Bénin : Malgré 4 dispositions contraires à la Constitution, la Cour valide le code électoral

Le nouveau code électoral est globalement conforme à la constitution. C’est l’avis des sept sages de la Cour constitutionnelle du Bénin. La séance plénière consacrée à l’étude du nouveau code électoral a eu lieu hier mardi 02 octobre au siège de la Cour constitutionnelle à Cotonou. Sans surprise, la loi a été déclarée conforme à la constitution hormis certaines de ses dispositions. Il s’agit des dispositions des articles 227, 244, 249 et 308. Ces articles du code électoral prescrivent entre autres  aux douaniers et agents des eaux et forêts assimilés aux forces de défense et de sécurité de démissionner 12 mois avant les  élections législatives et imposent aux citoyens naturalisés béninois de résider dix années sans interruption sur le territoire béninois. Ils violent le principe d’égalité de tous les citoyens béninois devant la loi. Un principe consacré par l’article 26 de la loi fondamentale.

Pour la Cour Djogbénou, ces dispositions sont séparables de l’ensemble de la loi n° 2018- 31 portant code électoral en République du Bénin votée par l’Assemblée nationale le 03 septembre dernier .Selon le député Louis Vlavonou interrogé par la radio nationale, le président de la République peut directement promulguer le code en soustrayant les dispositions contraires à la constitution. Il peut aussi le renvoyer au parlement pour  que ces dispositions anticonstitutionnelles soient corrigées. En définitive, le quitus fiscal, les cautions à la présidentielle et aux législatives restent bel et bien dans le code électoral puisqu’ils n’ont pas été déclarés contraires à la Constitution.

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Lire ci-dessous la décision

DÉCISION DCC N°18-199 du 02 octobre 2018

Saisie d’une requête en date à Cotonou du 13 septembre 2018 par laquelle Monsieur le Président de la République, sur le fondement des articles 117 et 121 de la Constitution, défère à la haute juridiction pour contrôle de conformité à la Constitution, la loi n° 2018-31 portant code électoral en République du Bénin, votée par l’Assemblée nationale le 03 septembre 2018 ;
Saisie d’une autre requête en date à Porto-Novo du 06 septembre 2018 enregistrée à son secrétariat le 10 septembre 2018, par laquelle Monsieur Paul S.DEHOUMON, juriste-consultant, demeurant à Porto-Novo, 01 BP 657 Porto-Novo, forme un recours en inconstitutionnalité de la même loi;
Saisie d’une troisième requête en date à Abomey-Calavi du 12 septembre 2018 enregistrée à son secrétariat le 13 septembre 2018 sous le numéro 1957/268/REC-18, par laquelle Monsieur Sourou Prince Boris AKE, demeurant à Allègléta, 01 BP 1169 Cotonou, forme un recours en inconstitutionnalité de la même loi;
Considérant que les trois recours sous examen portent sur le même objet ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;
Considérant que Monsieur Paul DEHOUMON soulève l’inconstitutionnalité des dispositions du code électoral qui, au titre des conditions d’éligibilité, exigent des candidats, d’une part, d’appartenir à un parti politique au motif que cette exigence viole la liberté d’association du citoyen reconnue par la Constitution en son article 25 ainsi que la Charte africaine des droits de I’homme et des peuples en ses articles 2, 3, 10 et 13, d’autre part, de produire un quitus fiscal pour les candidats aux élections législatives alors que pour l’élection du Président de la
République, il est demandé de fournir la preuve du paiement de l’impôt des trois dernières années ; que cette disparité de traitement rompt le principe d’égalité des candidats aux différentes élections; qu’en outre, il soutient que le relèvement du montant des cautionnements pour l’élection du Président de la République et celle des membres de l’Assemblée nationale méconnaît les principes de la démocratie, régime de gouvernance pour lequel le Bénin a opté ; Que de son côté, Monsieur Boris AKE soulève l’inconstitutionnalité des mêmes dispositions auxquelles il rajoute celles relatives à l’interdiction faite aux potentiels candidats aux élections législatives d’y prendre part au moyen d’alliances de partis politiques et l’obligation qui leur est faite de réunir au moins 10 des suffrages exprimés sur l’ensemble du territoire national pour prétendre à l’éligibilité; qu’il conclut que lesdites dispositions sont discriminatoires et anti démocratiques ;

Considérant qu’en réponse, le Président de la République, par l’organe du Secrétaire général du Gouvernement, soulève, au
principal, l’irrecevabilité des recours formés par Messieurs Paul DEHOUMON et Boris AKE, en raison de ce que, ils n’ont pas qualité à saisir la Cour sur une loi non encore promulguée, au subsidiaire, le mal fondé de leur demande ; que l’exigence du quitus fiscal n’est rien d’autre que l’application de l’article 33 de la Constitution qui impose aux citoyens le devoir de s’acquitter
de leurs contributions fiscales ; que, quant à l’exigence de l’appartenance à un parti politique, il s’agit d’un principe déjà acquis avec les lois électorales antérieures et déclarées conformes à la Constitution ; qu’il en est de même du cautionnement qui est également un principe acquis et dont le relèvement n’est pas contraire à la Constitution; qu’il réitère en conséquence sa demande sans aucun égard aux recours sus-visés ;
Considérant que, pour sa part, le président de l’Assemblée nationale, par l’organe du secrétaire général administratif adjoint,
a développé aux mêmes fins les mêmes moyens que le Président de la République;
Sur la recevabilité
Considérant que la requête du Président de la République trouve son fondement dans les articles 117 alinéa 1, 121 de la Constitution et 20 de la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 qui instituent à son profit une faculté de saisir la haute juridiction aux fins de contrôle de constitutionnalité des
lois qui ne relèvent pas, comme en l’espèce, du domaine du
contrôle a priori obligatoire ; qu’en outre, la loi soumise au
Contrôle de la cour, votée par l’assemblée nationale le 04
septembre 2018, a été transmise au Président de la République
le 18 septembre 2018 ; que le Président de la République a saisi
la Cour constitutionnelle le 20 septembre 2018, soit dans le délai
de quinze (15) jours prescrit par les articles 57 alinéa 2 de la
Constitution et 20 alinéas 1, 2 et 6 de la loi organique sur la Cour
constitutionnelle; que dès lors, sa requête doit être déclarée
recevable;
Considérant que, en ce qui concerne les deux autres recours,
aux termes de l’article 121 alinéa 1 de la Constitution: « La Cour
constitutionnelle, à la demande du Président de la République ou
de tout membre de l’Assemblée Nationale, se prononce sur la
constitutionnalité des lois avant leur promulgation » ; qu’il en
résulte que c’est seulement à la demande du Président de la
République et des membres de l’Assemblée nationale que la Cour
se prononce sur la constitutionnalité des lois avant leur
promulgation ; qu’en l’espèce, Messieurs Paul DEHOUMON et
Boris AKE ne justifient ni de la qualité de Président de la
République ni de celle de membre de l’Assemblée nationalité;
qu’ils n’ont donc pas qualité pour demander le contrôle de
constitutionnalité des dispositions d’une loi qui n’est pas encore
promulguée; qu’en conséquence, il échet de déclarer irrecevables
leurs recours ;

SUR L’EXAMEN DE LA LOI DÉFÉRÉE

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Considérant que l’examen de la loi déférée révèle que certaines
de ses dispositions sont contraires à la Constitution et que
toutes les autres y sont conformes ;
A- Sur les dispositions contraires à la Constitution
Vu les articles 26 et 64 de la Constitution et l’article 31
de la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la
Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
Considérant que sont contraires à la Constitution, mais séparables de l’ensemble du texte, les dispositions de la loi déférée ci-après:
– Article 227 : Selon lequel « Tout membre des Forces armées ou des Forces de sécurité publique et assimilées qui désire être candidat aux fonctions de Président de la République doit, au préalable, donner sa démission des Forces armées ou des Forces de sécurité publique et assimilés ».
Cette disposition est contraire à la Constitution en ce que son
article 64 dispose que « Tout membre des Forces Armées ou de
Sécurité Publique qui désire être candidat aux fonctions de
Président de la République doit, au préalable, donner sa
démission des Forces Armées ou de Sécurité Publique … », si dans
la Constitution, le souverain s’est limité, pour l’élection majeure
dans un régime présidentiel que constitue celle du Président de
la République, à imposer l’obligation de démission préalable aux
seules forces armées ou de sécurité publique, le pouvoir dérivé
du pouvoir souverain dont les prérogatives ne peuvent lui être
supérieures ne peut disposer au-delà de ce que le souverain lui-
même a prévu en élargissant l’obligation de démission préalable
aux personnels assimilés des Forces armées ou de sécurité
publique;
-Article 244 : Selon lequel « Tout membre des Forces armées ou de sécurité publique et assimilées qui désire être candidat aux fonctions de député doit au préalable donner sa démission des Forces armées ou de sécurité publique et assimilées. »
Cette disposition est contraire à la Constitution pour les motifs
exposés sous l’examen de l’article 227 ;
Article 249 : Selon lequel « Nul ne peut. être candidat s’il n’est
âgé de vingt-cinq (25) ans au moins dans l’année du scrutin si, béninois de naissance il n’est domicilié depuis un (01) an au moins en République du Bénin; si, étranger naturalisé béninois; il n’est domicilié en République du Bénin et n’y vit sans interruption depuis dix ans au moins.
A moins de démissionner de ses fonctions douze (12) mois avant la date du scrutin, nul ne peut être candidat dans une circonscription électorale dont le territoire comprend ou· est compris dans une circonscription administrative où il exerce une jonction de commandement (préfet, secrétaire général de préfecture ou de mairie) ».
L’alinéa 1 de cette disposition est contraire à la Constitution en ce qu’il est discriminatoire l’égard du candidat naturalisé relativement à l’obligation de résider pendant dix (10) années consécutives au Bénin, puisque selon le texte, s’il est naturalisé Béninois, le candidat aux élections législatives doit résider au Bénin dix (10) années au moins sans interruption, alors- que le même naturalisé Béninois, candidat à l’élection présidentielle, n’est pas soumis à cette obligation.
L’alinéa 2 est contraire à la Constitution en ce qu’il est également
discriminatoire. En effet, si la disposition vise à assortir
l’éligibilité des personnes exerçant un pouvoir de
commandement de certaines conditions restrictives, il ne peut, sans violer l’égalité des citoyens garantie à l’article 26 de la Constitution, limiter ces conditions à une catégorie de personnes exerçant lesdites fonctions. En l’espèce, le texte soumet
l’éligibilité des préfets, secrétaires généraux de préfecture ou de Mairie à la condition que ceux-ci doivent démissionner de leurs fonctions douze (12) mois au moins avant la date du scrutin alors que cette condition ne s’étend ni aux ministres ni au Président de la République qui exercent au plus fort les fonctions de même nature;
Article 308: Selon lequel « Sont inéligibles pendant l’exercice de leurs fonctions et pour une durée d’une année après leur cessation de fonction, dans le ressort où ils exercent ou ont exercé:
– le préfet, le secrétaire général et les chargés de mission de la préfecture, le secrétaire général de la commune où de la municipalité
– les’ magistrats en activité dans les différents ordres de juridiction, les juges non magistrats de la. Cour suprême;
– les personnels militaires des forces de sécurité publique, les agents des eaux et forêts et de la douane ;
– les comptables de deniers de la commune: ou municipalité considérée;
– les agents de l’Etat employés dans les administrations
financières déconcentrées ayant compétence sur les communes;
– les agents chargés des recettes communales;
– les agents salariés de la mairie. »
Cette disposition est contraire à la Constitution en ce qu’elle vise à prescrire l’inéligibilité au sein d’une circonscription électorale, des personnels de l’Etat ou de l’administration Iocale exerçant dans Ie ressort de cette circonscription électorale des fonctions d’autorité ou de service public, il ne peut; sans violer I ‘égalité des citoyens garantie à l’article 26 de la Constitution, limiter cette inéligibilité à une catégorie de personnes exerçant lesdites fonctions. En l’espèce, le texte ne prend pas en compte toutes les personnes exerçant ces fonctions dans une circonscription électorale.
B Sur Ies dispositions conformes à la Constitution
Considérant que l’examen de la loi déférée ‘relève que toutes ses autres dispositions sont conformes à la Constitution ;
DECIDE:
Article. 1er.- La requête du Président de la République est recevable.
. Article 2 : Les requêtes de Messieurs Paul DEHOUMON et Boris AKE’ sont irrecevables.
Article 3. Sont contraires à la Constitution, niais séparables de l’ensemble du texte, les dispositions des articles 227, 244, 249 et308 de la loi n° 2018-31 portant code électoral en République du Bénin votée par l’Assemblée nationale le 03 septembre 2018.
Article 4.- Sont conformes à la Constitution toutes les autres dispositions de la loi n° 2018-31 portant code électoral en République au Bénin votée par l’Assemblée nationalej’ le 03 septembre 2018.

3 réponses

  1. Avatar de sonagnon
    sonagnon

    Le contraire serait surprenant !!!

    Plutôt que d’une cour constitutionnelle, C’est la chambre d’enregistrement Djogbénou.

    Je suis persuadé que nous allons revenir sur tout ça dans un délai plus proche qu’on le croit.

    1. Avatar de Sylvestre
      Sylvestre

      Avançons et laissons les palabres

  2. Avatar de vive la rupture
    vive la rupture

    LNT, ça c’est toujours passé comme ça. Dans une loi votée par le législateur et envoyée par le président de la république pour conformité,il y a des articles qui sont conformes, et certains pas, le dernier cas en date était la loi sur le droit de grève où la cour Holo a déclarer certains articles conformes et d’autres non.

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