Les présidents d’institutions au Bénin, à travers leur communiqué du lundi 1er avril 2019, ont donné leur caution au régime Talon pour la tenue des prochaines législatives rien qu’avec les deux partis du chef de l’Etat. Le Conseil des ministres de ce mercredi l’a confirmé. C’est un coup de force contre le peuple béninois et contre la démocratie, selon l’honorable Guy Dossou Mitokpè.
Pour lui, le président Talon ne veut pas d’élections inclusives. Le secrétaire général du parti Restaurer l’Espoir (RE) affirme que cette volonté du chef de l’Etat, de « nommer les 83 prochains députés » du parlement béninois après avoir pris « sous sa botte tous les présidents d‘institutions» ne se concrétisera pas.
A l’en croire, les forces politiques de l’opposition ont pris des dispositions à cet effet pour sauver cette démocratie au nom de l’article 66 de la constitution. Lire les détails dans cette interview qu’il nous a accordée dans l’après-midi de ce mercredi.
Que pensez-vous du communiqué des présidents des institutions, lundi dernier, appelant à la poursuite du processus électoral ?
Je crois que le communiqué lu par Mr Joseph Gnonlonfoun, n’engage pas l’opposition. C’est un communiqué qui montre l’état de délabrement de notre démocratie. Au niveau de l’opposition, nous voulons faire remarquer que nous rejetons en bloc le contenu de ce communiqué. Que le président de la République réunisse de cette manière les présidents des institutions de la République afin de les faire soumettre comme nous l’avons constaté la dernière fois, c’est une honte pour notre démocratie.
Alors que le peuple et nous-mêmes avons fait l’effort de croire en la bonne foi du président de la République le 6 mars dernier lorsqu’il a dit qu’il souhaiterait que des élections inclusives puissent être organisées très prochainement, nous avons dit, même-si nous avons quelques réserves, nous allons essayer de prendre le peuple à témoin.
Mais ce qui s’est déroulé au cours de ces trois ou quatre semaines, c’était une résistance de la part de la majorité parlementaire et les soutiens du chef de l’Etat. Ils ont refusé de faire évoluer les débats. Ils ont mis le coude sur nos propositions et en retour, nous ont fait une sorte de chantage sur une probable révision de la constitution.
Donc pour eux, il fallait soit réviser la constitution ou nous ne serons pas partie prenante pour les prochaines élections législatives. Nous pensons que ce n’est pas une manière honnête de négocier ou de chercher le consensus. Quand on cherche le consensus, chacun fait un petit effort pour que le consensus puisse être trouvé. Mais ce n’était pas ce que nous avons retrouvé chez nos amis.
Certes vous rejetez en bloc le contenu de ce communiqué mais visiblement les carottes sont cuites. Rendez-vous peut-être pour d’autres échéances électorales.
Non. Dans toutes les démocraties, la souveraineté appartient au peuple. Pour nous aujourd’hui, il est très important que le peuple béninois puisse prendre ses responsabilités. En février 1990, lorsque nous avons hérité des conclusions de la conférence des forces vives de la Nation, il est apparu utile que notre peuple accepte que nous épousons désormais le système démocratique.
Donc aucune réforme de qui que ce soit qui remet en cause les fondamentaux de cette démocratie ne peut être une bonne réforme pour ce peuple. Aujourd’hui, ce qui a créé le problème, c’était d’abord deux lois très difficiles, des lois conçues pour exclure mais nous avons fait l’effort d’aller dans le sens du respect des articles de ces deux lois. Nous avons pris les dispositions pour nous conformer.
Nous étions en train de le faire quand le président de la Cour constitutionnelle a fait sortir une note sur un certificat qu’ils ont nommé certificat de conformité. Ce qui n’est nullement ni dans la charte des partis politiques ni dans le code électoral. Et c’est cette manière de changer les règles du jeu au cours du jeu qui nous a montré la volonté manifeste de ceux qui sont en face de nous exclure.
Et ça n’a pas manqué. Ils se sont rabattus sur des choses qui n’existent pas dans la charte des partis politiques pour exclure les trois grands partis de l’opposition et ensuite, ils se sont rabattus sur des éléments propres à eux-mêmes dans le code électoral pour disqualifier des partis qu’ils ne voudraient pas voir aux prochaines législatives. En fin de compte ne retenir que les deux listes issues du parti du chef de l’Etat.
Il est bon de savoir que l’Union progressiste est un parti du président de la République. Le parti bloc républicain est le deuxième créé par le président de la République. Donc, aujourd’hui en République du Bénin, tout a été mis en œuvre pour que, il ne soit aux prochaines élections que les deux listes issues du président de la République.
Mais il faut aussi que je précise que les députés ou les personnalités qui ont été positionnés sur ces deux listes retenues par la CENA et la cour constitutionnelle sont des personnes à qui le président de la République a bien voulu retourner l’ascenseur pour leur bon office au niveau de l’Assemblée nationale, pour tout ce qu’ils ont fait pour faciliter la décapitation de notre démocratie par lui.
Ils ont facilité le vote d’un certain nombre de lois scélérates, des lois très impopulaires. Donc en retour, ils n’avaient pas la faveur du peuple donc il appartient au chef de l’Etat, pour que ces personnes-là puissent retourner au parlement, d’organiser carrément un match amical aux prochaines élections entre ses deux listes.
Pour que le peuple prenne ses responsabilités il faut un lead mais nous constatons que depuis la diffusion de ce communiqué, il y a un calme du côté de l’opposition.
Il est aujourd’hui plus que jamais important que l’opposition soit soudée autour de toutes les questions qui concernent le peuple. Les questions qui s’imposent à nous aujourd’hui, ce ne sont pas des questions propres à une chapelle politique. Nous devons pouvoir prendre nos responsabilités pour que cette démocratie puisse demeurer bien sur ses pieds.
Nous prendrons toutes nos dispositions. Ne pensez pas que depuis le lundi nous n’avons pas agi. Nous sommes en train de tout faire pour ne pas aller à la déstabilisation de notre pays mais nous ferons tout par contre pour sauver notre démocratie. Nous ne laisserons personne détruire cette démocratie.
Ce qui se passe avec ce régime, à la vérité, ce n’est pas que les réformes prônées par ce régime sont pour renforcer la fondation de notre démocratie. C’est que les réformes prônées par ce régime, c’est véritablement pour employer tous les pouvoirs à un seul individu en l’occurrence le président de la république afin qu’il ait une main basse sur le pays.
Vous le constatez à travers la réunion faite au palais de la République avec les présidents des institutions qui est totalement anticonstitutionnelle et illégale. Donc aujourd’hui, le président de la République à sous sa botte tous les présidents d‘institutions ; il les a tous caporalisés et aucun d’entre eux n’arrive à lever le petit doigt.
Donc il appartient à nous de l’opposition, aujourd’hui qui sommes attachés aux acquis de cette démocratie, de prendre nos responsabilités à ce que cette démocratie ne puisse jamais baisser l’échine. Nous devons continuer à expliquer au peuple que nous n’avons fait aucune obstruction à ce que le consensus ne puisse être trouvé et qu’au contraire, on a vu en face des amis qui n’étaient pas sincères qui n’étaient pas francs.
Ils ont tout le temps fait tourner la minorité en bourrique parce que pour eux, ce qui comptait, c‘était de faire passer le temps et nous laisser surprendre par le 28 avril et dire qu’ils iront aux élections. Nous pensons que ce serait une forfaiture grave, un dommage historique que nous puissions laisser les choses se dérouler telles qu’elles sont en train de se mettre sur pied.
Certains estiment que la balle est toujours dans le camp du président de la République. Entre autres, le président du FONAC, Jean-Baptiste Elias parle d’une ordonnance pour modifier l’article 56 de la Charte des partis politiques ; le professeur Victor Topanou évoque l’article 68 de la constitution. Vous y croyez ?
Il faut comprendre que ces personnalités sont de bonne foi, aussi bien le professeur Topanou que le président Jean-Baptiste Elias. Mais il s’agit ici de comprendre que le régime ne veut pas d’élections inclusives. Il y a des portes de sortie. Il y a que la crise dans laquelle nous sommes est une crise créée de toute pièce, entretenue et nourrie par le régime afin que les opposants ne puissent pas aller aux élections.
Le président de la République à la manette. Le président de l’Assemblée nationale, une fois qu’il avait constaté que la majorité des députés refusaient que les débats évoluent avait la possibilité de saisir le président de la cour constitutionnelle afin qu’à son tour, il propose ou recommande au président de la République de re-convoquer le corps électoral. Mais comprenez avec moi, le président de la cour constitutionnelle est sous une influence extraordinaire du président de la République.
Le président de l‘Assemblée nationale dans cette situation n’arrive pas à véritablement retrouver ses marques. Je pense qu’il nous manque dans ce pays des personnalités fortes pour prendre position pour la démocratie. Il y a que notre démocratie est en train d’être déchiquetée en lambeau mais de l’autre, il n’y a que quelques personnalités au sein de l’opposition qui se battent les mains nues afin que cette démocratie ne puisse point mourir.
Au passage, je vais rendre hommage au président Candide Azannaï pour tout ce qu’il fait et aux autres amis qui nous soutiennent dans l’opposition actuellement et tous ceux qui se battent pour que l’opposition ne meurt pas, tous ceux qui se battent pour que l’opposition puisse rester sur pied. Donc pour nous, il est hors de question que nous puissions accepter le communiqué diffusé la dernière fois. Nous continuons de dire qu’il n’aura pas d’élection sans l’opposition.
Parlant du président Azannaï, il a dit, la semaine dernière à l’hôtel Bénin Marina, que dans ce combat pour la démocratie, il va lancer des mots d’ordre. Vous l’avez repris hier. De quoi s’agira-t-il concrètement ?
Pour nous, il s’agit de demander au peuple d’aller au secours de la démocratie. Notre mot d’ordre est un mot d’ordre pacifique à la rescousse de la démocratie. Ceux qui sont en face veulent détruire, décapiter notre démocratie. Nommer les députés, c’est détruire la démocratie parce que le parlement est le lieu par excellence de la politique.
Dans aucun système démocratique comme celui que nous avons épousé, les députés ne sont nommés. Ils sont élus. Mais le président de la République actuel décide que les prochains 83 députés seront nommés. C’est une déclaration d‘annonce de mort de la démocratie. Pour cela, le peuple doit sortir massivement partout pour défendre cette démocratie. Je le dis au nom de l’article 66 de notre Constitution qui nous en donne le droit. Nous sommes dans un cas où un groupuscule veut s’imposer à toute la République. C’est un coup de force électoral.
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