Quel système partisan pour accompagner le développement du Bénin ?

A la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990, le Bénin a fait l’option du multipartisme intégrale. Cette option, consacrée par la constitution, met fin au système de parti unique et ouvre la voie à la création des partis politiques qui concourent à l’expression du suffrage. Les conférenciers, en faisant cette option, faisaient confiance au bon sens des hommes et femmes politiques dans la mise en œuvre du multipartisme intégrale. Plus d’un quart de siècle de pratique de la démocratie pluraliste, quel bilan du système partisan peut-on faire?

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Le bilan du pluralisme politique n’est pas reluisant. En une dizaine d’année nous avions déjà une bonne centaine de partis politiques et les récents chiffres les estiment à deux cents. Cette augmentation peut être interprétée comme une vitalité du multipartisme intégrale mais cela cache un mal profond qui freine le développement du pays. En effet, aucun parti politique n’a une assise nationale; la plupart a une très faible assise populaire. Le plus grand nombre de partis politique a une base régionale. Il y a des partis politiques avec des ancrages communaux, des partis dont l’influence ne dépasse guère un arrondissement et des mouvements politiques qui n’existent qu’à l’occasion des élections pour capter la manne financière. Il en résulte leur faible représentation à l’Assemblée nationale où, pour la septième mandature, seulement 02 partis peuvent réclamer des députés exclusifs, le reste provenant des jeux d’alliances partisanes. D’autre part, et c’est la principales question, la notoriété et les ressources financières de ces partis dépendent quasi-exclusivement de celles de leurs leaders-fondateurs. Il en résulte une absence de vie démocratique et un style de gestion très peu participatif, parfois consultatif voire autoritaire. Les décisions, très rarement discutées en interne, sont prises par le président fondateur et ne peuvent être remise en cause. De plus, les partis politiques n’ont de militants que les membres du bureau politique. Certains membres du bureau politique ne sont militants que lors du congrès électif.

En conséquence, après plus de vingt-sept (27) années de pratique du multipartisme intégrale, les conclusions ne sont pas fameuses. D’abord, aucun membre de parti politique n’a pu se faire élire Président de la République. C’est un individu venu de nulle part qui leur rafle la vedette grâce au pouvoir d’argent. Une fois élu, il s’entoure des amis, des parents et des connaissances; envisage ensuite un plan de gouvernance constitué des idées par ci et par là sans fil conducteur pour diriger le pays. Sa gestion est très souvent caractérisée par des actions de remerciement de ses soutiens et par des scandales. Il finit son mandat sans grand changement dans le vécu des populations comme le démontre l’incidence de la pauvreté. Les données sur la pauvreté indiquent que la pauvreté touchait 29% de béninois en 1996, 30% en 1999, 33% en 2007 et qu’en 2015, il y avait 40,1% de pauvres.

Ensuite, on peut noter que les élus locaux doivent généralement leur élection à leur appartenance à la commune et à leur ressource financière. Très souvent dépourvus de plan de développement, les élus locaux ne s’intéressent à leur commune que pour des mannes financières, indemnités de sessions et distribution des marchés publics. S’ils ne sont pas satisfaits de la distribution, ils déclenchent des procédures de destitution pour des motifs fallacieux.

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Enfin, les députés se font habituellement élire par des jeux d’alliance avec d’autres partis; des alliances qui prennent fin une fois les élections terminées. Cela suppose parfois pour eux de donner la priorité à leur intérêt personnel par des jeux d’achat massif des consciences des populations affamées qui profitent des joutes électorales pour ramasser des miettes au détriment de plan d’amélioration de leur bien-être. Ainsi, on note le vote très peu de lois qui régissent le vivre en commun. En effet, on constate une décroissance significative du nombre de ces lois. Elles sont passées de 53% des lois votées à la première mandature à 28% à la sixième mandature. Le contrôle de l’action gouvernementale est rare et très inefficace. Il y a très peu d’enquête parlementaire et s’il y en a, soit les rapports ne sont pas déposés soit ils ne sont jamais exploités. Le Gouvernement est saisi sur certains faits mais donne très peu de réponse. Comme on peut le voir lors de la présentation des vœux du premier vice-président du parlement He Eric HOUDETE « En 2017, sur seize (16) questions d’actualité posées au gouvernement, neuf (09) ont été examinées. Sur soixante (60) questions orales avec débat posées au gouvernement, dix-huit (18) seulement ont été examinées. Sur quatorze (14) questions écrites adressées au gouvernement, aucune réponse n’a été enregistrée. En 2017, le Parlement a mis sur pied deux (02) commissions parlementaires d’enquête. Les rapports des deux commissions sont toujours attendus». De plus, on remarque que l’examen des lois est sélectif. Par exemple, la proposition de loi sur les loyers des bâtiments à usage d’habitation est sur la table des députés depuis 2015 alors que les propositions de loi telles que la loi sur les collaborations extérieurs, la loi sur le partenariat public privé ont été rapidement examinées. Pourtant la loi sur les loyers des bâtiments à usage d’habitation concerne des millions de jeunes et des milliers de ménages et pourrait augmenter leur pouvoir d’achat. On peut s’interroger sur la pertinence de ce traitement. Par ailleurs, on constate que la plupart des lois sont votées, «les yeux fermés», sans grand débat autour de leurs implications. Elles passent souvent comme une lettre à la poste. Ce qui pourrait rendre ces lois inopérantes ou sans objet.

Face à cet état inquiétant du système partisan, nombre d’acteurs politiques s’accordent qu’il y a urgence à réformer ce système qui ne fait avancer le pays ni sur le plan social ni sur le plan économique puisque l’économie dépend des choix politiques. Ils sont tous unanime sur  la création de grands partis politiques qui doit fait disparaitre les petits partis communautaires sans être une agrégation des partis; mais curieusement aucune des alliances ne fait le pas vers la création de grands partis politiques. Pire, leur solution à la crise du système partisan est le financement public des partis politiques. La logique sous-jacente étant que l’argent public devrait donner aux partis une assise nationale, les faire structurer et faire d’eux des lieux d’expressions démocratiques. Comment peut-on mettre de l’argent public dans un système opaque et surtout peu ou mal organisé? Au Mali, le financement public est parfois cité comme cause d’un certain accroissement du nombre de partis politiques et comme source d’enrichissement des premiers responsables de ces formations politiques au point qu’il provoquerait même des conflits en leur sein, entre autres. Tout porte à croire que mettre de l’argent public dans des organisations comme nos partis politiques actuels reviendrait à jeter l’argent public par les fenêtres, c’est mépriser la misère des populations pauvres de ce pays. Que peut-on alors faire pour sortir de ce système partisan qui ne favorise pas le développement du pays?

Avant de parler de financement, il apparait plus pertinent de revoir les conditions de création de parti politique. Un parti politique doit avoir une envergure nationale, c’est une condition primordiale voire non négociable. Il doit avoir des organes dans tous les départements et autant que possible dans les communes et être doté de règlement intérieur. Ces organes doivent fonctionner régulièrement selon les textes qui régissent le parti. Le règlement intérieur doit définir les organes  du parti, son fonctionnement, son mode de financement et la gestion du contentieux. Il doit aussi préciser la périodicité de la tenue des réunions statutaires et leur nombre. A sa création, un parti politique doit avoir au minimum trois cents (300) membres à raison de vingt-cinq (25) par département. La mise en place de tous les organes du parti doit intervenir au plus tard deux (02) ans après le congrès constitutif du parti. Ainsi, après la mise sur les fonds baptismaux du parti, le ministère de l’intérieur, et surtout pas une agence à la présidence qui ne garantirait pas une certaine indépendance, leur délivre un récépissé provisoire valable pour deux ans. Durant cette période, le parti peut animer la vie politique et participer aux élections. Mais, passer ce délai, si l’organisation du parti n’est pas complet, il est dissout et ne jouit plus des droits liés à l’existence de parti politique. Aucun parti ne peut participer aux élections législatives sur une liste d’alliance. Le parti politique doit, en outre, tenir un registre des militants et établir une carte de membre. Un militant ne peut appartenir à deux ou plusieurs partis politiques à la fois. Les responsables des organes du parti doivent être élus par les militants selon le mode qu’ils auraient retenu. Enfin, il doit avoir un débat démocratique au sein du parti sur toutes les questions liées à la république. C’est de ces débats que le parti retient sa position officielle. Chaque parti doit donc avoir une ou des idéologies. Il ne s’agit pas d’être de gauche, du centre ou de droite qui ne semblent pas pertinents sous nos cieux. L’idéologie va correspondre à la ligne de développement que le parti souhaite imprimer pour le pays.

Lorsque toutes ces conditions seront réunies, le financement public des partis politiques pourrait intervenir. Le financement public ne peut excéder 40% des ressources du parti. Des critères doivent être définis pour bénéficier de ce financement. Ainsi, pour bénéficier du financement public, le parti, en plus des conditions liées à l’organisation et au fonctionnement, doit avoir un service de comptabilité qui assure la gestion des ressources et des dépenses. Les fonds  publics ne doivent pas servir à l’achat de conscience dans le cadre des élections (per diem lors des réunions électorales) ni à faire des paiements en espèce. L’absence d’un organe et le non fonctionnement des structures du parti sur les deux années précédant l’année fiscale du paiement font perdre le droit au financement public. Le financement du parti est suspendu dès lors que le parti est en crise jusqu’à son règlement définitif. Le financement public est accordé aux partis politiques suivant un seuil minimum de suffrages obtenus et en fonction d’un pourcentage de circonscriptions électorales dans lesquelles les voix sont obtenues. Enfin, il faut désigner un organe chargé de l’audit de la gestion et du respect des conditions de bénéfice du financement public.

Ainsi, nous aurons des partis politiques avec une assise nationale débarrassés du clientélisme, d’achat de conscience où se mènent des débats démocratiques, des débats d’idées pour le développement du pays. C’est la condition sine qua non pour avoir des élus locaux, députés et président de la république imbus du sens patriotique, du devoir de servir et qui pensent d’abord développement du pays. C’est ce que je crois.

Odilon LOKO(contribution)

Ingénieur Statisticien

2 réponses

  1. Avatar de Bonaventure Y.
    Bonaventure Y.

    Mr LOKO,
    Pour commencer, je voudrais vous féliciter pour avoir eu le courage d’aborder une question aussi délicate mais combien nécessaire dans la perspective d’un développement de notre pays. Oui au Bénin, on écrit presque pas, on ne laisse pas traces (papiers) de nos idées, de nos opinions pour que la postérité puisse s’en inspirer et que l’on évite un éternel recommencement.

    Ensuite, j’ai beaucoup apprécié la structure du texte. Partir des observations, des faits chiffrés, vous avez posé le diagnostic, et le plus important (quoique les parties précédentes n’en sont pas moins), vous avez fait des propositions concrètes, qui par ailleurs ont du sens à mon avis. Il ne serait pas inutile de les expérimenter (avec d’ éventuels apports des uns et des autres) enfin d’ajuster ou de corriger ce qui doit l’être.

    Pour finir, je suis de ceux qui pensent que la meilleure manière de faire adhérer du monde à une cause et de façon durable, c’est de donner le bon exemple et d’être constant. Il s’agira donc pour nous jeunes de donner la preuve qu’il est possible de mettre en place un parti politique bien organisé à vocation nationale et où le financement sera d’abord assuré par une contribution de ses militants qui ne doivent pas se limiter aux membres du bureau.

  2. Avatar de gombo offline
    gombo offline

    pas d’argent pour le clubs electoraux ethniques !
    des gens comme Amoussou et Houngbedji dont les partis en 25 ans n’ont de deputes que dans leur ethnie ( adja , goun) et region ne meritent aucun sou public pour perpeteur l’achat des consciences et se payer les benefices de leur entreperuenariat politique apres avoir plume le pauvre Zinsou !

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