Pour le dialogue politique qu’il a initié et fait organiser du 10 au 12 octobre dernier à Cotonou, le président Patrice Talon a désigné Dorothée Sossa et Victor Topanou respectivement comme facilitateur et rapporteur général des travaux. L’un ne peut pas être neutre. Pour l’autre, on peut considérer qu’il a trahi les idéaux qu’il est censés incarner. Le professeur Emilien d’Almeida en parle.
Victor Topanou ou la trahison des clercs
« 1/ Victor Topanou a-t-il vraiment trahi ? Au prix de quoi peut-il accepter de trahir son nom et ses convictions ? A-t-il vraiment trahi ses convictions ? Si c’est de convictions politiques qu’il s’agit, j’ai bien peur et la personne bien indiquée pour en parler s’appelle Célestine Zanou. Personnellement, en ma qualité de 1er secrétaire scientifique de la Chaire UNESCO de l’UAC, c’est moi qui l’ai coopté pour se joindre à l’équipe dirigée par Théodore Holo après la nomination de Athanase Johannes Toudonou par Séverin Adjovi comme DGA au ministère de la défense nationale.
À mon départ de la Chaire UNESCO fin décembre 2000, il était passé secrétaire scientifique de ladite Chaire. Par la suite, Dame Célestine Zanou lui a permis d’avoir de la visibilité. C’est ainsi qu’il a été tour à tour conseiller technique, secrétaire général du gouvernement puis Garde des Sceaux sous Boni Yayi.
Dans le grand malentendu qu’il a publié, je crois comprendre qu’il a été sorti du gouvernement pour n’avoir pas voulu pour des raisons de calendrier, permettre à un protégé de Patrice Talon de prendre part à un concours organisé par le ministère de la justice, car l’intéressé se trouvait à l’étranger.
Ce crime de lèse-majesté
C’est peut-être ce crime de lèse-majesté majesté qu’il a voulu réparer en épousant qu’on le veuille ou non, certaines positions du chef de l’État Patrice Talon. Pour tout dire, en acceptant de devenir rapporteur général du fameux dialogue, il a tout simplement prouvé que le chef de l’État l’a convaincu et a emporté son adhésion à son projet, ce qu’il n’avait pas voulu dire après sa rencontre du 27 avril dernier au Palais de la République.
2/ Son combat citoyen Là-dessus, je me contenterai de rappeler l’exemple d’un combat citoyen mené il y quelques années par le leader des mercredis rouges Joseph Djogbénou. Nous savons tous comment s’est terminé ce combat. Là où je ne peux que condamner notre collègue Topanou, c’est de ne s’être pas aménagé une porte de sortie quand il s’est aperçu qu’il s’est embarqué dans une aventure qu’il n’avait pas prévue.
« Notre expertise doit se mettre au service de la vérité »
Personnellement, je fais toujours de manière à pouvoir dire non chaque fois que je ne suis pas d’accord. Je crois savoir que in petto, Victor Topanou doit lui-même se demander s’il n’est pas allé trop loin ? Oublier la dizaine de compatriotes tués par balles réelles lors des événements des mois de mai et juin 2019, c’est impardonnable et je ne manquerai pas de le dire de vive voix à l’intéressé.
Notre expertise doit se mettre au service de la vérité. Sinon, quelle valeur lui attribuer si on croit qu’avec une loi d’amnistie notre Peuple pourrait oublier ce qui s’est passé après les élections législatives du 28 avril dernier ? ».
Pourquoi Dorothée Sossa ne peut pas être neutre
« En fait de dialogue, c’était tout simplement de l’entre-soi car les experts n’ont pas été choisis par hasard. Prenons par exemple le modérateur-facilitateur. Ce serait de la pure naïveté que de penser un seul instant qu’il a été choisi uniquement pour son expertise. Je connais personnellement le collègue Dorothée Sossa car nous étions collègues à la Fasjep dans la première moitié des années 1980. Il a été au Canada et à son retour il a réintégré le groupe. Marié à une camerounaise qu’on dit battante, elle aurait grandement contribué à l’ascension politique de notre collègue.
Directeur de thèse de Djogbénou
Remarqué par le docteur Emile Derlin Zinsou, ce dernier a dû l’aider à entrer au gouvernement comme Garde des Sceaux. C’est à ce poste qu’il a certainement permis à l’avocat Joseph Djogbénou de décrocher des dossiers où il avait à défendre l’État béninois, ce qui lui a sans doute assuré plusieurs dizaines de millions de francs CFA pour ne pas dire plus. Car ce sont des dossiers qui rapportent beaucoup d’argent.
À titre d’illustration, sachez que le Cabinet d’avocats qui a défendu les intérêts de notre pays dans le différend relatif à l’Île de Lété n’aurait pas engrangé au bas mot moins du milliard de nos francs. Dorothée Sossa a été par la suite directeur de la thèse de doctorat soutenue par Joseph Djogbénou en 2007.
« Ce dialogue a été mené entre soi »
Avec l’avènement de Patrice Talon, Joseph Djogbénou se devait de renvoyer l’ascenseur à son ami Dorothée Sossa car, dans notre pays, il y a un adage qui dit « Mèwuèylomègnibokissesé » il a fallu que quelqu’un vous appelle par votre nom pour que le perroquet s’en saisisse (pour se mettre à le répéter).
Après tout, on ne peut reprocher au chef de l’État d’avoir fait appel à quelqu’un dont il est sûr et sur qui il peut compter pour mener à bien l’entreprise délicate qu’est le fameux dialogue. Dans ces conditions, qui peut croire à la neutralité de notre collègue Dorothée Sossa ? Ce dialogue a été mené entre soi, c’est un dialogue « inter se » pour tout dire. Alors, les résultats du dialogue et les recommandations du Comité d’experts ne pouvaient être que ce que nous connaissons. »
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