Beaucoup le pensaient et le disaient sans trop de preuves, mais hier à l’Assemblée nationale, le président Adrien Houngbédji a fini par se livrer. Tel le serviteur docile, il a pris la défense de son maître en accusant le député Guy Mitokpè, d’outrage à l’institution que représente le président de la république. C’est un précédent grave dans l’histoire de l’Assemblée nationale. En pleine séance plénière, le président de l’Assemblée nationale, piqué par on ne sait quelle mouche, réagit à brûle pourpoint et empêche le député de Guy Mitokpè de lire sa déclaration.
Raison avancée : outrage au président de l’Assemblée nationale et surtout au Chef de L’État, tous deux des institutions. Une première fois, il a tenté de l’arrêter de lire, avant de revenir à la charge quelques minutes plus tard en suspendant la séance. Cet acte d’une rare agressivité, présente le président Adrien Houngbédji comme un personnage qui prend les allures d’autocrate réfractaire à la moindre contradiction. Mais le plus grave c’est qu’il donne de sa personne l’image d’un président de l’Assemblée nationale aux ordres, et qui ne travaille que pour plaire au président de la république, hostile aux principes de la démocratie et de la liberté d’expression. « Je n’accepterai pas que vous fassiez outrage aux institutions. Vous ne pouvez pas outrager le chef de l’Etat, c’est une institution », a-t-il dit sans état d’âme.
On voit clairement l’option du président de l’Assemblée nationale de se poser en avocat défenseur de la cause du président. Cette phrase illustre qu’il est au service du chef de l’Etat, dont il prend la défense sans en avoir la prérogative. Mieux, cette phrase confirme les soupçons sur la vassalisation de l’Assemblée nationale, qui s’apparente de plus en plus à une caisse de résonance du pouvoir par le quitus qu’elle accorde systématiquement à toutes les lois du gouvernement, même les plus dangereuses. On se rappelle que lors du lancement du Programme d’action du gouvernement (Pag), le président Talon avait demandé aux députés de « voter les yeux fermés ». Or, cette assemblée devrait jouer le rôle d’institution de contre pouvoir, qui aux termes de la constitution a pour prérogative de contrôler l’action du gouvernement. Le contrôleur devient peut-il être un défenseur ? Lorsque la compromission atteint ce niveau, la démocratie est en berne.
Le verbatim des échanges Houngbédji et Mitokpè
Excellence M. le président de l’Assemblée Nationale, chers collègues députés
Comme poussée par une fatalité aveugle qui s’acharne depuis avril 2016 à compromettre dangereusement l’avenir de notre nation, notre parlement au plus grand mépris de ses attributions constitutionnelles, s’est résolument installé dans le rôle d’un exécutif bis. Pendant une année, nous de la minorité parlementaire, avons observé et tenté d’opiner diplomatiquement sur les dérives du gouvernement à travers les rencontres folkloriques du chef de l’Etat avec les groupes parlementaires, mais nous n’avons pas été écoutés.
(Président de l’Assemblée) : s’il vous plait cher collègue, nous n’accepterons pas que vous fassiez outrage aux institutions de la République. Vous avez commencé par un premier outrage concernant l’Assemblée Nationale elle-même, et je suis passé là-dessus. Mais vous ne pouvez pas outrager le chef de l’Etat. Ce n’est pas possible, c’est une institution. Donc essayez de modérer vos mots. Nous sommes ici à l’Assemblée Nationale, nous ne sommes pas en meeting.
- le président de l’Assemblée Nationale, je crois bien que c’est la déclaration d’un groupe du parlement.
(Président de l’Assemblée) : Oui mais je peux sanctionner
Bon, je sais que vous pouvez sanctionner M. le président, mais je ne discute pas avec vous. Si vous m’arrêtez, je retourne à ma place simplement. Merci infiniment, je continue M. le président. En avril 2017, nous avons empêché la mise en œuvre de la plus vaste imagination qui allait ouvrir la voie à la décapitation de notre jeune démocratie. Depuis, nous subissons les assauts les plus redoutables, mais qui ne nous émeuvent point, et qui sont condamnés à l’échec. Car nous avons foi en notre peuple. Ainsi donc, vous assumez la lourde responsabilité, appuyé par nos collègues retranchés avec vous dans une zone de confort moralement inconfortable, la lourde responsabilité disons-nous, de la destruction proclamée de votre jeune démocratie, une démocratie dont la vivacité offre à tous la tranquillité de vivre, et même à un exilé la possibilité de revenir sur la terre de ses ancêtres se faire élire président de la République. M. le président de l’Assemblée nationale, nous sommes députés et assumons à notre moral défendant, toutes ces lois inappropriées que nous votons dans cet hémicycle au nom de la dictature de la majorité, à travers une commission des lois à genoux devant le ministre de la justice. Monsieur le président de l’assemblée nationale…
(Président de l’Assemblée) : Ces propos là seront sanctionnés. Si vous en faites encore trop, je suspends la séance.
Avec votre permission, je continue M. le président
(Président de l’assemblée) : Si j’en entends encore un mot, je suspends la séance.
- le président
(Président de l’assemblée) : La séance est suspendue
Laisser un commentaire