La situation politique au Bénin continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Après sa deuxième rencontre avec le Chef de l’État, le Président Patrice Talon, l’ancien président Nicéphore Soglo a réagit ce 03 Avril au sujet de la situation politique au Bénin. A travers une déclaration, ce dernier a dit son appréciation de cette deuxième rencontre. A l’en croire, c’est un sentiment de malaise qui l’a animé après quelques heures d’échanges.
Il a pour finir, lancé un appel aux béninoises et béninois car « la patrie est en danger ». « Arrière Satan !Enfants du Bénin debout !« , lit-on dans sa déclaration. Votre site vous propose une lecture de la déclaration de l’ancien président Soglo
Déclaration du Président Nicéphore D. SOGLO à la suite de sa deuxième rencontre avec le Président Patrice TALON
Cotonou, le 03 avril 2019
Béninoises, béninois,
Chers compatriotes,
J’ai été reçu pour la seconde fois en consultation au palais de la république par le Président TALON, à propos de la crise de la démocratie que connaît paradoxalement le Bénin, le berceau des conférences nationales souveraines.
Après des échanges de quelques heures, je suis ressorti avec un sentiment de malaise. Car, voilà quelqu’un qui se noie et des voisins et amis se portent à son secours, surtout en cette période pascale, même dans son église préférée de BANAME, et il repousse toutes les mains tendues. C’est un mystère !
Le Chef de l’Etat, lors de notre première entrevue m’avait donné l’assurance qu’il voulait faire baisser la tension dans le pays et en revenir aux lois qui avaient permis son élection en 2016. La réforme du système partisan et du code électorale serait discutée après les élections législatives dans un climat apaisé et consensuel. Tout passage en force serait suicidaire. Et les exemples dans la sous-région sont légion.
La plus importante difficulté serait de convaincre sa majorité parlementaire. Et si ce n’était pas une simple posture ou une détestable grimace pour gagner du temps, il lui fallait beaucoup de courage, de sang-froid, d’intelligence et aussi un peu d’humilité car les précédents célèbres ne manquent pas. En France, le pays de ses ancêtres, le Général De GAULLE a été confronté à une situation autrement plus compliquée et plus périlleuse avant de stabiliser la situation. Il a frôlé la mort à plusieurs reprises, notamment au Petit Clamart. Du vibrant ‘’Je vous ai compris’’ sur le forum d’Alger, aux accords d’Evian, que de pleurs, de larmes, de souffrances, sans oublier l’émouvant ‘’Françaises, Français, aidez-moi’’.
Mais il fallut bien se rendre à l’évidence ; il ne fallait pas rêver, ni se croire dans ‘’La tragédie du roi Christophe’’ de mon maître à penser Aimé CESAIRE. La tâche était manifestement au-dessus de ses forces, si tel était au départ son objectif.
Et ce fut bien vite un dialogue de sourds et des développements constitutionnels assez insipides. Pourquoi ne pas alors consulter les pères de la constitution de 1990 que sont le Professeur Maurice GLELE AHANHANZO, Président de la commission des lois et des affaires constitutionnelles et ses prestigieuses chevilles ouvrières que furent les anciens présidents de la cour constitutionnelle, le Professeur Théodore HOLO et Maître Robert DOSSOU ? Ce fut peine perdue.
La deuxième mauvaise surprise a été l’absence du Président Thomas Boni YAYI, son prédécesseur.
Or le succès de notre conférence nationale est dû en grande partie à la présence des anciens Présidents de la République. Certes, le véritable ultimatum du président François MITTERRAND au président Mathieu KEREKOU, présenté par Guy AZAÏS ambassadeur de France au Bénin, document ensuite largement diffusé dans toutes les couches de la population à Cotonou, a été l’élément décisif, déclencheur de la conférence nationale1. Mais la présence des anciens présidents a évité à notre pays les déboires de la conférence nationale de nos parents du Togo. Il a notamment permis au président KEREKOU de ne pas perdre la face lors de sa mémorable supplique ‘’Ne me demandez pas de démissionner’’.
Malheureusement le trio qui a remplacé un KEREKOU dépassé par les crimes de sang commis au Nigéria par le gang du célèbre coupeur de route TIDJANI AMANI a été frappé par la malédiction des triumvirats2.
Les complices, les larrons en foire de l’avènement de YAYI Boni au pouvoir, sont devenus des ennemis mortels, à l’exception peut-être, de Lionel ZINSOU. Le second a même essayé par l’intermédiaire de la gouvernante et nièce du premier, ainsi que par son médecin personnel d’éliminer physiquement l’autre. Tout a commencé le 17 octobre 2012 à l’Hôtel ‘’Château du Lac’’ à Bruxelles. Voilà, la source de tous nos malheurs. Notre pays est véritablement tombé bien bas. Aussi, n’est-ce pas une surprise que le président YAYI ait été, à la veille de son audience, à nouveau humilié et vilipendé pour une sombre affaire de terrain. On a honte pour le pays de BEHANZIN, de BIO GUERA et de KABA. Le pays doit se lever comme un seul homme et effacer l’opprobre. On se croirait dans le film américain ‘’Règlement de compte à OK Corral’’. C’est triste !
J’ai interpellé le président sur des saletés qui ont circulé sur les réseaux sociaux. Il m’a juré ses grands Dieux et je l’ai naturellement cru.
L’intégrité fait partie de la panoplie de tout vrai, tout grand leader. Car personne, oui, personne, ne peut exercer de chantage sur lui. Et si son métier d’inspecteur des finances lui a permis de connaitre les dossiers de tous les grands fossoyeurs de l’économie nationale, il peut être perçu comme une menace ; surtout si son passage comme administrateur à la Banque Mondiale lui a encore permis d’enrichir sa collection. Ce n’est tout de même pas une raison de vouloir se brûler les ailes en diffusant des sottises sur les réseaux sociaux. Sans compter que la célèbre affaire KOVACS m’a, en octobre 1974, pour la première fois, mis en contact avec le monstre de la Françafrique.
Je voudrais avant de conclure inviter amicalement sinon paternellement beaucoup de cadres béninois, champions du monde de la prostitution politique, c’est-à-dire de la transhumance synonyme de politique du ventre, la célèbre ‘’Adogocratie’’, à plus de dignité. Ils doivent jeter aux orties la triste réputation ‘’un pied dedans, un pied dehors’’ ou ‘’d’intellectuels tarés, usés et fatigués’’ qui leur colle à la peau depuis le 26 octobre 1972.
Je ne peux m’empêcher d’évoquer brièvement ici la sale besogne des mercenaires qui essayent pour la seconde fois, après KEREKOU, de mettre la main sur le plus grand parti nationaliste du Bénin depuis la balkanisation de l’Afrique, la Renaissance du Bénin. Car nos résultats spectaculaires en moins de six ans dans les domaines financier, économique et culturel nous ont valu la jalousie sinon la haine des gouvernements à la solde de l’étranger. Et celui de la ‘’Rupture’’, l’un des plus rétrogrades du continent, ne déroge pas à la règle.
Pour conclure, je répète encore une fois ici qu’il n’y aura pas d’élections crédibles et pacifiques au Bénin que si tous les citoyens riches ou pauvres y participent librement. Toute autre option serait la négation pure et simple de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen : Liberté, Egalité, Fraternité.
Après les pauvres, (‘’249.000.000 pour la participation d’un parti aux élections’’), les lois scélérates auraient pu tout aussi bien écarter les femmes (on aurait pu perdre ainsi notre chère professeur de droit DANDI GNAMMOU) et tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’accéder à l’école. Encore heureux que nous ne soyons plus au temps de la traite négrière ; la plus longue et la plus vaste déportation de l’histoire ; sinon, le descendant du directeur du fort Saint Louis de GREGOY à Ouidah serait alors au paradis.
C’est une pure folie de croire que quelqu’un dans notre pays et dans le monde puisse accepter l’horrible profession de foi du président TALON qu’il faut toujours avoir à l’esprit : « Ce qui permet à un président en exercice d’être réélu, c’est sa capacité à soumettre, à avoir à sa solde tout le monde : députés, maires, élus locaux, commerçants, partis politiques. C’est la manière dont personne n’est capable de lui tenir tête, d’être compétiteur contre lui. Si vous n’avez pas de compétiteur, vous avez beau être mauvais vous serez réélu » fin de citation.
C’est tout simplement ubuesque et ahurissant. TALON s’est manifestement trompé de pays et d’époque. Décidément Jupiter rend vraiment fou, ceux qu’il veut perdre.
Béninoises, Béninois, la patrie est en danger. Arrière Satan !
Enfants du Bénin debout !
Je vous remercie.
Le Président Nicéphore Dieudonné SOGLO
Ancien Président de la République
Ancien Maire de la ville de Cotonou
Vice-Président du Forum des Anciens Chefs d’Etats et de Gouvernements d’Afrique,
Créé en 2006 à Maputo sous le haut patronage de Nelson MANDELA
1 V. Afise D. ADAMON : Le renouveau démocratique au Bénin pp 22, 23, 24 Ed. L’Harmattan 1994.
2 Les plus célèbres en Europe sous l’empire romain : Pompée-Cicéron-César et, Octave-Antoine-Lépide, en Afrique au Dahomey : APITI-MAGA-AHOMADEGBE, au Nigéria AZIKIWE-AWOLOWO-TAFAWA BALEWA.
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