Le grand sociologue allemand Max Weber dans Le savant et le politique, son chef d’œuvre de sociologie politique, a repris la distinction grecque devenue classique entre kratos, la source de la souveraineté et de l’autorité, et archê, le niveau du commandement et de la gestion de la Cité (polis). Aussi toutes les grandes dynasties, impériales et royales, toutes les grandes familles comme celles de l’Italie à la Renaissance, suivent-elles empiriquement cette régularité de ne jamais confier l’archê aux membres de la famille royale.
Dans l’Empire du Danhomê, du Baruten et d’Oyo par exemple, on n’associe jamais les membres de la famille royale (reines et princes) à la gestion quotidienne (archê) des affaires de la Cité ! A Abomey surtout, la gestion quotidienne des affaires du royaume est réservée à de grandes familles de roturiers, et pour cause ; on peut décapiter un roturier s’il fait mal mais jamais un prince, pour ce fait d’ailleurs plutôt présomptueux, arrogant et suffisant.
Or pour la famille Soglo, après la femme, reine donc, ce fut le « prince » qui eut à prendre la tête de la RB. Entendons-nous bien ! Rien de grave et politiquement non gérable ne s’est passé à la RB depuis que Lionel Zinsou son candidat à la présidentielle de 2016 a échoué. C’était un choix comme un autre, donc défendable. Mais alors, immédiatement après l’élection présidentielle, tout parti digne de ce nom aurait dû réunir ses militants lors d’une instance appropriée (congrès ou conseil national), faire le point et arrêter la position du parti suite à ce psychodrame collectif habituel de critique et d’autocritique. Rien à la RB depuis un an! Nous sommes en 2017 : aucune instance de ce genre n’a jamais été convoquée par le président Léhady Soglo ! Mieux, les militants et les sympathisants de la RB sont déboussolés car ils ne savent pas quelle est l’attitude au moins de la direction de leur parti par rapport au pouvoir en place, étant entendu qu’il est hasardeux pour un parti composé en majorité de Fons, de snober un Président de la République fon dont la mère est issue de la grande famille des Guèdègbé.
Seul un « Prince » peut à ce point faire montre de morgue et de suffisance pour ignorer superbement ce côté incontournable du fonctionnement collectif d’un parti politique. Dès lors, la situation était devenue conflictuelle entre la direction du parti et une partie de son Bureau politique dont son président. Or, les lignes bougent sur l’échiquier politique national, parce que dans tous les pays du monde, même dans les démocraties avancées comme la France, personne ne veut se cantonner dans une opposition stérile. Tout le monde souhaite être du côté du pouvoir et un parti ou un individu n’est cantonné dans l’opposition que si par accident il y est contraint ; d’où des manœuvres pour se rapprocher de la mouvance présidentielle. Soixante députés, excipant du vote qu’ils ont émis pour le projet de révision de la Constitution conçu par le Chef de l’Etat, s’en croient le droit d’être de sa mouvance politique ! D’où le BMP.
Or, devant cette évolution politique dans laquelle trois députés de la RB se sont vus obligés de suivre le mouvement, le président du parti, englué dans ses guéguerres contre le Préfet du Littoral et le Ministre du Cadre de vie et du Développement durable, n’a pas cru nécessaire de réagir politiquement face au pouvoir actuel en tant que partie du système politique. Dès lors, ce qui était au départ un conflit entre le Président Léhady Vinagnon SOGLO et certains de ses congénères du Bureau Politique s’est transformé en une crise dont les deux principaux épisodes, dramatiques s’il en fût, furent sa destitution le 19 mai et son exclusion du parti le 21 mai. Mao a dans ses fameux écrits philosophiques tout pénétrés de confucianisme, produit ce chef d’œuvre : De la Juste solution des contradictions au sein du Peuple. Pour cela, il faut tout faire pour que ces contradictions restent au niveau de conflits, qu’elles ne soient pas devenues des crises et donc des contradictions antagonistes.
Que faire ? Il ne s’agit nullement d’un problème de droit mais d’un problème politique. Les avocats du Président LVS arriveront facilement à convaincre la justice de notre pays que ces décisions prises lors des assisses d’Abomey sont illégales et de nul effet. Mais le prochain congrès des 23, 24 et 25 juin peut les valider dès son ouverture. Dans ce cas, ce n’est pas sûr que les Soglo garderont comme dans toutes les crises passées la paternité du nom RB. Même alors,ce sera une victoire à la Pyrrhus, car ce n’est plus une minorité de rebelles, mais une grande majorité des militants qui n’aura aucun scrupule à aller créer un autre parti (avec un autre nom : Union pour la Renaissance du Bénin par exemple) alors ouvertement pro-Talon. Nous pouvons imaginer la suite. La RB originelle réduite à une peau de chagrin sera totalement balayée lors des prochaines élections surtout que Maman ne se présentera probablement plus dans la 16ème circonscription. Pour éviter ce requiem malheureux, la seule instance qui peut encore réunir tout le Bureau Politique actuellement divisé, c’est le couple Soglo, surtout le leader charismatique de la Renaissance du Bénin, Son Excellence Nicéphore SOGLO. Avec la présidente-fondatrice, il détient les clefs de la réconciliation. En est-il conscient ? Les SOGLO n’ont rien à gagner en voulant maintenir coûte que coûte l’un de leur fils à la tête de la RB ; car même sans en être le président, LVS demeure le seul candidat valable du parti à l’élection présidentielle de 2021
Olivier Lucien GUEKPON,
(expert-consultant en stratégies politico-électorales)
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