Bénin : Joseph Djogbénou dresse un bilan trop élogieux du secteur de la justice

Dans le cadre du bilan des deux années de pouvoir du gouvernement de la rupture, le garde des sceaux, ministre de la justice, Joseph Djogbenou a été reçu sur le plateau de la télévision nationale, Ortb, hier lundi 9 avril 2018. Il a passé en revue le bilan des deux années d’exercice du pouvoir dans le secteur de la justice. Pour le garde des sceaux, ce bilan est essentiellement positif, posant ainsi un regard angélique dans le secteur de la justice sur lequel les citoyens formulent pourtant de nombreuses récriminations.

Sur l’état des lieux physique, le ministre Djogbénou rappelle qu’en avril 2016, lorsque le nouveau régime entrait en fonction, la maison justice était « dans un état de délabrement » La justice avait été dépouillée. Le secteur de la justice comptait environ 150 magistrats seulement. Pendant que les cours d’appel de Parakou et d’Abomey ne comptait chacune que deux magistrats chacune. Seule la Cour d’appel de Cotonou était opérationnelle. Face à cette situation, le président a instruit le ministre de la justice de lui proposer un programme de réaménagement du secteur de la justice. C’est ce que le ministre de la justice a traduit en tournée d’inspection des différents tribunaux et cours sur l’ensemble du territoire. En exploitant les résultats de cette tournée d’inspection, le gouvernement a décidé d’améliorer la structuration des services judiciaires en termes de matériel et de personnel. Ainsi, le gouvernement a organisé des concours qui ont permis de recruter 80 auditeurs de justice dont 78 ont été retenus pour être formés comme magistrats, 100 greffiers et des officiers de justice.

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Les réalisations concrètes

Le ministre Djogbénou met également à l’actif du gouvernement, la loi sur le nouveau statut des magistrats qui n’attend que d’être promulguée, la création des chambres administratives et le tribunal de commerce de Cotonou qui sont déjà tous opérationnels. Par ailleurs, il affirme que le gouvernement a amélioré l’administration pénitentiaire à travers la création de l’agence pénitentiaire avec à sa tête un directeur général coiffé par un conseil d’administration. Par cette agence, le gouvernement a voulu transférer au secteur privé, la gestion de l’univers carcéral pour des besoins d’efficacité. Dans le même sillage, le gouvernement a créé des maisons de détention pour des prévenus qui attendent d’être jugés et des maisons correctionnelles pour des prévenus qui purgent des peines d’emprisonnement.Le gouvernement a aussi œuvré à rendre opérationnelle le double degré de juridiction pour permettre aux mis en cause de jouir des possibilités d’interjeter appel.

La politique pénale du gouvernement

Ce bilan intègre aussi la politique pénale du gouvernement qui distingue deux sortes de délinquants : « les délinquants à col bleu » qui rassemblent des personnes traduites en justice pour des larcins ou des infractions de survie. Le ministre indique que le chef de l’Etat recommande que les juges prononcent à l’endroit des ces justiciables, des peines utiles sans grande sévérité. A contrario, il recommande des sanctions les plus sévères à l’endroit des « délinquants à col blanc » qui sont des personnes poursuivies pour des cas de détournement de fonds publics, de prévarication, de crime de sang, de viol, de meurtre etc. répondant à la question relative aux poursuites dites sélectives dans le cadre de la lutte contre la corruption, Joseph Djogbénou a dit que c’est une perception véhiculée par l’opinion qui découle de la négation de la « culture de la punition ». Il soutient que des organisations politiques, religieuses et même de la société civile militent pour ces poursuites sélectives en refusant à la justice de poursuivre certaines personnalités. Pourtant, tous les citoyens devraient accepter la reddition des comptes judiciaires y compris lui-même.

Un bilan discutable

Sur le salaire ou traitement, des salaires des ministres, le ministre de la justice trouve que les hommes et les femmes choisis pour conduire les réformes du chef de l’Etat, ne peuvent les réaliser que s’ils ont le minimum pour éviter « de procéder comme on procède ». Entendu comme étant le fait de verser dans les détournements. Joseph Djogbénou nie l’existence de tout conflit d’intérêt au sommet de l’Etat, indiquant plutôt que le seul intérêt poursuivi par le chef de l’Etat est l’intérêt national ou général. Au total, le ministre de la justice a présenté un bilan élogieux qui frise l’angélisme.

Rien à reprocher, rien à améliorer et rien à corriger. Il y a pourtant à dire sur le désengagement de l’Etat dans la gestion des établissements pénitentiaires que le gouvernement a confiéeau secteur privé à travers la création de l’agence pénitentiaire. Depuis cette privatisation, les conditions de vie en milieu carcéral se sont-elles améliorées ? On peut aussi trouver à redire sur la conduite de l’opération de lutte contre la corruption. Le ministre de la justice peut-il convaincre l’opinion de l’objectivité dans le choix des personnes àpoursuivre et de la totale impartialité de la justice ?

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Quid de l’organisation de l’appareil judiciaire proprement dit ? Le gouvernement met-il toujours l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ?N’y a-t-il pas dans l’attribution d des postes à pourvoir dans le secteur judiciaire une volonté de contrôler les principales juridictions par le positionnement des hommes « surs » et proches du pouvoir de la Rupture ? Que dire du rattachement de l’Agence judiciaire du trésor(Ajt) au ministère de la justice alors qu’elle a longtemps été sous la tutelle du ministère des finances,-ce qui semble logique-avant d’être placée sous la tutelle de la présidence de la république sous le président Yayi ?Pourquoi le poste d’Ajt longtemps dévolu à un magistrat est aujourd’hui occupé par un des plus proches collaborateurs du ministre professeur Joseph Djogbénou, par ailleurs doctorant sous son encadrement ?

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