(Un texte anonyme intitulé « la sécession du pays est à craindre » fait le tour des réseaux sociaux dont personne n’ignore la nocivité pour les esprits naïfs ou qui manquent de discernement. Le journaliste indépendant Ali Idrissou –Touré, ancien de la Pana et de l’Agence de presse Ips revient ici sur les arguments développés par le mystérieux auteur et démonte sans fioritures les idées reçues qu’il véhicule sans retenue.) Lire ci-dessous son analyse :
« J’ignore qui a publié ce texte apparemment bien rédigé au plan du style et de la langue. C’est dommage qu’il n’ait pas signé son papier. Mais au-delà de la langue et du style, l’effort d’équilibre de l’auteur cache mal le camp auquel il appartient: celui du pouvoir. Et s’il est franc et honnête, il doit reconnaître que même si la gouvernance du régime de la Rupture a sérieusement divisé politiquement les Béninois, le pays en soi n’est pas si divisé au point de risquer une »sécession » comme il l’affirme.
Le principal argument de son texte pour expliquer la division, c’est la tentative d’exclure, par des procédures judiciaires bancales et grossières, un certain nombre de leaders politiques de l’arène des compétitions politiques. Mais le fait que ces leaders appartiennent à plusieurs et différentes régions du Bénin, ne permet pas de parler de risque de »sécession » dans notre pays.
Non, le mot est galvaudé , trop fort et , parce qu’il est utilisé peut-être à dessein pour faire peur aux Béninois. Car ce n’est pas après un effort remarquable de vivre ensemble pendant 29 années d’effort de démocratie — après l’historique Conférence nationale de février 1990 — que le Bénin va connaître une »sécession ». Non, pas du tout et aucun leader politique sérieux ne peut même imaginer un avenir aussi dramatique pour notre pays.
Ce qui est vrai par contre, c’est que les Béninois ont été profondément divisés politiquement par la mauvaise gouvernance en cours depuis trois ans et demi et qui appauvrit de plus en plus les populations, ce qui est très loin d’un signe d’amorce de développement comme l’affirme l’article anonyme. Les taux de croissance théorique et abstraite n’ont jamais été un vrai signe de développement dans les pays pauvres. Et puis, depuis les 29 ans d’effort de démocratie, nous étions pauvres, mais nous vivions ensemble dans la paix dans le pays. Mais la gouvernance de la rupture a non seulement aggravé notre pauvreté, mais elle a provoqué des tensions inutiles en brisant toutes les règles de consensus édictées par notre Constitution du 11 décembre 1990 grâce auxquelles nous organisions démocratiquement et librement nos élections dans la joie et la paix.
Ces tensions, entretenues par un déni de démocratie et de justice, ont conduit le pays aux drames des 1er et 2 mai 2019, avec des manifestants tués par balles réelles dans plusieurs localités, et aux affrontements armés inédits de juin à Tchaourou, le tout soldé par de nombreux morts dont le chiffre réel reste inconnu à ce jour. Et ce sont incontestablement les élections législatives non-inclusives du 28 avril qui ont conduit à ce désastre qui a défiguré totalement le Bénin au plan interne et international. Et il suffit, pour le pouvoir d’avoir le courage et l’humilité de revenir en arrière pour corriger et effacer ces causes réelles pour que la confiance et la paix reviennent progressivement dans notre pays, le tout sur le retour des libertés individuelles et collectives consacrées par la Constitution de 1990. En somme, que le régime remette en place les règles et principes constitutionnels consensuels acquis depuis environ trois décennies
Cotonou, le 23 juillet 2019 (en réponse à un article biaisé et anonyme
Ali Idrissou-Touré, journaliste indépendant
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