Victor Topanou dans la « sauce ». Finalement, le professeur s’affiche comme cet intellectuel difficile à suivre tant dans ses réflexions que dans son parcours. De 2015 à ce jour, il aura été tour à tour opposant à la candidature des hommes d’affaires puis favorable à la candidature de l’un d’eux, opposant à la gestion du pouvoir de l’élu de 2016 puis rapporteur consentant d’un dialogue exclusif. De ce point de vue, on observera que de novembre 2015 à octobre 2019, l’enseignant est resté paradoxalement inconstant et s’est fait un bon disciple de retournement spectaculaire de veste.
Et si le professeur Victor Topanou se taisait désormais ? L’ex ministre de la justice et enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi ne s’est pas contenté d’être le rapporteur désigné par le président Talon pour le dialogue politique des 10, 11 et 12 octobre dernier au Bénin mais il s’est illustré par des salamalecs au ‘’Père de la Nation’’ lorsqu’il a été question de présenter les doléances qui n’ont pas fait objet de consensus.
Quand Victor Topanou était contre l’exclusion
Ce fut une initiative contre l’une des lignes qu’a toujours défendues l’ex directeur de l’école doctorale des sciences juridiques, politiques et administratives de l’Université d’Abomey-Calavi éjecté de son poste en cours de mandat au profit d’un collègue non élu. Face à une crise sociopolitique profonde qui appelle à la contribution de tous les Béninois, le président Patrice Talon a choisi de ne convier que neuf partis politiques à son « dialogue politique » regroupant les partis prétendument en règle parce qu’étant ceux à qui le ministère de l’intérieur a délivré le fameux récépissé pour leur conformité à la nouvelle charte politique. C’était donc toujours dans la continuité de l’exclusion qui a marqué les législatives d’avril 2019 tâchées de sang de Béninois.
Mais l’on se souvient que le professeur Topanou fait partie, du moins faisait partie, de ces intellectuels, surtout professionnels de droit, qui dénonçaient par des publications dans la presse écrite ou des interventions sur des médias audiovisuels, le caractère exclusif de ces élections. Il a longtemps démontré les conséquences d’un tel choix et appelé le président Talon à user de tout moyen pour ouvrir les élections à tous les partis.
Le professeur Topanou s’était mis également aux côtés des forces de l’opposition pour prendre part à leurs différentes initiatives dont la marche du 11 mars 2019, la création de la Coalition pour la défense de la démocratie (Cdd) le 14 avril 2018 à Djèffa. Pour lui, le régime Talon est un « rouleau compresseur qui a atteint son summum » avec l’exclusion des partis de l’opposition de la course aux législatives.
Mais quelques mois après, à l’heure d’initier un dialogue pour régler la crise générée par ce choix exclusif, le professeur donne sa caution pour une initiative encore exclusive. Jeudi dernier, premier jour de la rencontre, tout en rappelant qu’on ne peut pas construire le Bénin dans l’exclusion, il soutient qu’il ne faut pas se focaliser sur les absents d’aujourd’hui, puisqu’ils seront les présents de demain. « Ce qui importe aujourd’hui, c’est ceux qui sont là ».
V. Topanou au dialogue politique au Bénin: «On ne peut pas construire un pays en excluant une partie du pays»
Un véritable caméléon
Mais c’est faire preuve de naïveté que de s’étonner de ses différents changements de posture. Car, si nous nous retournons un peu plus en arrière, on se rend compte que l’homme suit bien sa ligne. Déjà, après l’audience du 26 avril 2019 à la présidence de la République, il n’est plus ressorti avec un rejet catégorique des législatives exclusives. Bref, il n’a plus exprimé clairement sa position. Visiblement, Victor Topanou a plus de facilité à changer de position lorsqu’il va rencontrer les auteurs d’un système qu’il critique. Pour preuve, ses critiques contre les candidatures Talon et Ajavon et puis son choix sur ce dernier pour le compte de la présidentielle de 2016.
En 2015, le professeur Topanou avait pris ouvertement position contre les candidatures de ces deux hommes d’affaires. « Le problème que posent les candidatures de Patrice Talon et de Sébastien Ajavon est un problème d’ordre éthique, voire de moralité et de probité qui met en cause les personnes même de ces deux candidats ainsi que de leurs relations tumultueuses et incestueuses avec l’Etat béninois. », écrivait-il dans un article en novembre 2015. Il est même allé plus loin disant que la Cour « devrait pouvoir prononcer l’irrecevabilité de ces deux candidatures » et que « si par extraordinaire, la Cour n’optait pas pour cette solution juridique préventive, il faudrait alors que la classe politique prenne ses responsabilités ».
On ne peut que lui dire bravo
Mais le voilà revenu trois mois plus tard, février 2016, pour écrire : Talon, « le choix de mon cœur », Ajavon «le choix de ma raison », « Je soutiens et je vote Sébastien Germain Ajavon». Et c’est après les avoir rencontrés et discuté avec eux, d’après la même publication. Pour justifier se retournement, il avait évoqué entre autres, l’engagement de Ajavon à être actif dans l’opposition ou aux côtés de l’opposition, au cas où il ne serait pas élu. Ses publications sont encore disponibles sur le site de La Nouvelle Tribune.
Il semble donner la preuve que ses réflexions sont beaucoup plus des appels du pied pour ses intérêts personnels et non pour défendre le droit, la démocratie et le peuple béninois. Il défendait ou s’inscrivait plutôt aussi dans la « démocratie d’argent » qu’il a évoquée dans une publication en février 2016. Et là, il a réussi son coup. On ne peut que lui dire bravo. Alors, ne serait-il pas mieux pour lui de se taire et de «progresser » aussi simplement dans la «République» de cette démocratie que de vouloir encore se cacher derrière des mots? On aura tout compris, monsieur le professeur. Vous avez trop écrit et parlé.
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