Installée le mercredi 6 juin 2018 par le Président de la république, la nouvelle équipe composée des 7 sages de la Cour constitutionnelle, 6e mandature, a procédé le lendemain jeudi 7 juin 2018, à l’élection du bureau, ayant à sa tête le professeur Joseph Djogbénou, élu président à l’unanimité.Le vendredi 8 juin 2018, c’était la passation de service entre le bureau entrant et le bureau sortant. Cette nouvelle équipe de la haute juridiction béninoise qui vient ainsi d’entrer en fonction, devra consacrer le principe de la séparation des pouvoirs que les mandatures précédentes ont relativement peu observé. Jamais dans l’histoire politique du Bénin, une équipe de sages de la Cour constitutionnelle n’a suscité avant son entrée en fonction autant de doutes et de suspicions. L’une des raisons qui peut expliquer ce climat de soupçons généralisés, est la matérialisation de la prédiction des rumeurs.
C’est pratiquement depuis le début de l’année 2018 que les rumeurs annonçaient l’ambition du chef de l’Etat de faire désigner son lieutenant et ministre de la justice, Joseph Djogbénou, au poste de président de la Cour constitutionnelle. Ces informations diffusées sur les réseaux sociaux, étaient considérées pour les adeptes de l’esprit cartésien, comme relevant de la rumeur. Il a fallu attendre le mois de mai 2018, lorsque l’Assemblée nationale a désigné le ministre de la justice parmi ses 4 personnalités à la Cour constitutionnelle, pour que les plus sceptiques commencent à accorder du crédit à cette rumeur.
Et depuis le choix jeudi dernier de l’ancien garde des sceaux comme nouveau président de la Cour, la rumeur s’est royalement vérifiée au point où toutes les prédictions des réseaux sociaux, trouvent aujourd’hui une grande considération dans l’opinion. La nouvelle équipe des 7 sages devra donc démentir ces rumeurs dont une partie est pourtant avérée.
Un démenti possible ?
Ces prédictions présentent le nouveau président de la Cour constitutionnelle comme un chargé de mission de l’exécutif. Selon cette thèse, toutes les lois qui ont été invalidées sous l’ancienne équipe de la Cour constitutionnelle, seront de nouveau présentées au parlement où le gouvernement jouit d’une majorité qualifiée. Ces lois seront par la suite validées par la Cour constitutionnelle. C’est donc à la Cour actuelle de prouver son indépendance en s’attachant essentiellement à la constitution dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois votées au parlement, des actes pris par les institutions de la république ou dans le cadre de l’étude des saisines des membres des institutions ou des citoyens ordinaires.
C’est cette capacité de détachement des membres de l’actuelle Cour qui divise l’opinion. Nombreux sont ceux qui estiment qu’il sera difficile à l’actuel président de la Cour de se départir de ses attachements antérieurs connus de tous. C’est pour cela que des préjugés et autres procès d’intention prospèrent, non sans fondement. Pour preuve, un député membre du bloc de la majorité parlementaire, de passage sur une radio privée de Cotonou le vendredi 8 juin dernier, a laissé entendre que ; « j’espère que cette Cour ne s’opposera pas au gouvernement ». Des propos qui permettent de comprendre après coup la campagne de dénigrement engagée contre la précédente Cour.
L’illusion de la collaboration
On comprend maintenant à travers les propos de ce député, que toute Cour qui ose prendre des décisions contraires aux attentes du gouvernement, est classée dans le lot des opposants au gouvernement. C’est pour cela qu’il fallait « jeter ses décisions dans la poubelle » ou encore déclarer que cette « Cour n’est pas crédible ». Pourtant le rôle de la Cour n’est ni d’être alliée du gouvernement encore moins de lui être opposée. Son rôle est de vérifier la conformité des actes et décisions des institutions à la constitution. Les théoriciens de la séparation des pouvoirs ont conçu cette institution pour limiter et encadrer les actes de l’exécutif.
Dès lors, ceux qui avancent l’idée de la collaboration entre les institutions ne doivent pas perdre de vue le fait qu’il s’agit d’une collaboration horizontale qui renvoie à des institutions d’égale considération et non de collaboration verticale qui suppose que la Cour constitutionnelle soit au dessous de l’exécutif. Le rôle de la Cour vis-à-vis de l’exécutif est comparable à celui que joue le commissaire aux comptes auprès du trésorier dans une association.
Tous les membres de l’association comptent sur le commissaire aux comptes pour approuver ou objecter le bilan financier présenté par le trésorier. Un tel rôle le contraint à être le surveillant du trésorier et non de son complice. Toute complicité entre le trésorier et le commissaire aux comptes sera préjudiciable pour l’association. C’est donc trompeur d’appeler la Cour à la collaboration avec l’exécutif, la nature de sa mission la contraint la plutôt à privilégier la séparation des pouvoirs.
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