».
Autant dire qu’il faut arrêter immédiatement cette « macronmania » qui s’est emparée de la plupart de nos pays. On veut faire croire que le chemin du progrès c’est la plate transposition ici de ce qui s’est révélé bien là-bas. On veut faire accepter qu’il suffit de copier et de singer l’autre pour capter et capitaliser tout ce qui en fait la force et la puissance. On veut nous faire gober qu’on a plus qu’à propulser des jeunes à la tête de nos pays pour que, d’un coup de baguette magique, nous soyons au rendez-vous du développement. Sortons de cette candeur et naïveté d’enfants de chœur. Les Béninois doivent s’engager à inventer par eux-mêmes et pour eux-mêmes leur modèle politique. Hors de toute imitation servile. Loin de toute perfusion inopérante. Mais comment ?
Il est difficile d’identifier les divers ingrédients qui doivent rentrer dans la composition du plat politique national que les Béninois, dans leur majorité, appellent de leurs vœux. Mais on peut indiquer, dès à présent, ce que les Béninois excluent de ce plat. Le modèle politique béninois à venir, sera le fruit des efforts de réflexion, de création et d’invention des Béninois. Notre modèle, de ce fait, exclut les ingrédients ci-après, sur la foi de notre expérience historique : de notre accession à l’indépendance en 1960 à l’ère du « Nouveau départ » en 2017.
Les Béninois excluent de leur modèle politique le « pouvoir kaki » arrimé à une dictature militaire. Une telle expérience a négativement marqué les premières années de notre indépendance. Elle nous a valu l’infamante appellation de « l’enfant malade de l’Afrique ».
Les Béninois excluent de leur modèle politique tout bricolage, tout bidouillage du genre « présidence tournante. » Ce qui n’est pas sans rappeler l’expérience du « monstre à trois têtes » que nous avions connue et qui n’a pas peu discrédité notre pays.
Les Béninois excluent de leur modèle politique un pouvoir patrimonial qui confisque l’Etat au profit d’une famille, d’un groupe d’intérêt, d’un cercle de copains et de coquins. En somme, la mangeoire pour une minorité, la diète pour le reste.
Les Béninois excluent de leur modèle politique un pouvoir qui clive et divise notre peuple sur la base des idéologies importées, des considérations ethnocentriques, des discriminations de bas étages qui font la promotion de la médiocrité et l’apologie d’un apartheid qui ne dit pas son nom.
Les Béninois excluent de leur modèle politique toute forme de parachutage qui insulte l’intelligence de notre peuple. Soit avec un messie sorti de on ne sait où. Soit avec un oiseau rare échappé de on ne sait quelle cage. Soit avec un magicien bluffeur, cherchant à nous convaincre, à rebours de la sagesse des nations, que tout ce qui brille est or.
Les Béninois excluent de leur modèle politique l’arbitraire d’un tyranneau de village déguisé en démocrate, le fait du prince d’un potentat qui se moque du suffrage du peuple et fait des élections une simple formalité.
Voilà quelques pistes à explorer. Nous enfanterons au bout, par nous-mêmes et pour nous-mêmes, nos Macron. Pas de doute là-dessus, le modèle politique béninois est à ce prix.
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