Des menaces, des soulèvements populaires, des incendies, des coups de feu, des blessés et des morts. La crise politique au Bénin liée aux élections législatives 2019 a pris une mauvaise tournure les 1er et 2 mai, trois jours après la tenue du scrutin le dimanche 28 avril. Pour en sortir, le politologue béninois Mathias Hounkpè fait des propositions.
Dans une tribune intitulée « Pour conjurer le péril qui nous guette ! », l’administrateur du programme de gouvernance politique à Osiwa (Open Society Initiative for West Africa) relève que les dernières manifestations dans cette crise au Bénin sont « d’une violence rarement connue par le passé » dans le pays.
Mathias Hounkpè parle d’«une situation postélectorale tout aussi inédite, tout comme le processus électoral lui-même ». Après un rappel sur le fond du problème, il fait des propositions de sortie de crise. Ci-dessous l’intégralité de son texte.
Pour conjurer le péril qui nous guette !
Depuis deux jours, le Bénin connaît, à la fois, des manifestations d’une violence rarement connue par le passé et une situation postélectorale tout aussi inédite, tout comme le processus électoral lui-même. A mon humble avis, la véritable question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment sortir de cette passe hautement périlleuse que traverse le pays.
Avant d’aller à des propositions de sortie de crise, je voudrais d’abord rappeler les deux facteurs majeurs qui caractérisent la crise en tant que telle. Il y a, d’un côté, les problèmes liés au processus électoral proprement dit, notamment sa non-inclusivité et le taux d’abstention extrêmement élevé qui a barré le scrutin d’une tache indélébile. Il y a, de l’autre, les profondes frustrations qu’expriment les manifestants et qu’il serait, je le crois profondément, pour le moins dangereux de réduire à la simple exécution des mots d’ordre des leaders de l’opposition.
Passons maintenant aux voies possibles de sortie de crise. Elles sont au moins de trois ordres.
D’une part, il faut une adresse officielle de l’Exécutif, de préférence du Président de la République lui-même, à l’endroit des citoyens qui protestent dans les rues.
Dans la situation actuelle, il me parait indispensable de leur indiquer qu’on les a entendus, compris et de les rassurer de façon crédible que tout sera mis en œuvre pour apporter des approches de solutions courageuses aux diverses préoccupations qu’ils expriment. De fait, il suffit d’écouter les propos en fond sonore sur les enregistrements audio et les vidéos qui circulent pour se rendre compte que les griefs des manifestants vont au-delà des seules élections.
D’autre part, il faut, de toute urgence, mettre en place un cadre de dialogue entre les acteurs politiques (pouvoir et opposition) sur le « comment » gérer les deux questions majeures ci-après :
1. La question du déficit de légitimité de la législature qui est supposée sortir des législatives du 28 avril et les conséquences politiques qui en découlent (et Dieu sait qu’il y en a beaucoup). Ceci demandera des solutions innovantes à la hauteur de la situation.
- La question liée aux difficultés de l’application des nouveaux textes (Code électoral et Charte des partis) et les conséquences politiques qui en découlent (ici également les conséquences politiques sont nombreuses). Ici aussi, la bonne foi des acteurs de tous les bords est un préalable incontournable.
Enfin, il est nécessaire de prévoir un cadre de conduite du dialogue. Ce cadre peut être offert par un collège d’acteurs locaux (par exemple toutes les confessions religieuses ensemble) et/ou les organisations régionales telles que la CEDEAO, l’Union africaine et UNOWAS.
En guise de conclusion, il importe de dire que s’il faut savoir raison garder, il est impératif de tirer réellement toutes les conséquences de la situation actuelle. Ne pas le faire et chercher simplement à faire comme si de rien n’était, comme s’il ne s’agissait que d’un mauvais moment à passer pourrait être tout simplement suicidaire.
Mathias HOUNKPE
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