Avec un budget 2017 de 2010 milliards en hausse de 41,24% par rapport au précédent, de grands changements étaient attendus au Bénin. Mises en concession, en affermage et gestion déléguée sont prévues dans les réformes économiques afin d’optimiser les performances de certaines structures. Mais ces réformes font face à de vives contestations de la part des syndicats et des travailleurs qui crient à la privatisation de l’économie. Grèves, sit-in, marches et menaces des syndicalistes rythment désormais les semaines dans l’administration béninoises pour protester contre ces réformes de libéralisation. Ces contestations diabolisant l’orientation libérale des réformes sont-elles réellement justifiées ?
D’abord, dans la constitution du 11 décembre 1990 encore en vigueur, le Bénin a opté pour le libéralisme économique. Or l’esprit du libéralisme économique suppose le « moins d’Etat » autrement dit une intervention très limitée de l’Etat dans la vie économique et une liberté de choix pour les acteurs économiques. Dans cette perspective, il apparaît que les réformes portant sur la libéralisation des différents secteurs d’activités sont conformes à la loi fondamentale en vigueur au Bénin.
Mais la liberté de choix, la transparence et l’égalité des chances qui devraient accompagner les réformes n’existent actuellement pas. En lieu et place, s’est installé un capitalisme clanique caractérisé par des marchés de gré à gré et une opacité sur les actions menées. Cela suppose l’asphyxie des opérateurs économiques dissidents ou simplement non adhérents au clan du pouvoir. On se souvient encore de la vague de décisions prises en début de mandat en faveur des sociétés du Président Talon fortement impliquées dans la filière coton et surtout du rétablissement du Contrat du Programme de Vérification des Importations dont le conseil d’administration était présidé par le Président Talon et suspendu par le précédent gouvernement.
Il est entre autres reproché au Président et ses proches de vouloir contrôler tous les secteurs d’activités économiques du pays. A n’en point douter, il faut désormais être dans le secret des dieux pour savoir de quoi seront faits les lendemains du Bénin. En témoigne le transfert d’une des activités du Conseil National des Chargeurs du Bénin à une structure privée sans qu’aucune information n’ait filtré sur le processus avant son aboutissement. La transparence et la reddition des comptes sont très clairement absentes de la gouvernance des réformes.
Ensuite, le libéralisme signifie la sécurité juridique et la protection des droits de propriété (pas uniquement les personnes, les biens, le capital, mais aussi tout fruit d’un travail licite). Or en la matière l’Etat Béninois a déjà écopé de plusieurs peines de dommages et intérêts notamment pour suppression abusive de contrat avec Benirail et Benin Control et d’autres procès sont actuellement intentés par des opérateurs économiques du pays contre l’Etat.
C’est donc à juste titre qu’il se retrouve 144ème sur 190 économies, avec une moyenne de 4 pendant que celle de l’Afrique subsaharienne est de 4,3 pour l’indice de protection des actionnaires minoritaires dans le classement Doing Business de 2017. De plus, l’indépendance du pouvoir judiciaire n’est pas une réalité aujourd’hui au Bénin car bon nombre de dossiers subissent encore l’interférence de l’exécutif à en juger leurs issues. Le dernier cas flagrant fut le non-lieu dans l’affaire PPEA 2 avec 2,6 milliards Fcfa détournés et l’absence de responsables.
Pourtant sans une justice équitable et indépendante, les différents acteurs économiques ne sont pas sur le même pied d’égalité même si on prône à cor et à cri la libéralisation. Pour ces raisons et bien d’autres encore l’Indice de gouvernance de Mo Ibrahim classe le Bénin au 15ème rang en Afrique avec une moyenne en baisse de 0,2 pour l’indicateur de l’Etat de droit regroupant les sous-catégories, droits de propriété, procédure judiciaire, indépendance de la justice, sanctions et transferts de pouvoirs.
De même, le libéralisme est synonyme de vraie et saine concurrence mais les informations ci-dessus font déjà état de défaillances à ce niveau. Une vraie concurrence n’est pas envisageable quand un groupe est prioritaire pour des marchés qui en plus sont passés de gré à gré. Il n’est pas étonnant alors que le Bénin figure au 95e rang sur 175 pays dans l’Indice de perception de la corruption de Transparency International en 2016, en recul de 15 places par rapport à 2014.
Par ailleurs des conditions étouffantes et inutiles continuent de rendre l’initiative privée accessible seulement à ceux qui en ont les moyens financiers et le relationnel. En effet, selon le rapport Doing Business 2017, un transfert de propriété prend 120 jours de procédures au Bénin alors que la moyenne en Afrique subsaharienne n’est que de 60 jours. Pour cette même opération le Béninois devra débourser 11,50 % de la valeur du bien alors que la moyenne en Afrique subsaharienne n’est que de 8%. L’initiative privée s’avère donc particulièrement lente et coûteuse par rapport à la moyenne régionale.
Mais plus encore, le coût de l’énergie est encore élevé, puisque le raccordement à l’électricité coûte l’équivalent de 12581% du revenu par habitant, alors que la moyenne en Afrique subsaharienne est de 3872%. Au Bénin, il y a 57 différents impôts à payer par année contre 39 en Afrique subsaharienne. Dès lors, on comprend qu’il ne suffit pas de décréter la libéralisation mais il faut surtout en satisfaire les prérequis. La nécessité d’ouvrir le marché est aujourd’hui évidente au regard des mauvaises performances du Bénin. Ce qui lui vaut d’être classé 126ème sur 159 économies sur l’indice de liberté économique de l’Institut Fraser.
En ouvrant réellement les marchés, non plus à des groupes d’amis mais à l’ensemble des investisseurs potentiels et en garantissant une véritable égalité des chances, le gouvernement peinerait moins à convaincre les Béninois qui sont actuellement convaincus que les réformes économiques sont des arguments de prévarications. Mais ce qu’il faudrait réellement incriminer, ce n’est pas tant les réformes de libéralisation mais l’absence de préalables nécessaires, l’opacité et leur mauvaise gouvernance.
Mauriac AHOUANGANSI, doctorant-chercheur béninois.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.
SOURCES :www.courrierdesafriques.net
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